Les fonds Apollo Management et Monarch Capital devenus majoritaires au capital de Latécoère ont pris la décision d’écarter en juillet 2016 Frédéric Michelland de la direction du groupe. Une décision d’autant plus surprenante qu’elle intervient alors que la société est en pleine restructuration.

Décideurs. Vous avez pris les rênes du groupe en 2013 et mené une restructuration financière et opérationnelle. Quel est votre bilan de ces trois années à la tête de Latécoère ?

Frédéric Michelland. J'ai pris la direction groupe au moment où il était menacé de liquidation.  Nous devions négocier le rééchelonnement des dettes et relancer une entreprise ayant stoppé ses investissements. Au vu de la situation opérationnelle largement dégradée, peu de personnes y compris parmi nos clients pensaient que ce redressement était possible. Pourtant aujourd’hui les résultats vont au-delà de nos attentes initiales puisque l’entreprise est en avance sur son plan de désendettement. Une situation rendue possible grâce à une restructuration financière réussie et le cash de nouveau généré par l'exploitation. L’aérostructure, principale activité de l’entreprise, est même redevenue bénéficiaire et permet au groupe d'afficher un doublement de son  résultat opérationnel au premier semestre 2016 par rapport à la même période de 2015. Cette marge de manœuvre retrouvée a permis de redonner à Latécoère un vrai projet industriel (Plan Transform 2020) s’accompagnant d’une relance de ses investissements commerciaux et de R&D et dans le même temps, de donner à la société, un nouveau cap stratégique, essentiel pour son avenir.

Les compagnies aériennes ont aussi changé leur comportement d'achat

 

Avec le recul, quelles seraient les raisons qui expliqueraient votre mise à l’écart ?

Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour évoquer ces raisons. Des décisions ont été prises par les actionnaires de référence. En tant que mandataire social et chef d'entreprise, j’ai pris mes responsabilités.

 

À l’image des constructeurs Boeing et Airbus ou encore du motoriste Rolls Royce, le secteur de l’aéronautique se porte bien, mais supprime des emplois. Comment expliquez-vous cette contradiction ?

Personne n'est effectivement épargné : des grands avionneurs aux fournisseurs de rang 1 comme Latécoère ou Zodiac. La concurrence entre grands avionneurs notamment sur le marché du « single aisle » qui oppose Bombardier, Airbus et Boeing n’y est pas étrangère. Elle les force ainsi que l’ensemble de la supply chain à être plus économes et donc à adopter des plans d’adaptation de leurs effectifs. Le ralentissement du marché est un autre facteur à prendre en compte à l’exemple de ce qui se passe aujourd’hui sur le marché des gros porteurs avec de fortes baisses de cadences. Par ailleurs, les compagnies aériennes ont aussi changé leur comportement d'achat d’avions neufs et préfèrent conserver plus longtemps leurs aéronefs car elles ont bien souvent couvert leur besoin en pétrole pour les cinq prochaines années à des niveaux bas et donc peuvent se permettre de garder plus longtemps des avions plus consommateurs en carburant. Enfin, pour l’avenir, il ne faut pas sous-estimer le retour important d’avions d’occasion au terme de leur période de leasing et qui seront encore quasi neufs.

Le redressement d'un groupe ne peut se limiter à sa seule restructuration financière

 

Quelle est selon vous la politique à appliquer pour redresser un groupe comme celui de Latécoère ?

Le redressement d'un groupe ne peut se limiter à sa seule restructuration financière ou à sa remise en performance opérationnelle. Nous l’avons bien compris. C’est la raison pour laquelle dès l’annonce du plan Boost début 2014, nous avons travaillé à la définition de ce que devait être la feuille de route stratégique, la transformation de Latécoère. Pour qu’une  transformation réussisse, plusieurs conditions doivent être réunies. Il faut savoir créer un sentiment d'urgence mais qui doit être manié avec précaution, réunir une équipe de direction forte prête à s'investir dans une logique de rupture, communiquer largement au plus près du terrain, responsabiliser les collaborateurs (à l’exemple de ce que nous avons fait avec la constitution des Task Forces du Plan Boost qui réunissaient des collaborateurs de tous les niveaux de l’organisation) et veiller à ce que très vite, de petites victoires viennent entretenir le momentum…. enfin, beaucoup de détermination et d’humilité.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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