Jason Schenker : "Beaucoup de gens ne retourneront pas au bureau"
Le futur. Tel est le sujet de prédilection de Jason Schenker, économiste, entrepreneur, et auteur de The Future after Covid : futurist expectations for changes, challenges, and opportunities after the Covid-19 pandemic. Dans ce livre, l’Américain aborde une quinzaine de thèmes, des difficultés économiques de certains secteurs aux conséquences de la crise sur les prochaines élections présidentielles américaines afin de nous livrer sa vision du monde d’après.
Le futurisme pour préparer l'avenir
"La crise a forcé la société à s’adapter et de nouvelles habitudes deviendront permanentes", affirme Jason Schenker. Comment le sait-il ? Il est futuriste. "Un futuriste regarde les données et les tendances du passé, puis applique les tendances et les modèles observés aux données du présent, afin de partager une vision ou des scénarios de ce que l’avenir pourrait être", explique-t-il avant de citer Mark Twain : "L’Histoire ne se répète pas, mais parfois elle rime", puis de poursuivre "Être futuriste est une extension logique de l’économie, car on regarde les tendances à long terme en prenant en compte les probabilités de résultats et le comportement humain." Ce diplômé d’histoire et d’économie appliquée, entre autres, en est certain : "Nos façons de travailler et de consommer représentent les pierres angulaires du changement."
De nouveaux modes de vie
"Beaucoup de gens ne retourneront pas au bureau", prédit Jason Schenker. "Le travail à distance prendra davantage d’ampleur, notamment dans les zones à faible densité urbaine. La superficie du logement deviendra prioritaire à la proximité du bureau." Descendant lointain d’émigrés français au Québec, europhile – il a étudié l’allemand et le français à l’université –, Jason Schenker compare son pays et le Vieux continent. "En Amérique, les gens quitteront les villes où l’immobilier est cher comme New York ou San Francisco." Les États-Unis, avec un territoire trois fois plus étendu que l’Europe, ne disposent pas des mêmes infrastructures de transport public. "Les gens aiment la commodité", avance l’économiste, "ils délaissent les supermarchés au profit du e-commerce. Les chaînes d’approvisionnement seront modifiées: les entrepôts ont vocation à grandir, les grands magasins à disparaître. En revanche, les zones piétonnes avec des boutiques sur le modèle européen subsisteront, car elles sont une expérience à part entière." Quant à la place de l’environnement dans le monde d’après ? Jason Schenker parie sur une diminution des trajets en voiture pour un double avantage."La baisse de la consommation d’énergies fossiles et des émissions de CO2 et le gain de temps, ressource non renouvelable par essence".
Les ingrédients de la reprise économique
"Les entreprises doivent revenir aux fondamentaux, dégager du cash et assurer un retour sur investissement positif sur chaque dépense." Aux entrepreneurs, il conseille de se "serrer la ceinture", de ne dépenser que ce dont ils ont besoin et de regarder les contrats qu’ils pourraient rompre, notamment les frais généraux comme les espaces de bureau. Plus généralement, "la reprise économique compte trois ingrédients, immuables", avance l’économiste : "La politique budgétaire, la politique monétaire – les banques centrales ont pris des mesures pour encourager l’investissement – et le temps. Il en faudra, car la reprise sera lente." Installé au Texas, l’un des premiers États à sortir du confinement, il évoque le nombre croissant de cas de Covid et la possibilité d’une nouvelle fermeture de l’activité. "Nous ne savons pas combien de temps durera la pandémie. Plus elle dure et plus les gens s’habitueront aux changements", analyse-t-il. Et plus l’impact de ces derniers, à long terme, sera palpable.
Anne-Gabrielle Mangeret