La question de la transmission d’entreprise dépasse largement le cadre de la gestion d’un patrimoine privé. Chaque année, des milliers d’entreprises disparaissent faute de repreneurs ! Pour endiguer ce phénomène, la députée PS Fanny Dombre-Coste entend conduire une large réforme pour favoriser la transmission.

Décideurs. Comme vous le soulignez dans le rapport que vous avez remis au ministre de l’Économie, sur 60 000 entreprises mises en vente chaque année, la moitié disparaissent. Quelles en sont les raisons ?

Fanny Dombre-Coste. La disparition d’une partie de ces entreprises s’explique par leurs difficultés financières, leur appartenance à un secteur en déclin ou une zone géographique peu porteuse. En dehors de ces causes, nombre d’entre elles pourraient être cédées mais ne le sont pas. On estime qu’eu égard à l’âge des dirigeants, 185 000 entreprises devraient chaque année faire l'objet d'une cession. Le manque d’anticipation est la raison principale de ces échecs. Les entrepreneurs se posent la question de la transmission de leur bien professionnel trop tardivement. Hélas, un chef d'entreprise proche de la retraite aura également tendance à privilégier la consolidation de ses fonds propres au détriment de l'investissement. Le ou les potentiels repreneurs devront alors réinvestir massivement. Reconnaissons, en outre, que certains chefs d’entreprise ont tendance à surévaluer le prix de cession de leur société quand, pour d’autres, il existe un vrai blocage culturel à laisser les rênes de leur entreprise. À tout cela, il n’y a pas qu’une réponse fiscale mais une multitude de réponses. L’anticipation étant la priorité absolue. Il convient à ce titre de détecter les entreprises devant être cédées et de les sensibiliser à leur transmission.

 

Décideurs. L’un de vos objectifs est d'ailleurs de coordonner l'action des réseaux spécialisés au niveau régional pour cibler de façon précoce les cédants potentiels. Avec quels acteurs souhaiteriez-vous collaborer ?

F. D.-C. J'appelle en effet de mes vœux à la mise en place d'un réseau d’acteurs territorialisé, à l’instar de ce que le réseau alsacien Ocre a pu concrétiser. Ce sont en effet les chambres consulaires, les métiers des chiffres et du droit, associés aux collectivités territoriales, aux réseaux d’accompagnement privés et associatifs ainsi qu’aux principaux organismes de financement (banques, BPI, CDC) qui pourront réaliser le maillage de notre territoire le plus efficace. Leur collaboration permettra d’identifier les zones du territoire où l’on doit en priorité travailler sur la transmission. De même, certains secteurs tels que celui des transports, de la logistique et de l’hôtellerie-restauration connaissent davantage de difficultés. Un travail sur l’accompagnement qui a d’ores et déjà commencé. Le premier comité de pilotage s’est réuni en novembre 2015. À la suite de ces réunions, les préfets ont reçu instruction sur l'ensemble des régions d’identifier les acteurs sur leurs territoires. Notre objectif est clair : la transmission devra demain être considérée comme une étape normale de la vie d'une entreprise.

 

Décideurs. La question du financement est au centre de la réflexion de l’entrepreneur. Que proposez-vous pour les soutenir ?

F. D.-C. On constate une dichotomie selon la taille des entreprises. Sur le marché des PME, un grand nombre de repreneurs se portent candidats mais peu d’entreprises sont à disposition. Sur celui des TPE c’est l’inverse. En effet, les repreneurs éprouvent souvent du mal à boucler leur apport personnel. C'est pourquoi j'ai proposé une mission à l'Observatoire du financement des entreprises pour identifier les freins au financement et aller chercher des acteurs actuellement frileux pour s’investir sur ce marché. Les acteurs bancaires mais aussi les plates-formes de crowdfunding peuvent constituer à terme de vrais soutiens pour les repreneurs. Bien sûr, l’aménagement ou la création de dispositifs fiscaux et réglementaires pourront aider à trouver des solutions à ces problématiques du financement. L’exemple du crédit vendeur pour lequel j'ai déposé un amendement a été acté lors du vote de la dernière loi de finances. Le cédant était jusqu'alors imposé dès la cession de l'entreprise. Désormais, la fiscalité est échelonnée tout au long de la durée du prêt. La transmission d'entreprise est une mine d’or sur le plan de l’emploi. C'est un véritable enjeu de croissance qu’il ne faut pas mésestimer. 

 

Des voix se sont élevées reprochant au rapport sur la transmission d’entreprises, réalisé par Fanny Dombre-Coste, de ne pas être allé assez loin. La députée de l'Hérault leur répond : « Je suis bien consciente qu’il y a encore des pistes à creuser. Certaines d'entre elles ont d’ailleurs été abordées au cours des auditions. Le rapport n’est qu'un début du travail. Les propositions continuent à affluer dans les groupes de travail. Toute proposition est d’ailleurs la bienvenue. Nous continuons à ce titre notre réflexion pour accompagner de manière encore plus efficiente les salariés dans la reprise des sociétés. »

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « Gestion de patrimoine & gestion d'actifs » de Décideurs Magazine.

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