Si les maladies rares gagnent en visibilité, l’accès aux traitements pour les patients n’est pas une garantie. Recordati Rare Diseases, branche dédiée aux maladies rares du groupe pharmaceutique italien Recordati, participe à l’effort collectif par le biais de la recherche, du développement et de la commercialisation de médicaments orphelins. Jean-Claude Roche, son directeur général en France, détaille les plans d’actions et les collaborations qui permettront, selon lui, d’accélérer l’émulation en la matière.

Décideurs. Où en sont la France et l’Europe dans la lutte contre les maladies rares ?

Jean-Claude Roche. Il y a plus de 30 ans, la France a été précurseur dans le développement de solutions contre les maladies rares notamment avec le Téléthon en toile de fond. Parmi ces multiples initiatives, le premier plan national maladies rares visait à améliorer l’accès aux traitements en favorisant leur mise à disposition et de meilleures négociations de prix le plus rapidement possible. S’il reste perfectible, le système français contribue à répondre à l’objectif initial d’accessibilité alors que le prix élevé des médicaments orphelins découle de la difficulté à les développer et du nombre réduit de patients traités. Au niveau européen, les États doivent accepter d’allouer progressivement des budgets dédiés à la prise en charge de maladies rares. En plus de cette perspective communautaire, le prochain plan dédié se présente comme prometteur. Il faut maintenant qu’il se transforme en actions concrètes.

Ces plans d’actions vous paraissent-ils encourageants ?

Oui et non. La France a mis en œuvre des structures et processus pour accélérer la prise en charge des patients, tel que l’accès précoce, qui permet de fournir des traitements rapidement même si les autorisations de mise sur le marché et les négociations de prix sont encore en cours. Mais le problème des prix persiste. Alors que les prix faciaux sont globalement homogènes à l’échelle européenne, les systèmes de remise font de la France un pays où les prix nets sont parmi les plus bas en Europe. Au fil des changements de politiques publiques, l’absence de prévisibilité financière empêche les industriels de se projeter sur plusieurs années. L’accès au marché est alors menacé. Pour le reste, la France reste un pays attractif, notamment par son rôle de pépinière de start-up où les multiples incubateurs tels que Paris Biotech Santé, Tech Care Paris ou Future4Care créent un cercle vertueux autour de la recherche.

"S’il reste perfectible, le système français contribue à répondre à l’objectif initial d’accessibilité des médicaments orphelins"

Comment Recordati Rare Diseases participe-t-il à cet effort collectif ?

Nous sommes spécialisés dans trois aires thérapeutiques. Historiquement, les produits de métabolisme, essentiellement liés à des déficits enzymatiques chez les enfants. Puis, la division endocrinologique où l’on travaille sur la maladie de Cushing ainsi que l’acromégalie. Enfin, l’acquisition d’Eusa Pharma, basée à Lyon, nous a permis de renforcer significativement notre présence en oncologie rare.

Au cœur de notre siège français situé à Nanterre, notre site de production produit une quinzaine de molécules issues de notre recherche mais également du fruit de partenariats dans certains domaines thérapeutiques. Outre notre qualité d’unique site de production pharmaceutique de la petite couronne parisienne, nos médicaments sont exportés dans le monde entier.

Chaque année, les 28 février ou, lorsque cela est possible, les 29 février, la journée de mobilisation des maladies rares vise à sensibiliser sur le sujet. Qu’attendez-vous de plus ?

Il ne s’agit pas d’attendre, mais d’agir. En tant qu’industriel, nous faisons partie d’un "quadriptyque" dans lequel l’État constitue le payeur et le régulateur, où les associations de patients militent et exercent un lobbying, au sens noble du terme, pour les patients, et où les professionnels de santé décident de l’orientation thérapeutique. Ensemble, nous devons faire du bruit pour continuer à être considérés comme prioritaires dans un système de santé où l’enveloppe budgétaire est strictement encadrée.

"Ensemble, nous devons faire du bruit pour continuer à être considérés comme prioritaires dans un système de santé où l’enveloppe budgétaire est strictement encadrée"

Pourtant, des éléments empêchent le bon fonctionnement de ce "quadriptyque"… Lesquels ?

Le manque de communication. S’il est vrai que l’industrie pharmaceutique ne peut pas s’adresser directement aux patients, elle peut se rapprocher des associations de patients, mais également des professionnels de santé et des payeurs dans un cadre régulé. Pourtant, certaines associations de patients sont encore frileuses à l’idée de travailler avec le secteur pharmaceutique du fait de la réputation qui le précède. Au lieu de s’imposer des barrières, nous devons construire des plans d’attaque collaboratifs pour chaque maladie rare afin de débloquer les enveloppes budgétaires nécessaires.

Comment faites-vous pencher la balance en faveur des maladies rares ?

En gardant à l’esprit que la somme des maladies rares fait qu’elles sont tout sauf rares. Un Français sur dix en souffre. Chaque jour, on découvre une nouvelle maladie rare. Pour certaines pathologies, il existe des traitements curatifs qui permettraient d’augmenter drastiquement l’espérance de vie en bonne santé. Nous avons besoin d’associations citoyennes dotées d’un vrai pouvoir de conviction auprès des autorités pour accélérer la mise à disposition de ces traitements. Sans oublier que certains laboratoires, comme le nôtre, jouent aussi un rôle "compassionnel" en procurant à titre gracieux ces traitements en attendant une potentielle accessibilité ou une mise sur le marché. Un geste que l’on doit au patient dans cette dynamique collective.

Propos recueillis par Léa Pierre-Joseph

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