En juin, Exosens, entreprise spécialisée dans la vision nocturne, lançait son introduction en Bourse par voie de placement privé. Dès sa première séance, le titre de la société, qui vend notamment des solutions au secteur de la défense, était en hausse. Retour sur cette opération avec sa directrice financière, Quynh-Boi Demey.

Décideurs. Pourquoi Exosens s’est-il lancé dans une IPO ?

Quynh-Boi Demey. Nous achetons des composants et les transformons afin de les vendre à des intégrateurs qui les assemblent et les livrent à nos clients finaux dans la défense, les sciences de la vie, le nucléaire et le contrôle industriel. Exosens a une forte croissance qui est organique mais aussi permise par des acquisitions. Nous avions atteint un stade de maturité et de développement qui ne pouvait qu’être accéléré par un financement long terme, donc par les marchés de capitaux.

Comment vous y êtes-vous préparés ?

Pour qu’une IPO réussisse, il faut un alignement des planètes. Nous devions être prêts pour quand s’ouvrirait "une fenêtre de marché" (un moment opportun pour se lancer, ndlr) qui ne dépendait pas de nous. Notre croissance nous a amenés à nous structurer, à nous renforcer et donc à mener le travail préparatoire nécessaire à une IPO. Celle-ci n’a été qu’un accélérateur. Par exemple, Exosens avait posé ses ambitions en matière de RSE. L’introduction en Bourse nous a poussés à les documenter plus vite afin de répondre aux exigences de la CSRD, directive à laquelle nous aurions eu un an de plus pour nous conformer si nous n’étions pas cotés.

Qu’est-ce qui explique que votre IPO ait été une réussite ?

C’est difficile à dire car plusieurs facteurs ont permis cette réussite. Durant la phase de préparation, nous cherchions surtout à être prêts. Ensuite, la réussite dépend de facteurs exogènes. Exosens a notamment bénéficié d’un changement de réglementation qui offre la possibilité de proposer uniquement une souscription dans le cadre d’un placement privé auprès d’investisseurs institutionnels et non pas auprès du public, permettant un processus plus rapide. Les fenêtres de marché s’ouvrent et se referment. Lorsqu’une est ouverte et qu’on est prêt, il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas. À ce sujet, notre fenêtre a plutôt été de la taille d’une meurtrière car deux jours après notre IPO, elle s’est refermée à cause de la dissolution de l’Assemblée nationale, ce qui a conduit à une grande instabilité sur les marchés.

"Nous avions atteint un stade de maturité et de développement qui ne pouvait qu’être accéléré par un financement long terme"

Depuis votre IPO, vous avez annoncé quatre acquisitions. Comment ces opérations s’inscrivent-elles dans votre stratégie ?

Nous avions annoncé au marché notre volonté de continuer à croître en organique et par acquisitions. En 2023, les deux tiers de notre chiffre d’affaires provenaient du secteur de la défense, lequel grandit encore très vite. Pour rééquilibrer nos activités et monter en puissance dans les secteurs industriels et commerciaux, nous procédons par croissance organique et accélérons par rachats. Exosens cible des entreprises dont les technologies complètent les siennes et qui sont positionnées sur des marchés de niche en forte croissance. Ceux-ci peuvent être très profitables mais les sociétés que nous visons n’ont pas notre taille et notre capacité à faire des économies d’échelle.

Quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?

Les tensions géopolitiques poussent les États à augmenter leur budget de défense. En Europe, ils doivent atteindre 2 % du PIB. Nos équipements sont intégrés dans des jumelles de vision nocturnes qui permettent d’opérer la nuit. Avant, c’étaient surtout les forces spéciales qui en bénéficiaient, dorénavant certains pays souhaitent équiper l’intégralité de leurs forces terrestres (c’est-à-dire chaque fantassin y compris les personnels de support tels que la logistique). Le renouveau du nucléaire est également source de revenus additionnels. Nous proposons des détecteurs de neutrons et de gamma de manière à mesurer les radiations au coeur du réacteur. Dans l’environnement, nous avons des solutions pour détecter les fuites de méthane, dans l’industrie pour identifier les défauts de fabrication sur les chaînes de production, etc. Entre 2021 et 2023, nous avons fait 38 % de croissance moyenne par an. En 2024, la croissance organique devrait se situer entre 15 % et 20 % haut de fourchette. Nos résultats à fin septembre sont parfaitement en ligne avec ce que nous avons annoncé aux marchés.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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