Allongement de l’espérance de vie, entrée plus tardive sur le marché travail, augmentations de la durée requise pour avoir une retraite à taux plein… Depuis dix ans, l’âge moyen de départ à la retraite ne fait qu'augmenter. Selon le conseil d’orientation des retraites, il devrait atteindre 64 ans en 2040, contre 62 ans actuellement. L’étude « Les seniors, l’emploi et la retraite » réalisée par France Stratégie permet de mieux comprendre le phénomène. Les deux auteurs, Emmanuelle Prouet, experte au département Travail, emploi, compétences, et Julien Rousselon, expert au département Société et politiques sociales, répondent à nos questions.

Décideurs. En France, le taux d’activité des seniors a progressé au cours de ces dernières années mais reste toujours inférieur à la moyenne européenne. Pourquoi ?

Julien Rousselon. Le taux d’activité des seniors a fortement progressé ces dix dernières années pour se rapprocher de la moyenne européenne. Il en va de même du taux d’emploi qui ne prend pas en compte les seniors au chômage. Pour comprendre l’écart restant vis-à-vis de la moyenne européenne, il faut distinguer deux classes d’âge. Si le taux d’emploi pour la France est un peu supérieur à la moyenne européenne pour les 55-59 ans, il reste très inférieur pour les 60-64 ans (29,4 % en France contre 42,5 % en moyenne dans l’UE). Ceci peut s’expliquer par différents facteurs liés notamment aux règles des systèmes de retraite. Les statistiques indiquent une part de retraités chez les 55-64 ans qui est en France supérieure à la moyenne européenne. De plus, cette relative faiblesse du taux d’emploi par rapport à la moyenne européenne peut refléter des difficultés des seniors pour se maintenir dans l’emploi ou pour y revenir et des problématiques relatives à la qualité de vie au travail.

Emmanuelle Prouet. Enfin, si en France comme ailleurs, la proportion de seniors en emploi s’accroît avec le niveau de diplôme, notre pays se distingue par un écart du taux d’emploi à la moyenne européenne plus prononcé pour les seniors les plus qualifiés.

Décideurs. Quelles mesures le gouvernement peut-il mettre en place pour améliorer l’employabilité des seniors ?

E. P. L’objectif de ce rapport est de procéder à un état des lieux de la situation de l’emploi des seniors en France, pour en comprendre les enjeux. Il n’est pas de faire des préconisations de politiques publiques. Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que la plupart des dispositifs spécifiques à l’emploi des seniors, qui ont été mis en place par le passé, n’ont pas été reconduits, faute d’avoir été considérés comme suffisamment efficaces. Le fait d’avoir des dispositifs ciblés sur une classe d’âge a aussi pu être considéré comme stigmatisant et donc contre-productif. L’objectif aujourd’hui, en France mais aussi à l’étranger, est donc plutôt de promouvoir des politiques de gestion des âges transversales, qui prennent en compte l’ensemble de la carrière, pour agir en amont et aider au maintien dans l’emploi en fin de carrière.

« Ce sont les entreprises qui peuvent mettre en place concrètement les politiques de gestion des âges »

Décideurs. Comment les entreprises peuvent-elles accompagner ces populations ?

J. R. Ce sont les entreprises qui peuvent mettre en place concrètement les politiques de gestion des âges, faciliter l’accès à la formation continue tout au long de la vie, prévenir l’usure professionnelle en agissant sur les conditions de travail, mettre en œuvre des politiques de gestion prospective des emplois et des compétences et faciliter les aménagements de fin de carrière. C’est aussi la mobilisation des différents acteurs privés qui, conjointement avec celle des acteurs publics, peut faire évoluer les mentalités et les représentations. C’est une question essentielle. Actuellement de l’avis même des employeurs, des recruteurs et des travailleurs, un âge plus avancé joue fortement en défaveur d’un candidat à l’emploi. Or cela peut révéler notamment des préjugés relatifs aux capacités d’adaptation ou de formation, qui peuvent être déconstruits par des modalités de recrutement innovantes ou des pratiques de gestion interne favorisant des collectifs de travail diversifiés. Certains travaux de recherche ont en effet mis en évidence les bienfaits des dynamiques intergénérationnelles, notamment en termes de productivité. Plus généralement, la valeur des savoir-être et les compétences transversales acquises avec l’expérience peuvent compenser les éventuels phénomènes d’obsolescence des savoir-faire ou de recul des capacités cognitives.

Vincent Paes

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