Frederick Crot est président de l'AFFO, Association française du family office. Souvent discrets, ces investisseurs sont pourtant devenus des acteurs incontournables de l’écosystème du private equity. À l’heure d’un entre-deux-tours où la stabilité indispensable au cycle de l’investissement est remise en question, Frederick Crot revient sur les préoccupations du monde des family offices.  

Décideurs. Comment l’annonce de la dissolution a-t-elle affecté les family officers ?  

Frederick Crot. Un family office est plutôt un investisseur de long terme. Les familles sont prêtes à placer des fonds et à prendre des risques pour autant que le contexte politique et fiscal reste relativement stable. Cette stabilité, qui a été le mot d’ordre au cours des dix dernières années, pourrait voler en éclat après les élections. A l’annonce de la dissolution du parlement, l’écosystème a été en état de sidération. Le climat d’incertitude actuel est inquiétant, pour les family offices comme pour l’entrepreneuriat. La plupart de ces structures sont liées à une aventure entrepreneuriale familiale, ce sont à la fois des investisseurs et des créateurs de richesse pour qui la stabilité politique est indispensable. Si la pression fiscale, déjà très élevée en France, devenait insupportable, certains pourraient remettre en question le maintien de leurs investissements en France et quitter le pays.  En parallèle, ceux qui pensaient revenir en France, ne le feront vraisemblablement pas, alors que le pays était, en Europe, une destination privilégiée pour les investissements étrangers en 2023. On aurait d’ailleurs pu imaginer que certaines fortunes seraient revenues en France après les élections du 4 juillet au Royaume Unis dont les soudages donnent les travaillistes vainqueurs, ce qui impliquera une forte hausse de la fiscalité.

Quelle issue serait préférable pour préserver l’attractivité de l’Hexagone ?

La situation restera anxiogène. Nous pouvons espérer qu’il n’y ait pas de majorité claire et qu’une forme de coalition se mette en place pour modérer les programmes des partis extrémistes, comme ce fut le cas en Belgique ou en Italie.

"Les family office sont devenus, aux côtés des investisseurs institutionnels, une force d’investissement non négligeable"

Comment les family offices, en tant que Lps, réagissent-ils aux récents mouvements de marché du private equity ?

Aujourd’hui, selon notre dernier baromètre, 23% des portefeuilles des family office adhérents à l’AFFO, sont investis en private equity. Les family office sont devenus, aux côtés des investisseurs institutionnels, une force d’investissement non négligeable. Le private equity constitue pour eux une classe d’investissement de plus en plus importante notamment par rapport aux marchés cotés, beaucoup plus volatiles, comme le démontre l’évolution du CAC 40 depuis l’annonce de la dissolution. Le private équity permet une gestion à plus long terme, ce qui correspond bien aux critères d’investissement des family office. Les performances historiques du private equity, régulièrement supérieures à celle du marché coté, sont également un facteur d’attraction pour cette classe d’actifs malgré sa plus faible liquidité

En dehors du private equity, à quels enjeux les family office font-ils face aujourd’hui ?

L’ESG soulève de nombreuses questions pour les familles, notamment pour les jeunes générations qui souhaitent investir dans des thèses d’investissement durable. La philanthropie est également au cœur de l’action d’un family officer, un domaine en pleine évolution qui répond aux enjeux de société sur lesquels les familles souhaitent agir. Enfin, les problématiques de transmission et de pérennité du patrimoine familial sont des sujets majeurs pour les family offices. Ces enjeux sont d’autant plus cruciaux que 25% des dirigeants d’entreprises ont plus de 60 ans et que très peu ont mis en place un plan de succession.

Propos recueillis par Céline Toni

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