DÉCIDEURS. L’essor des fonds activistes est-il nouveau ?

Caroline Ruellan. L’activisme actionnarial stricto sensu a toujours existé puisqu’il décrit l’exercice de leurs droits par les actionnaires minoritaires. Ce qui est nouveau, en revanche, est l’ampleur du mouvement, notamment en Europe. En 2016, on recensait 650 campagnes activistes dans le monde, contre 400 deux ans plus tôt. Le montant des actifs sous gestion des fonds activistes n’a lui aussi cessé de progresser, passant de 54 milliards d’euros en 2012 à 152 milliards en 2016. Derrière le terme « activiste » se cachent des réalités diverses, selon les objectifs recherchés par les fonds activistes, leurs méthodes et leurs leviers d’intervention. Par exemple, certains fonds exigent systématiquement de siéger au conseil d’administration tandis que d’autres évitent soigneusement cette forme d’engagement. La question n’est donc pas celle de savoir si l’activisme est souhaitable ou pas, car il est selon moi inéluctable, mais porte sur les ressorts profonds de l’action menée par ces actionnaires qui entendent exercer une influence sur l’entreprise. Or, cette analyse ne peut se faire qu’au cas par cas. Il faut encourager l’activisme qui crée de la valeur pour tous les actionnaires.

Les conflits entre fonds et entreprises font la une des médias. Faut-il s’inquiéter de cette tendance ?

Les situations conflictuelles dont s’emparent les médias sont dans la réalité l’exception. Le plus souvent, les fonds activistes font entendre leur voix, en dehors de tout recours à une communication médiatisée. Celle-ci signe l’échec des autres formes d’influence du fonds activiste. Leur présence est dans son principe plutôt saine car elle crée une discipline au sein des émetteurs. La menace activiste conduit ou devrait conduire les émetteurs à identifier en amont leurs fragilités et à y remédier, ainsi qu’à instaurer un dialogue avec les investisseurs. Je recommande vivement aux émetteurs d’utiliser la pédagogie de la parole. Les conflits résultent le plus souvent du refus de l’émetteur de dialoguer.


Diriez-vous que les fonds anglo-saxons sont plus agressifs ?

Chaque fonds a son style, ses méthodes, dont certaines sont en effet agressives. Le plus souvent, ces fonds ne naissent pas activistes mais le deviennent, au gré de leurs participations. La géographie de l’actionnariat, la réglementation, les décisions qu’ils contestent ainsi que l’attitude de l’émetteur face à leurs demandes influencent la stratégie des fonds et conditionnent leur éventuelle agressivité pour arriver à leurs fins.
 

Propos reccueillis par Vincent Paes 

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