De nombreuses dispositions du projet de loi portant le Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (Pacte) concernent l'épargne retraite et l'assurance-vie. Lionel Corre, Sous-directeur des assurances à la Direction générale du Trésor, revient sur ces mesures.

Le projet de loi Pacte vient d’être validé en nouvelle lecture à l’Assemblée Nationale. C’est maintenant aux Sénateurs de se pencher sur le texte, avant son adoption définitive. Lionel Corre explique pour nous les principales dispositions concernant l’épargne retraite et l’assurance-vie.

Décideurs. Pour Bruno Le Maire, l’encours actuel de l’épargne retraite demeure très insuffisant (200 Md€), comparé à celui de l’assurance-vie (1 700 Md€). Le projet de loi Pacte a l’ambition de drainer 100 Md€ d’encours supplémentaires d’ici 2022. Cet objectif n’est-il pas trop élevé ?

Lionel Corre. Nous avons le sentiment que cette réforme va très sensiblement accélérer leur développement. L’objectif du gouvernement nous paraît raisonnable. Aujourd’hui, nous avons des produits qui souffrent de leur diversité, de leur complexité et de leur rigidité. L’objectif même de cette réforme est de créer un choc de compétitivité. Il y a aura désormais un cadre unique. On pourra transférer et transporter ce nouveau plan d’épargne retraite (PER) tout au long de sa vie, même si on passe du statut d’entrepreneur à celui de salarié et inversement. Cela change la donne. L’idée est aussi de pouvoir choisir au moment de sa retraite comment on veut profiter de son épargne : en rente, en capital ou en mixant les deux solutions. Nous souhaitons également favoriser la concurrence entre les acteurs. Les gestionnaires d’actifs et les assureurs pourront proposer les mêmes produits, collectifs et individuels. Or cette concurrence n’existe absolument pas aujourd’hui.

Le projet prévoit notamment l’harmonisation et la création d’une seule enveloppe dénommée PER (plan d’épargne retraite). Les assureurs sont-ils favorables à cette disposition ? Pourraient-ils rencontrer des difficultés à la mettre en œuvre ?

Ce sont des sujets techniques que l’on approfondit actuellement avec les assureurs. Il n’y a aucun point de blocage avec eux. Des questions portent également sur la transformation du stock existant. Les épargnants détenant actuellement un Perp ou un Madelin sont les premiers intéressés pour disposer d’un contrat répondant aux nouvelles règles. Il faut donc que l’on favorise cette migration vers les nouveaux contrats. C’est l’un des grands sujets des ordonnances sur lesquelles nous travaillons actuellement.

« Il est important que la sortie en rente ne soit pas découragée »

Les assureurs sont assez réticents à proposer aux épargnants une sortie en capital pour leur contrat d’épargne retraite.

Laisser la liberté aux épargnants de choisir leur mode de sortie est la clé d’attractivité du nouveau contrat. Le premier enjeu est que les Français y souscrivent. Pour autant, il est important pour nous que la sortie en rente reste une modalité importante de sortie et qu’elle ne soit pas découragée. En particulier, tous les versements obligatoires en entreprise continueront à sortir uniquement en rente. De plus, les assureurs pourront proposer à leurs clients des produits sur lesquels ils s’engagent irrévocablement à une telle sortie. On veut leur laisser une vraie marge de manœuvre pour proposer des solutions adaptées aux besoins des épargnants. Dans ce cadre, ils devront respecter un devoir conseil, et ce aux étapes clés de la vie du contrat, typiquement au moment de la retraite et du choix des modalités de sortie.

Ne faudrait-il pas offrir une fiscalité plus avantageuse à la rente et ainsi inciter les souscripteurs à privilégier cette option ?

La fiscalité du nouveau PER sera précisée dans le cadre de l’ordonnance prévue par le projet de loi PACTE. Pour le gouvernement, le principe de neutralité fiscale doit prédominer. L’objectif est que le PER soit attractif par lui-même et pas seulement par sa fiscalité. Le principe sera celui d’une fiscalité adaptée aux conditions de versement et respectant les spécificités de l’épargne salariale, tout en veillant à ne fiscaliser davantage la rente que le capital. Mais au-delà de ces principes généraux, rien n’est encore acté sur ce sujet.

« La transférabilité totale entre assureurs serait une très mauvaise idée »

La « transférabilité » des contrats d’assurance- vie a fait l’objet de vives discussions dans le cadre du projet de loi Pacte. La possibilité de transférer son contrat au sein d’une même compagnie d’assurance et/ou vers un Plan d’épargne retraite est-il un bon compromis ?

La transférabilité totale entre assureurs serait plus qu’une fausse bonne idée : ce serait une très mauvaise idée. Elle mettrait en péril l’épargne des Français et le rendement de leur fonds en euros. C’est la fiscalité de l’assurance-vie et la prime à l’ancienneté qu’elle confère qui permet aux assureurs de placer à long terme et diversifier leurs placements vers des actifs plus risqués mais aussi plus rémunérateurs.

Cette idée a heureusement été écartée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture du projet de loi. À cette occasion, l’Assemblée a apporté par ailleurs plusieurs améliorations pour l’assurance-vie que nous avons soutenues car elles sont clairement en faveur des épargnants.

D’une part, chaque assureur sera dans l’obligation de publier la performance de ses fonds en euros et de l’ensemble des frais qui sont prélevés.

D’autre part, la transférabilité devrait être possible au sein d’un même assureur, d’un même actif général, laissant la possibilité aux épargnants de changer de contrat et d’aller vers un support qui leur convient mieux, sans perte d’antériorité fiscale, dans le cadre d’une discussion commerciale avec leur assureur vie. Le souscripteur pourra par exemple transférer un contrat qui n’est plus commercialisé vers un produit plus récent.

Enfin, les transferts de contrats d’assurance-vie vers l’épargne retraite vont être encouragés. Une disposition temporaire, jusqu’au 1er janvier 2023, permettra aux épargnants de profiter d’un doublement du plafond d’exonération d’impôt sur les plus-values de l’assurance-vie (9 200 € pour un célibataire et 18 400 € pour un couple).

Propos recueillis par Aurélien Florin

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