Alors que les tribunes se multiplient pour appeler à une relance verte de l’économie et que Bruxelles peaufine son plan de relance, les grands groupes semblent vouloir prendre de l’avance.

Hommes politiques, patrons, militants... mais aussi acteurs, chanteurs ou autres influenceurs : depuis quelques semaines, beaucoup de ceux qui ont voix au chapitre se sont empressés d’apporter leur signature à des appels, manifestes et autres tribunes appelant à ce que la relance économique post-Covid fasse la part belle à l’écologie et à l’environnement.

Une volonté politique...

Dès le 10 avril, onze ministres européens de l’Environnement, par la suite rejoints par sept de leurs homologues, ont donné le ton en publiant une tribune appelant à ce que les plans de relance post-épidémie de coronavirus prennent en compte les questions d’environnement et de climat. « Nous devrions nous préparer à reconstruire nos économies en introduisant des plans de relance destinés à redonner à l’Europe et à ses citoyens un progrès et une prospérité rénovés et soutenables », ont-ils déclaré, mettant en garde face à « la tentation de solutions à court terme en réponse à la crise actuelle qui risquent d’enfermer l’UE dans une économie basée sur les énergies fossiles pour des décennies ». Ils appellent ainsi à une « réponse européenne commune » et à «  accroître les investissements, particulièrement dans les domaines de la mobilité soutenable, de l’énergie renouvelable, la rénovation des bâtiments, la recherche et l’innovation, le rétablissement de la biodiversité et l’économie circulaire. »

Ce volontarisme semble avoir eu des échos du côté des instances européennes, puisque, en amont du sommet européen du 23 avril dernier sur le plan de relance, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans est monté au créneau pour défendre le fameux Green Deal européen, lancé en début d’année. « Ne tombons pas dans le piège de penser que le Pacte vert est un luxe que nous ne pouvons pas nous offrir pendant cette crise », a-t-il lancé. Le plan de relance présenté mercredi 27 mai par Ursula von der Leyen est teinté d’une forte couleur verte. La transition écologique fait partie des réformes éligibles aux fonds mobilisés par l'Europe. Elle pourra notamment bénéficier de 310 milliards d'euros de subventions et des prêts à hauteur de 250 milliards d'euros.

... Et ses échos civils

Ces tribunes politiques ont immédiatement eu leurs pendants civils. Et si le « non à un retour à la normale » exprimé par une myriade de célébrités, souvent adeptes de voyages en jets privés, a reçu un accueil mitigé, le volontarisme de certains acteurs du monde des affaires est en revanche bien plus révélateur. Onze investisseurs européens de Total ont ainsi annoncé avoir engagé un projet de dépôt de résolution pour « modifier les statuts du groupe pétrolier afin de renforcer la contribution de son modèle économique à l’atteinte de l’Accord de Paris sur le climat ». Le pétrolier Shell a quant à lui annoncé l’ambition d’atteindre la neutralité carbone pour ses propres installations à l’horizon 2050. EDF a adopté sa raison d’être, visant également la neutralité carbone en 2050, tandis que BNP Paribas a accéléré son plan de sortie des investissements dans le charbon.

Le Forum économique mondial, qui a exprimé ses craintes de voir la pandémie « annuler les progrès récents dans la transition vers une énergie propre », vient tout juste d’annoncer la création d’un groupe d’action de PDG pour un pacte vert européen, présidé par le patron d’Axa, Thomas Buberl. Parmi ses membres, on trouve les dirigeants d’Ikea, de Suez, de Sanofi, de Natixis ou encore de Schneider Electric. « Les plans de relance européens façonneront les économies et les sociétés européennes pour les décennies à venir, nous devons nous assurer qu’ils conduisent à un avenir plus vert, plus résilient et inclusif », ont-ils écrit dans un communiqué. La plateforme doit permettre de soutenir des plans et des idées concrètes pour accélérer l’action climatique et stimuler les investissements du secteur privé pour la transition verte. L’unanimité que suscite la relance verte est totale, la sévérité au moment de dresser son bilan sera au même niveau.

Boris Beltran

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