Les gérants doivent composer avec une situation de marché des plus complexes où les taux d’intérêt proches de zéro ne permettent pas toujours d’apprécier le risque à sa juste valeur. Focus sur les investissements en vogue sur les marchés financiers.

                                                LES MARCHES ACTIONS

 

Le risque politique au centre des préoccupations

 

En raison des incertitudes nées du risque, l’Europe est perçue par les investisseurs comme moins attrayante. Le calendrier électoral européen est au centre de toutes les préoccupations. Didier Demeestère, président de Talence Gestion ne dit pas le contraire?: « C’est effectivement une source d’inquiétude majeure pour les marchés. La montée du populisme nous questionne sur le partage de la valeur ajoutée. » Le vote des Britanniques en faveur du Brexit avait provoqué une véritable onde de choc. Une chute que les marchés européens ont pourtant effacée en moins de six semaines. L'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump n'a, jusqu'à présent, pas bouleversé les marchés actions. Est-ce le signe d’une éclaircie?? « Les marchés sont désormais assez résilients sur les mauvaises nouvelles » relève Marc Craquelin, directeur de la gestion de la Financière de l’Échiquier. « L’annonce de l’amende de 14 milliards d’euros à l’encontre de la Deutsche Bank n’a d’ailleurs pas eu d’effet de contagion. »

 

L’éternel espoir d’un rattrapage des marchés actions européens??

 

Nombreux sont les investisseurs à croire au potentiel des actions européennes. Jean-Louis Charles, directeur des investissements d’AG2R La Mondiale, abonde dans ce sens en rappelant que les entreprises sont en bonne santé et ont réussi la restructuration de leur bilan, « Tant et si bien qu’elles distribuent un taux de dividende situé entre 3 % à 4 %. » Un optimisme partagé par Didier Demeestère?: « Il y a un retard important entre les marchés européen et américain qui pourrait se réduire progressivement. Les entreprises disposent d’un important potentiel d’amélioration de leurs marges. » Didier Saint Georges, membre du comité d’investissement de Carmignac, n’est cependant pas convaincu. Principales raisons évoquées?: le problème du secteur bancaire européen, la consommation domestique décevante et, bien sûr, le risque politique.

« Depuis le premier trimestre 2016, j’ai le sentiment qu’il y a un retour de l’appétit pour le risque » Marc Renaud, Mandarine Gestion

 

Une rotation sectorielle annoncée

 

Verrait-on poindre un certain retour de l’appétit pour le risque de la part des investisseurs actions après six années où les valeurs défensives ont été privilégiées?? « Depuis le premier trimestre 2016, j’ai le sentiment qu’il y a un retour de l’appétit pour le risque » estime Marc Renaud, président de Mandarine Gestion. Les investisseurs sont de plus en plus nombreux à se positionner sur les secteurs les plus massacrés. » Un point de vue partagé par Marc Craquelin?: « À l’intérieur des indices, on assiste à une rotation sectorielle avec le rebond des titres value vis-à-vis des valeurs de croissance. » Pour ces gérants, le catalyseur central de cette rotation serait celui de la remontée des taux d’intérêt. Les marchés soutenus seulement par la baisse des taux favorisent les durations longues, et donc les valeurs de croissance. À l’inverse, lorsque l’on entre dans un cycle de normalisation des taux, le marché est plus favorable à la prise de risques. Une dynamique qui pourrait à long terme jouer en faveur des valeurs bancaires, des matières premières et des secteurs cycliques.

