Aujourd’hui, 8 millions de tonnes de plastique sont déversés dans la mer chaque année. Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la mer, se bat pour la protéger et évoque avec nous sa vision de la philanthropie.

Décideurs. Pouvez-vous présenter la Fondation de la mer ?

Sabine Roux de Bézieux. Nous avons tous besoin d’un Océan en bonne santé, or il est en danger. La Fondation de la mer apporte des réponses pour que chacun puisse avoir un impact positif sur l’Océan : mieux connaitre et comprendre la vie qui s’y déploie ; éduquer et sensibiliser notamment les plus jeunes ; protéger les écosystèmes marins si fragiles. Pour faire face à l’urgence, nous identifions et soutenons ainsi les meilleurs projets pour amplifier et accélérer leur impact. 

Quels sont les profils de vos donateurs ? 

La Fondation de la mer dispose de trois types de donateurs. Ce sont tout d’abord des particuliers, engagés pour la cause du climat ou la biodiversité marine. En deuxième lieu, se trouvent les fondations privées et familiales qui, ces dernières années, ont également pris de conscience de l’importance de la bataille pour le climat. Elles sont désormais nombreuses à avoir rallié notre cause. Le troisième type de donataires sont des entreprises, de toutes tailles, françaises et internationales. Nous tenons à ce large panel de donateurs qui nous permet et multiplier notre efficacité, et travaillons avec les grands donateurs afin de déterminer avec eux le projet qui leur tient le plus à cœur.

"Je m’émerveille de voir de plus en plus d’initiatives associatives pour le climat et la biodiversité"

Avez-vous remarqué un changement dans l'attitude des Français concernant la philanthropie ?

Depuis plusieurs années, nous observons un recentrage des dons vers deux causes majeures : l’éducation et l’insertion professionnelle d’une part, et, plus récemment, l’environnement. Les Français ont réellement pris conscience qu’ils ont une responsabilité individuelle à l’égard des problèmes sociaux et environnementaux de notre pays. Aujourd’hui, l’État n’a pas les moyens de faire face à ces enjeux. Des initiatives privées, comme celle de la Fondation de la Mer, prennent donc le relais et complètent les actions de l’État. Je m’émerveille de voir de plus en plus d’initiatives associatives pour le climat et la biodiversité, et des philanthropes qui se lèvent pour prendre part à l’effort et financer des projets qui vont avoir un impact sur cette causes environnementale. 

Les motivations de donation sont-elles différentes entre la France et les États-Unis ?

La philanthropie française est très différente de celle qui se pratique aux États-Unis, où elle est vivement critiquée, à raison parfois. Rappelons avant tout que la France est championne du monde du prélèvement obligatoire avec 46 % du PIB, contre 27 % aux États-Unis, les Américains ne sont pas plus généreux que les Français car ils sont presque deux fois moins prélevés qu’en France. Par ailleurs, les fortunes françaises sont bien différentes. En France, aucune fortune n’est comparable à celles de Bill Gates ou Warren Buffett. Enfin, la philanthropie discrète est une tradition en France. Les familles qui font des dons importants ne s’en servent pas pour avoir accès à un statut social ou à des privilèges, mais dans un réel souci d’intérêt général. Dans ces conditions, il est presque miraculeux d’avoir des philanthropes en France !

"Le principal frein à la philanthropie en France est donc juridique"

Y-a-t-il des obstacles au développement de la philanthropie ?

Il y en a de nombreux. La loi française prévoit que, si vous créez votre propre fondation, vous devez en perdre le contrôle. L’alternative est de créer une fondation sous l’égide d’une fondation abritante, mais la fondation n’a ni personnalité morale, ni autonomie de décision. Les philanthropes préfèrent en conséquence créer un fonds de dotation. En l’espace de dix ans, 70 fondations ont ainsi été créées contre 4 000 fonds de dotation. Le principal frein à la philanthropie en France est donc juridique : la réglementation n’a pas changé depuis 1987, un tiers de siècle ! L’enjeu est d’avoir un environnement juridique favorable pour les fondations afin de libérer la philanthropie dans notre pays. 

Que vous apporte au quotidien votre activité philanthropique ?

Je suis engagée dans d’autres projets comme la branche française de United Way et Espoir Niger. Ces associations s’attaquent à une cause qui me tient particulièrement à cœur : l’égalité des chances dans l’éducation. La philanthropie, c’est avant tout de la joie et des rencontres. Cela permet de découvrir des gens que nous n’aurions pas eu l’occasion de croiser et de recevoir plus encore que ce que nous pouvons apporter.

Propos recueillis par Chloé Buewaert

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