Laboratoire de référence dans le secteur de la médecine personnalisée et leader incontesté en biotechnologies, le groupe Roche s’est inscrit comme un acteur de première ligne lors de la pandémie Covid19. Jean-François Brochard, président de Roche Pharma en France, souligne la contribution de Roche aux côtés des acteurs de santé pour explorer la piste d’un traitement qui pourrait agir sur certaines complications de la maladie, avant d’évoquer le lancement d’un des premiers tests sérologiques permettant de détecter les anticorps contre la Covid-19, et les enseignements à tirer de cette crise sanitaire mondiale.

Décideurs. Comment avez-vous traversé cette crise sanitaire sans précédent ? 

Jean-François Brochard. En tant que partenaire de santé citoyen, nous nous sommes mobilisés depuis le premier jour, autant pour développer des solutions thérapeutiques et diagnostiques que pour accompagner au mieux les patients et les professionnels de santé dans la lutte contre la Covid-19. Nous nous sommes tout d’abord activement engagés dans la recherche de solutions thérapeutiques en menant des essais cliniques internationaux pour évaluer l'utilité potentielle d’une de nos molécules et en soutenant également des essais portés par les acteurs de la recherche académique. Nous avons amplifié nos collaborations entre les filiales Roche Diagnostics et Roche Diabetes Care pour apporter des réponses grâce à nos expertises complémentaires. ll était par ailleurs tout aussi important d’assurer la continuité de nos missions essentielles, pour apporter nos solutions thérapeutiques à tous les patients atteints d’autres maladies, telles que le cancer, la sclérose en plaques ou encore l’hémophilie, et leur permettre d’accéder aux traitements les plus innovants.

Qu’avons-nous appris sur ce virus ?

Le virus est récent mais les connaissances à son sujet s'accumulent et permettent aujourd’hui de mieux comprendre son mécanisme d'action. Nous savons désormais qu'une partie des complications et de la mortalité s'explique par une action indirecte du virus, d'apparition tardive, à l'origine de pneumopathies sévères avec parfois des défaillances multiviscérales. Ces manifestations, développées entre les jours 7 et 10, sont dues à une réaction de défense immunitaire attendue face à un virus mais dont l'ampleur est anormale et source de complications, notamment pulmonaires. C'est ce que l’on appelle “l'orage cytokinique”. Une des pistes que nous explorons consiste à agir en bloquant l'action de ces cytokines, dont l'interleukine 6, à l'aide d'un anticorps monoclonal.

"Le virus est récent mais les connaissances à son sujet s'accumulent et permettent aujourd’hui de mieux comprendre son mécanisme d'action"

Une piste de traitement explorée est le Tocilizumab. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il s’agit d’un anticorps monoclonal fréquemment utilisé dans certaines maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde ou encore dans le cas d’un syndrome proche de l'orage inflammatoire observé avec la Covid-19. La tolérance de ce médicament est bien connue. Suite à des observations sur une petite cohorte en Chine et d'autres observations cliniques en Espagne et en Italie, Roche a initié début avril un essai international randomisé en double aveugle dans 7 pays dont la France, pour établir une efficacité et la tolérance chez les patients hospitalisés présentant une pneumopathie sévère liée au Covid-19. Roche a également annoncé fin mai le lancement d’une seconde étude internationale en collaboration avec Gilead Sciences, Inc., pour évaluer l’efficacité et la tolérance de cette molécule en association avec un antiviral expérimental. Roche soutient par ailleurs des essais portés par les acteurs de la recherche académique et il existe aussi un certain nombre d'études qui ont été initiées de façon indépendante par des médecins et chercheurs. La coordination des essais cliniques menés avec cette molécule en France est menée en lien avec la direction générale de la santé, de façon à assurer une répartition homogène sur l’ensemble du territoire.

Quand saurons-nous si cette molécule est vraiment efficace ?

