Quelque 460 essais cliniques contre le Covid-19 sont aujourd'hui répertoriés dans le monde. Une recherche aussi foisonnante que limitée : tous visent en effet à tester des médicaments déjà existants, et repositionnés opportunément contre le coronavirus.

La recherche pharmaceutique est un travail de longue haleine : une dizaine d'années sont traditionnellement nécessaires pour mettre au point un médicament innovant. Une approche sur mesure impossible à déployer face à un virus qui débarque sans prévenir. Les chercheurs n'ont alors pas d'autres choix que de tester d'anciennes molécules. Une technique de "repositionnement" bien connue des industriels, notamment dans le domaine des maladies rares, qui limite les investissements nécessaires. Surtout, elle permet de tester sans attendre les traitements (dont la sûreté a déjà été prouvée) sur des patients.

De l’éprouvette à l’homme

En identifiant les mécanismes du Covid-19 sur l'organisme, les chercheurs ont rapidement établi une liste de médicaments potentiels. L'occasion d'ailleurs de tester de nouvelles techniques d'intelligence artificielle et de big data pour passer en revue des milliers de molécules en un temps record. En France, Pharnext a ainsi dressé courant mars une liste de 97 médicaments candidats au repositionnement, et déjà utilisés contre des maladies fréquentes comme le diabète et l'hypertension.

Ces molécules sont ensuite testées in vitro contre le coronavirus ou sur des modèles animaux. Les chercheurs chinois ont logiquement été précurseurs, en identifiant plusieurs molécules prometteuses en éprouvette, dont la fameuse hydroxychloroquine. Malheureusement, les voies de la biologie sont parfois impénétrables, et les chercheurs n'arrivent que rarement à répliquer sur les patients les résultats positifs obtenus en laboratoire. Et même lorsqu'un effet positif est démontré face à un placebo ou le traitement standard, il ne faut pas en attendre un bénéfice pour tous les patients : seules les statistiques sur une échelle assez large permettront de conclure sur son efficacité réelle.

Les différentes approches

Plusieurs approches thérapeutiques sont testées aujourd'hui. Elles ne s'opposent pas forcément et pourront ainsi permettre d'établir un panel d'options, en fonction notamment du degré de gravité de la maladie. Parmi les médicaments contre le virus, on retrouve les antiviraux, comme le remdesivir du laboratoire américain Gilead. Pas encore commercialisé, il a été initialement développé contre le virus Ebola. C'est aujourd'hui l'une des pistes privilégiées, avec déjà des résultats positifs dans certaines études. En revanche, puisque son rôle est d'abord de bloquer la réplication du virus, il doit être administré à un stade précoce de la maladie, avant que le Covid ne submerge le système immunitaire.

Le favipiravir du japonais Fujifilm se démarque également, même si son utilisation est curieusement encore limitée dans le monde. Des résultats positifs ont pourtant été annoncés en Chine et au Japon. L'antipaludéen hydroxychloroquine fait également l'objet de nombreuses recherches. Mais les premiers résultats sont clairement décevants. Les médecins suédois ont d'ailleurs abandonné son utilisation en dehors des essais cliniques, jugeant son efficacité limitée, tout en suspectant certains effets secondaires graves. La combinaison anti-VIH lopinavir/ritonavir est de son côté testée dans une quarantaine d'essais. Là encore, les premiers résultats n'incitent pas non plus à l'optimisme.

Éviter l'emballement immunitaire

D'autres médicaments sont testés à des stades plus avancés de la maladie. Comme les formes les plus virulentes de la grippe, le Covid-19 provoque chez certaines personnes une inflammation dérégulée du tissu pulmonaire. Cette réponse de l'organisme pour éliminer le virus, qualifiée de « tempête », entraîne une brutale sécrétion de certains médiateurs du système immunitaire, qui deviennent incontrôlables et provoquent des lésions sévères des poumons, avec un risque de syndrome de détresse respiratoire aiguë.

Plusieurs traitements permettent de contrer cette réaction hyper-inflammatoire, caractéristique de plusieurs autres maladies. L'Actemra, traitement de la polyarthrite rhumatoïde du laboratoire Roche, par ailleurs utilisé contre le syndrome immuno-inflammatoire chez certaines personnes atteintes d'un cancer, a ainsi obtenu des résultats très positifs lors d'une étude menée en France par l'AP-HP auprès de patients atteints d'une forme sévère de l’infection. Le Kevzara de Sanofi, qui a le même mécanisme d'action, fait aussi l'objet de plusieurs essais prometteurs. Tout comme le Jakavi de Novartis, habituellement indiqué pour éviter une hyperréaction du système immunitaire après une greffe.

La piste de l’immunothérapie

L'une des pistes les plus innovantes est conduite par le laboratoire japonais Takeda, en partenariat avec les acteurs industriels du plasma : le français LFB, l'australien CSL Behring, le suisse Octapharma, l'allemand Biotest et le britannique BPL. Il s'agit de développer une immunoglobuline spécifique dénommée TAK-888, extraite du plasma de personnes ayant guéri de la maladie. Une "immunité" ensuite transférée aux patients. L'approche n'est pas nouvelle : elle a déjà fait ses preuves contre des maladies très agressives, notamment des cas graves de tétanos. Plusieurs essais de ce type ont déjà été lancés, avec un certain succès. Mais elle reste complexe et coûteuse à réaliser, d'où un faible nombre de patients traités aujourd'hui.

Fabien Nizon

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