Le plan « Ma santé 2022 » était présenté en Conseil des ministres le 13 février. Tour d’horizon avec Olivier Véran, député LREM et rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Décideurs. Comment évaluez-vous l’état du système de santé en France aujourd’hui ?

Olivier Véran. Notre pays est souvent regardé et envié à l’international. Notre système de soins et d’assurance-maladie est efficace et performant. Pour autant, nous devons l’améliorer en le réformant car la société est en pleine évolution. Le vieillissement de la population déplace certains curseurs et nous devons à la fois adapter nos politiques de santé en temps réel mais également nous projeter dans un avenir proche. L’émergence de nouvelles technologies nous oblige également à renouveler nos outils et notre mode de fonctionnement. 

Le déficit de la Sécurité sociale se réduit considérablement  et l’on prévoit même qu’elle sera bénéficiaire en 2019. Quelles sont les perspectives pour les pouvoirs publics ?

C’est historique. Depuis presque 20 ans, à chaque exercice budgétaire, nous entendons parler du « trou de la sécu ». Ce terme appartient désormais au passé. Nous ne pouvons que nous en féliciter et apprécier les efforts qui ont également été accomplis lors du précédent quinquennat. Cela ne veut pas dire pour autant que nous pouvons dépenser sans compter, au contraire. Il s’agit de ne pas réitérer les erreurs passées tout en préparant l’avenir avec une plus grande stabilité. Maîtriser un budget nécessite un équilibre entre dépenses et recettes, nous devrons y veiller et poursuivre les efforts qui ont été réalisés depuis plus d’un an. La dette cumulée depuis dix-huit ans devra être remboursée. Cela n’empêche pas de prévoir des dépenses nouvelles, notamment dans le champ de la dépendance.

L’innovation est incontournable pour l’évolution du domaine de la santé. Selon vous, que faut-il entreprendre pour la favoriser ?

L’innovation en santé est non seulement essentielle, elle est stimulante. Je pense notamment aux technologies portées par les NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cognitivisme), à l’avènement de l’intelligence artificielle mais aussi au champ de la prévention et de la prise en charge des maladies chroniques et des innovations organisationnelles qui nous obligent à repenser le modèle pour être prêt à les mettre en place et à les financer.

Quels sont les principaux obstacles que vous percevez concernant la progression de cette innovation ?

Ces obstacles sont avant tout liés à notre difficulté d’anticipation. La prospective en santé est encore difficile à réaliser. D’ici cinq ans, quelles seront les innovations thérapeutiques émergentes et comment agiront-elles sur notre système de santé ? Pour être prêt à accueillir ces innovations, je crois profondément à la prospective et à la recherche. 

« Le numerus clausus est aujourd’hui un moyen d’empêcher des étudiants Français de se former dans leur pays »

Le président de la République a présenté le 18 septembre dernier le plan « Ma santé 2022 » qui promulgue la fin du numerus clausus dès 2020 dans les facultés de médecine. Quels sont les objectifs de cette disposition ?

Depuis plusieurs années, je dénonce ce système désormais inutile et qui ne répond plus aux attentes de nos territoires. Le numerus clausus est aujourd’hui un moyen d’empêcher des étudiants Français de se former dans leur pays. Un quart des médecins qui s’installent en France sont titulaires d'un diplôme étranger. Le système actuel pousse des Français qui cherchent à éviter la sélection brutale de la première année à étudier dans des universités francophones européennes. Cela est forcément paradoxal. À l’heure où de plus en plus de petites communes essaient par tous les moyens de trouver un médecin, devons-nous continuer à restreindre l’accès à de futurs praticiens parce qu’ils n’auraient pas su répondre correctement à une question sur les écrits d’Aristote ? 

Que répondez-vous à la fédération nationale des infirmiers qui s’est élevée contre les annonces concernant leurs missions et, en particulier, celle prévoyant la création de 4 000 postes d’assistants médicaux ? 

L’amendement, qui jette les bases de la profession, a été voté à l’unanimité lors de la première lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. C’est chose rare, et il faut le souligner. La mesure est bénéfique, mais il faut néanmoins en préciser les contours pour lever les inquiétudes des professionnels.

Ces postes d’assistants médicaux permettront de soulager les infirmières et infirmiers sur d’autres tâches, moins médicales, et plus administratives, qu’elles et ils ne devraient pas avoir à remplir. 

Les deux profils seront complémentaires. Il n’a jamais été question de se passer de l’expertise des infirmiers. De plus, depuis le mois de septembre, les infirmiers ont la possibilité de se former pour devenir infirmiers en pratiques avancées (IPA) ; une formation qui leur permet de gagner en compétences.

Enfin, les assistants médicaux seront exclusifs à la pratique regroupée, et prioritairement déployés dans les zones sous-denses, afin que la synergie avec tous les acteurs de santé, dont les infirmiers libéraux, participe à pallier le manque de médecins sur le territoire.

Si elle se félicite de l’ambition portée par ces réformes concernant le volet de la recomposition hospitalière, le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), s’interroge également sur leur financement...

Il faut, et nous l’avons fait, desserrer l’étau autour des financements. L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est au plus haut depuis le début du quinquennat, au-delà même de ce qui avait été annoncé lors que la campagne présidentielle. Le montant global dédié au financement des hôpitaux a augmenté. Notre système dispose par ailleurs de marges d’efficience dans ses dépenses, une meilleure organisation et une meilleure pertinence. Autant de chantiers sur lesquels la majorité s’est engagée avec Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Les opposants à ce plan ne manquent pas. Outre de s’interroger sur son financement, de dénoncer une logique purement comptable au détriment de la qualité des soins, comment concilier gestion des ressources, moyens et missions de soins ?

Plusieurs systèmes de financement se sont succédés dans notre pays. De la dotation globale, où l’hôpital était financé par enveloppe fermée, nous sommes passés au financement à l’activité où l’hôpital était financé aux actes. Ce dernier a montré quelques écueils, comme l’inflation de l’activité hospitalière au détriment de sa qualité. Une mission sur la réforme du financement du système de soins a ainsi commencé au début du quinquennat, pilotée par Jean-Marc Aubert, directeur de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), afin d’en dessiner les futurs contours.

Propos recueillis par Philippe Labrunie (@PhilippeLabrun1)

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