Tracer les cas contacts : l'apport "indispensable" des applications numériques de tracing
Les Français pourront-ils un jour télécharger l’application de tracing StopCovid ? Le plan de déconfinement, adopté à l’Assemblée nationale le mardi 28 avril, devait inclure l’autorisation de lancer une application de ce type, du moins en principe. Le débat a cependant été reporté. Mais les intentions sont claires. Lorsqu’il sera définitivement mis sur pied, le projet sera présenté aux députés et un vote spécifique aura lieu.
Il est d’ailleurs ardemment soutenu par le conseil scientifique pour qui "l’application n’est pas seulement utile, elle est indispensable en complément de toutes les autres mesures", a déclaré Aymeril Hoang, son représentant numérique.
"L’application n’est pas seulement utile, elle est indispensable"
Ce projet porte un nom : le PEPP-PT, Pan-European Privacy-Preserving Proximity. Il s’agit d’un consortium de chercheurs de huit pays européens qui a pour but de fournir aux États un protocole prêt à l’utilisation. Chaque pays dans le monde pourra s’en servir. L’équipe française est composée de membres de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) situé à Grenoble. Ils travaillent en collaboration avec plusieurs entreprises dont Dassault Systèmes, Capgemini, Orange et des start-up.
Plus de 50 applications déjà existantes
Le PEPP-PT met un point d’honneur à ce que l’application garantisse le droit à la vie privée. Elle fonctionnera via le Bluetooth et assurera l’anonymat. Le code source sera publié et pourra être vérifié par des développeurs. Concrètement, l’utilisateur qui aura été testé positif au Covid-19 devra de lui-même intégrer cette information sur son appli. La base de données sera mise à jour quotidiennement.
L’utilisateur qui aura été testé positif au Covid-19 devra de lui-même intégrer cette information sur son appli
Tous les États européens n’ont pas attendu cette solution clé en main. Au total, 53 applications dans 29 pays ont déjà vu le jour d’après un décompte réalisé par 10VPN, un groupe de défense des droits numériques. Vingt-neuf d’entre elles utilisent les données de géolocalisation (GPS) et 9 le Bluetooth, les 15 dernières combinent les deux.
D’autres solutions numériques ne relèvent pas du tracing. Au Pays basque par exemple, les habitants ont pu télécharger une application leur demandant d’inscrire des informations sur leur santé et les personnes qu’ils ont côtoyées.
Le cas sud-coréen
La crise sanitaire révèle plus distinctement les différences culturelles. Si certains États autoritaires comme la Chine n’ont pas attendu pour mettre en place ce traçage, toutes les démocraties n’ont pas agi de la même manière que les pays occidentaux. C’est le cas pour la Corée du Sud qui fait figure d’exemple dans sa gestion de la crise.
Il faut dire que la péninsule a appris de l’épidémie du MERS (Middle East Respiratory Syndrome) qui avait provoqué la mort de 36 personnes en 2015. La gestion gouvernementale avait alors été vivement critiquée. Après cet épisode, les autorités ont assoupli la gestion et le partage des données sur les dossiers médicaux. C’est pourquoi elles peuvent aujourd’hui suivre à la trace les personnes testées positives au Covid-19. Une panoplie de moyens est utilisée : les données GPS, les transactions dans les magasins mais aussi les caméras de surveillance. Les personnes résidant près des lieux où s’est déplacé le malade reçoivent une notification seulement quelques minutes après son passage.
Une panoplie de moyens est utilisée : les données GPS, les transactions dans les magasins mais aussi les caméras de surveillance
La France ne devrait donc pas suivre le modèle coréen mais plutôt celui de Singapour. La Cité-État a été la première a lancé une application se fondant sur le Bluetooth à l’instar de StopCovid. Lancé le 20 mars, le programme stocke les données de déplacements de l’utilisateur pendant 21 jours. Elle identifie en particulier les personnes avec lesquelles il a été à moins de 2 mètres pendant au moins 30 minutes.
C’est également ce modèle sur lequel travaillent en collaboration Apple et Google. Les deux géants ont lancé mercredi 29 avril la première version de leur application de tracing. Les pays qui le souhaitent peuvent s’en emparer gratuitement dans le but de proposer à leurs citoyens cet outil numérique.
Victor Noiret
Retrouvez ici notre dossier spécial "Gagner la guerre sanitaire"