Des premiers résultats sont attendus dans les semaines à venir. Les complications liées au Covid-19 étant multifactorielles, par action à la fois directe et indirecte, d'autres approches sont nécessaires pour contrôler la maladie, comme des combinaisons avec des antiviraux qui sont en phase de faisabilité. Nos efforts s'adressent à une population souffrant de pneumopathies sévères avec pour objectif de limiter le passage en unité de soins intensifs ou sa durée, qui sont associés à ce jour à une morbi-mortalité [le taux de mortalité pour une maladie donnée, Ndlr] élevée et également à l'origine d'un important fardeau sur le système hospitalier. À ce jour, aucune preuve clinique publiée ne permet de recommander son utilisation chez les patients atteints de Covid-19. Guidés par la science, nous mettons tout en oeuvre pour évaluer l'intérêt de notre traitement et obtenir des preuves cliniques suffisamment robustes, nous permettant, peut-être, de recommander notre molécule. 

Roche a lancé l’un des premiers tests sérologiques pour détecter les anticorps contre la Covid-19. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Après le lancement mi-mars d’un test moléculaire, dit PCR, pour détecter l’infection active à Covid-19, Roche a en effet annoncé le 4 mai l’accord par l’autorité sanitaire américaine d’une autorisation d’utilisation d’urgence pour son test de détection des anticorps Elecsys® Anti-SARS-CoV-2. Cette solution permet de savoir si un patient a été exposé au virus et s’il a développé des anticorps dirigés contre celui-ci. Grâce à ses capacités de production étendues à l’échelle mondiale, Roche a été en mesure de fournir des dizaines de millions de tests par mois à un prix identique dans tous les pays acceptant le marquage CE ainsi qu’aux États-Unis. 

"la crise du Covid-19 à bien prouvé l’indispensable synergie entre les acteurs de la chaîne du médicament"

Quelle en est l’utilité ?

Le test de détection des anticorps anti-SARS-CoV-2 peut aider à évaluer la réponse immunitaire des patients au virus. Son principal avantage est qu’il a une spécificité supérieure à 99,8 % et une sensibilité de 100 %, quatorze jours après la confirmation par un test moléculaire. Alors que notre compréhension de l’immunité au SARS-CoV-2 s’améliore, ce test pourrait contribuer à déterminer qui a développé une immunité au virus. Les hôpitaux et les laboratoires de référence peuvent réaliser le test sur les analyseurs cobas E de Roche, qui sont très répandus à travers le monde. Ces systèmes automatisés sont en mesure de fournir des résultats portant sur le virus en 18 minutes environ, avec un débit de tests allant jusqu’à 300 tests/heure, en fonction de l’analyseur. 

Quels enseignements devons-nous tirer pour demain ?

La pandémie que nous traversons est inédite par son ampleur et sa vitesse de propagation. Dans le monde entier, l’ensemble des systèmes de santé a été mis sous tension avec en première ligne, ses professionnels. Ces soldats du front luttent encore contre la maladie et essaient de contenir ses effets mais sans pouvoir en traiter seuls les causes. C’est dans ce contexte que l’indispensable synergie avec les acteurs de la chaîne du médicament s’est développée, notamment en France, car la santé est un sujet collectif, et la crise du Covid-19 l’a bien prouvé. Au-delà du médicament, la démarche d’innovation que développe Roche s’étend aussi à l’environnement du patient : sa vie à la maison, son usage du numérique, sa vie au travail, etc. L’innovation n’est en effet utile que si elle est accessible et répond véritablement aux besoins des patients. Fort de ces constats, nous pouvons imaginer pour demain une organisation des soins plus efficiente où la collaboration étroite entre acteurs publics et privés sera davantage systématique. Puis, grâce au digital et à l’intelligence artificielle, de nouveaux modes d'interaction vertueux pourront être créés. L’innovation thérapeutique apportera alors de nouvelles perspectives de prise en charge personnalisée dans un système de santé qui bénéficie à tous les patients.

Propos recueillis par Alexandre Lauret

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