 

Mais tous ne l’entendent pas ainsi. Marc Riez, directeur général de Vega IM, maintient sa confiance aux valeurs de croissance?: « Dans un monde où il y a peu d’inflation et où la croissance est faible, la composante obligataire de ces titres va les porter. On constate, en effet, une corrélation très forte entre une obligation et une valeur de croissance. »

« les fondamentaux dans le monde émergent s’améliorent » Didier Saint Georges, Carmignac 

 

Les gérants jouent la carte du retour de la demande des émergents

 

Traditionnellement plébiscité par les gérants, le marché américain semble avoir perdu quelques aficionados. Les niveaux de valorisations très élevés des titres US et une économie par beaucoup considérée comme en fin de cycle expliquent, en partie, ce relatif désamour. Cette année, le retour de la demande des pays émergents est la nouvelle carte maîtresse des sociétés de gestion. Avec la stabilisation des cours du pétrole et l’amélioration des données économiques en provenance d’Asie, la conjoncture leur semble favorable. Comme nous l’a déclaré Sophie Chauvellier, gérante chez Dorval AM, la société de gestion entend profiter de cette tendance en se positionnant sur des entreprises exposées à la reprise de la demande des pays émergents. Ce choix est aussi celui de Didier Saint Georges, pour qui « les fondamentaux dans le monde émergent s’améliorent. La plupart de leurs monnaies ont baissé, ce qui a redonné de la compétitivité à l’économie des pays émergents. Les valorisations constituent par ailleurs des points d’entrée intéressants pour les investisseurs. »

 

                                                

                                              LES MARCHES OBLIGATAIRES

 

Les subordonnées bancaires toujours appréciées

 

Les politiques monétaires orchestrées par les banques centrales ont entraîné une forte baisse des taux d’intérêt et l’écrasement des primes de risque. Pour beaucoup d’investisseurs, le risque n’est aujourd’hui plus « pricé ». Tous gardent également un œil attentif du côté de la Fed et de son calendrier de remontée de taux. Pour aller chercher du rendement, nombreux sont les investisseurs à descendre dans l’échelle de notation en passant de l’investment grade au high yield, ou à souscrire à une émission obligataire de plus longue durée. Une stratégie qui ne convainc pas Sébastien Barbe. Le directeur général de Schelcher Prince Gestion s’explique?: « Il ne me semble pas opportun de prendre davantage de risques sur le seul fait que le rendement des titres mieux notés n’est pas suffisant. Faire l’acquisition d’un titre noté B, c’est une autre catégorie d’investissement, avec une probabilité de défaut plus importante. » Dans ce marché, les subordonnées bancaires, communément appelées Coco bonds, demeurent pour beaucoup de gérants la classe d’actifs qui présente le plus de valeur dans l’univers de la dette en Europe.

« les rendements offerts par les dettes émergentes n’ont pas manqué d’attirer l’œil des investisseurs » Malik Haddouk, CPR AM

 

Un appétit pour la dette des États européens périphériques et la dette émergente

 

Rares sont les endroits dans le monde où subsistent des taux réels qui offrent un rendement supérieur à l’inflation. Il reste cependant quelques exceptions. Parmi ces opportunités, Amundi a ciblé les obligations d’États périphériques européens et notamment les titres italiens, espagnols ou encore portugais. Vincent Chailley, directeur des gestions chez H20 AM va plus loin en évoquant les obligations grecques?: « Elles offrent un rendement réel de près de 7 % alors que le risque de solvabilité pour l’investisseur privé a quasiment disparu. Les investisseurs qui osent prêter au Brésil ou aux entreprises chinoises devraient
s’y intéresser. »

 

Les dettes émergentes sont, quant à elles, plébiscitées par les gérants obligataires internationaux. Les rendements proposés étant de nature à y prêter attention. « Pour certains de ces pays, les investisseurs perçoivent aujourd’hui une véritable prime de risque qui les rémunère correctement face aux incertitudes économiques et politiques », analyse Cédric Morisseau gérant obligataire chez Amundi. « La dette brésilienne émise en réal brésilien offre, par exemple, un rendement entre 13 % et 14 % sur un an. » Si, pour Malik Haddouk, directeur de la gestion diversifiée chez CPR AM, « les rendements offerts par les dettes émergentes n’ont pas manqué d’attirer l’œil des investisseurs, il conviendra toutefois de se méfier des éventuelles conséquences de la remontée des taux américains. »

 

Aurélien Florin  (@FlorinAurelien)

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