Managing director spécialisée dans l'évaluation du prix des actifs, Carine Tourneur fait le point sur les attestations d'équité et leur rôle dans le processus transactionnel.

Décideurs. Attestation d’équité (AE) vs Fairness opinion : les deux appellations ont-elles le même sens et la même portée pratique ?

Carine Tourneur. L’attestation d’équité est une traduction correcte de la fairness opinion anglo-saxonne. Dans une transaction, les différents acteurs s’entendent sur un prix, et la mission de l’évaluateur indépendant est de se prononcer sur le caractère équitable de ce prix, et d’émettre un avis sous la forme d’une AE. Il peut aussi intervenir en amont, à la demande du conseil d’administration, pour estimer une fourchette de valeurs. Nous ne sommes pas le conseil financier de la société pour laquelle nous travaillons.

 

Décideurs. L’attestation d’équité vous engage-t-elle plus qu’une simple expertise indépendante ?

C. T. Effectivement, l’attestation d’équité est plus risquée pour nous en cas d’erreur. Le cas d’école est la réalisation d’une AE à la demande d’un conseil d’administration qui souhaite justifier la valeur d’une société auprès des actionnaires minoritaires. Nous pouvons être exposés à une constellation de porteurs de parts mécontents. Dans le cas d’un retrait de la cote par exemple, nous devons obligatoirement être sollicités, les contestations des minoritaires étant monnaie courante sur un prix jugé trop faible en échange de leurs titres. En revanche, si nous intervenons librement, en amont d’une opération, sur l’établissement d’une asset value, les risques encourus sont moindres. 

 

Décideurs. Certains disent que l’attestation d’équité relève plus de la vérification que de l’analyse. Qu’en pensez-vous ?

C. T. Je ne partage pas du tout cet avis. Même dans le cas d’une AE, l’expert, s’il travaille à l’aune des bonnes pratiques du marché, doit refaire intégralement l’évaluation. D’ailleurs, la réglementation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) donne des lignes directrices très claires sur la mission de ce dernier : il doit d’abord recommencer à zéro le travail d’analyse puis émettre des critiques sur l’évaluation rendue par les conseils financiers de la société. Ce cadre législatif, qui n’existe que depuis une dizaine d’années, est très sain, et c’est pour cela que nous le respectons même en dehors des opérations boursières.

 

Décideurs. Quelle est la composition de votre dealflow (privé/public) lors de ces douze derniers mois en matière d’AE ?

C. T. En France, nous avons réalisé une AE pour une entreprise cotée (Alstom). Nous en avons fait une autre, confidentielle, dans le même cadre. Plusieurs AE ont aussi été rendues pour des entreprises privées ayant des liens avec des sociétés cotées dans un contexte non obligatoire (4 ou 5 dont Casino et l’APE). Nous avons également émis une attestation pour le compte d’un fonds d’investissement. Par ailleurs, nous sommes intervenus pour un grand groupe français lors d’une opération sur une entreprise allemande régie par le droit local.   

 

Décideurs. Quel est le dénominateur commun de l’attestation d’équité ?

C. T. Les grandes entreprises. Beaucoup plus vigilantes aux règles de bonne gouvernance, elles sont les plus demandeuses de l’intervention de tiers indépendants. Cela les rassure et leur permet d’éviter toute prise de retard dans l’exécution d’une transaction. Si les contestations portant sur le prix de l’actif sont rares, elles sont puissantes, notamment dans le cadre des offres publiques.                    

 

 

FS

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