La Juridiction unifiée des brevets (JUB) arrive à grands pas. À la tête des contentieux brevets du laboratoire Sanofi en Europe, Mathilde Rauline, ancienne conseil en propriété industrielle et avocate, présente les enjeux de la JUB pour l’industrie pharmaceutique.

Décideurs. Dans quelle mesure l’entrée en vigueur de la JUB affectera-t-elle l’industrie pharmaceutique ?

Mathilde Rauline. Dans notre industrie, le nombre de brevets qui couvre un médicament est assez restreint au regard des centaines de brevets qui protègent un téléphone portable ou une voiture, notamment. Dès lors, on s’efforce de connaître parfaitement la jurisprudence de chaque tribunal, afin de prédire nos chances de succès avec exactitude.

Le contentieux brevet fait partie du business model de l’industrie pharmaceutique. Les entreprises qui font beaucoup de contentieux brevets doivent définir des stratégies par rapport à ce nouveau tribunal européen. Chez Sanofi, la stratégie a été définie en tenant compte des spécificités de chaque type d’invention : chimique, biologique, ou encore dispositifs médicaux. Nous allons suivre de très près la jurisprudence de la JUB. Ce nouveau règlement implique une juridiction spécifique ayant compétence exclusive pour les contentieux en matière de brevets en Europe, même si pour le moment, il est encore possible de porter son contentieux devant les juridictions nationales.

Quelles sont les retombées pour les entreprises qui choisiront le brevet unitaire ou la JUB ?

Après la délivrance d’un brevet, les entreprises doivent décider de la portée géographique de leur titre. Un brevet unitaire couvrira les 17 pays membres qui ont déjà ratifié le "pack brevets" (brevet unitaire et JUB), pour l’équivalent d’une annuité couvrant 4 ou 5 pays. Les déposants qui valident leurs brevets dans peu de pays pourront avoir une couverture géographique beaucoup plus large, pour un surcoût modique ou inexistant. Ceux qui valident dans davantage de pays pourront voir leurs annuités réduites de manière significative. Ces changements de procédures vont faire évoluer la réflexion des entreprises, notamment en termes de budget.

"Ces changements de procédures vont faire évoluer la réflexion des entreprises, notamment en termes de budget"

La validité et la contrefaçon de ces brevets unitaires seront de la compétence exclusive de la JUB. Pour ce qui est du contentieux, celle-ci s’est dotée de magistrats de qualité, sélectionnés pour leur compétence et technicité. L’obtention d’une décision au fond en à peine un an sera très bénéfique pour les entreprises. Cela accordera à la justice une réactivité plus compatible avec celle de la vie des affaires.

Quelles perspectives se dessinent en matière de gestion des contentieux ?

Dans l’approche multi-juridictionnelle des contentieux, chaque pays a sa spécificité nationale, des notions qui lui sont propres sur un point de droit donné, et que les juridictions voisines ne reprennent pas. On peut espérer que les juges de la JUB s’affranchiront de leur jurisprudence nationale lorsqu’elle n’est pas la plus pertinente, et qu’ils adopteront le meilleur de ce que chaque pays propose. Par exemple, la jurisprudence danoise sur tel point de droit, la française sur un autre, et la belge sur un troisième.

"On peut espérer que les juges de la JUB s’affranchiront de leur jurisprudence nationale lorsqu’elle n’est pas la plus pertinente"

Un point d’attention à signaler pour les entreprises ?

La JUB apporte des concepts que les entreprises devront intégrer au sein de leurs contrats de R&D, licence, copropriété de brevet, entre autres. Il leur faudra également choisir d’utiliser ou non le brevet unitaire et la juridiction qui entendra leurs contentieux brevets en Europe. La clé réside dans la compréhension des enjeux et dans la mise en place des décisions prises.

Propos recueillis par Alexandra Bui

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