Le futur de la présidente Dilma Rouseff est plus que jamais incertain. Visée par une procédure de destitution, elle pourrait ne pas aller au bout de son mandat. Mais sur fond de crise politique, c'est toute l'économie qui patine.

« Le Brésil est un pays d’avenir et il le restera. » Attribuée au Général de Gaulle, cette phrase est toujours d’actualité. Sa présidente, Dilma Rousseff, et son prédécesseur Luiz Inacio Lula da Silva sont impliqués dans une affaire de blanchiment d’argent qui aurait servi à financer leurs campagnes électorales. Au cœur du scandale, l’entreprise d’État Petrobras et les grands groupes de BTP locaux. Ces derniers auraient versé des pots-de-vin à une grande partie de la classe politique du géant sud-américain afin que ces derniers ferment les yeux sur leurs activités d’exploitations douteuses et leur accordent des marchés publics. Aujourd’hui, la révolte du peuple atteint son apogée : chaque semaine, ils sont plusieurs millions à manifester en faveur du départ de la Présidente. Mais cela ne suffira pas à résoudre le problème. La corruption est au Brésil un mal systémique et endémique : 50 % des hommes politiques en charge de la commission sur la procédure de destitution sont eux-mêmes mis en cause dans une affaire de corruption. Dans un tel contexte, difficile de savoir qui serait légitime de prendre la place de Dilma Roussef.

 

Une économie paralysée

 

Selon Claudia Bernasconi, spécialiste des marchés émergents chez Swiss Life AM, « Michel Temer, à la tête du Parti du mouvement démocrate brésilien (PMDB) et vice-président, est pressenti pour être celui qui remplacera Dilma Roussef à la présidence du Brésil ». Mais si l’arrivée de Michel Temer pourrait donner un nouvel élan au pays, la situation resterait difficile. Son parti politique est lui aussi impliqué dans des affaires de corruption. Néanmoins, la passation de pouvoir semble indispensable. Selon Maarten-Jan Bakkum, senior emerging market strategist chez NN Investment Partners, « Dilma Rousseff doit partir pour laisser de nouveaux leaders réformer le cadre social et économique du Brésil. Cela pourrait redonner de la confiance aux entreprises locales comme aux investisseurs et ainsi relancer l’économie du pays ». En effet, les comptes publics sont au plus bas. De quoi revendiquer de nouvelles mesures qui permettraient à l’économie de relever la tête.  « La situation fiscale du pays doit être réformée. Le déficit public représente 10 % du PIB, tandis que le régime de la sécurité sociale mis en place par Dilma Roussef génère trop de dépenses », insiste Claudia Bernasconi. Face à de telles difficultés, les investisseurs enfoncent le clou et ne souhaitent plus miser sur un pays qu’ils jugent trop instable. Ce que confirme Maarten-Jan Bakkum : « Il y a une profonde récession au Brésil. L’image qu’elle reflète n’est pas positive. Par conséquent, les entreprises étrangères sont moins tentées d’investir dans l’économie locale. »

 

Le frein est aussi ressenti du côté des entreprises. Si la politique menée par Dilma Rouseff semble trop pencher du côté des travailleurs, la situation des sociétés est également devenue critique. L’indexation des salaires et des prix ont sérieusement réduit leur rentabilité. Ces dernières ont renoncé à l’embauche et sont à cours de moyens pour relancer leur croissance. « Parmi les secteurs les plus touchés, celui de l’énergie et de la construction sont les plus affectés », affirme Maarten-Jan Bakkum, soit deux piliers de l’économie brésilienne. Ce qui explique que le taux de chômage soit passé de 6,1 % en mars dernier à 8,2 % en février 2016. Pour relancer l’économie, le prochain gouvernement aura pour mission de réduire les dépenses sociales, relancer l’emploi en réajustant les salaires et maîtriser l’inflation et ses 10,36 % en février dernier. D’autant que la banque centrale semble avoir perdu le contrôle de la situation.

Le seul point positif se trouve du côté des marchés financiers locaux. Selon Claudia Bernasconi : « Ils ont repris des couleurs. Les investisseurs misent sur l’éventuelle arrivée de Michel Temer au pouvoir. » Dans son ensemble, le monde des affaires est favorable à un départ de Dilma Rousseff. Pas sûr néanmoins que cela suffise à relancer les investissements.

 

Vincent Paes et Richard Trainini

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