Face au choix du maintien d’un modèle coopératif ou d’une recomposition du capital, les dirigeants de Socotec ont finalement pris parti pour un LBO. CDC Capital Investissement devra désormais épauler une stratégie de développement ambitieuse du spécialiste de la maîtrise des risques. Valorisée de plus de 420 millio d’euros, la reprise de Socotec n’a pas été un long fleuve tranquille.

Face au choix du maintien d’un modèle coopératif ou d’une recomposition du capital, les dirigeants de Socotec ont finalement pris parti pour un LBO. CDC Capital Investissement devra désormais épauler une stratégie de développement ambitieuse du spécialiste de la maîtrise des risques. Valorisée de plus de 420 millions d’euros, la reprise de Socotec n’a pas été un long fleuve tranquille.

Dernier groupe français de plus de 4 000 salariés encore détenu par son personnel (2 800 salariés et anciens salariés de la maison mère), Socotec quitte le modèle coopératif à l’occasion d’un LBO accompagné par CDC Capital investissement. Aujourd’hui positionné sur les segments de l’inspection, de l’assistance technique, du conseil et de la formation dans les secteurs de la construction, de l’immobilier, de l’industrie et de la santé, le groupe est présent dans plus d’une trentaine de pays. Le leader français du contrôle technique des bâtiments prévoit d’augmenter de 8,3 % son chiffre d’affaires entre 2007 et 2008 (437 millions d’euros).

Le temps a fait son œuvre. Pour Yves Le Sellin, l’entreprise « était arrivée au bout de son système. L’actionnariat salarié ne permettait pas de prendre les risques nécessaires liés au développement. Plus de la moitié du capital étant détenu par des actionnaires de plus de quarante-cinq ans. À terme, cela pourrait ralentir la croissance de la société. »

Comment recomposer le capital ?

Le rachat par les salariés en activité des parts détenues par eux désormais retraités pose la question du financement et ne fait que décaler le problème dans le temps. La vente du groupe à un industriel semble contraire à la culture de l’entreprise quand elle est issue de la volonté d’indépendance d’anciens cadres de Veritas. Une ouverture du capital à des investisseurs institutionnels – jusqu’à 26 % – a déjà été testée dans les années 1980. Elle s’était cependant soldée par le rachat de leurs participations entre 2000 et 2004.

C’est l’univers du capital investissement, et plus concrètement celui du capital transmission et du LBO, qui apporte la solution la plus évidente à l’équipe de direction. L’entrée d’un investisseur au capital permet aux salariés et dirigeants du groupe de réinvestir, aux actionnaires retraités de voir racheter leur participation. Par nature limité dans le temps, le LBO permet également de réorganiser le capital tout en offrant la possibilité aux salariés de reprendre la main à l’occasion du débouclage postérieur de l’opération. La présence d’un investisseur comme actionnaire de référence est également pour les dirigeants un gage de soutien pour une accélération du développement du groupe.

Plusieurs obstacles se dressent pourtant en travers de la réussite d’une telle transaction. Il faut déjà convaincre les actionnaires salariés de l’intérêt d’engager l’opération. Si la direction est régulièrement approchée par différents investisseurs en capital, des oppositions existent en interne. Ensuite, le timing de l’opération n’est pas favorable. La crise financière prospère et les financements LBO sont désormais difficiles – pour ne pas dire presque impossibles – à obtenir pour des transactions dépassant les 100 millions d’euros de valeur d’entreprise.

En mars 2007, BNP Paribas est mandatée par Yves Le Sellin. En guise de carte de visite, la banque a réalisé l’introduction en Bourse de Bureau Veritas et dispose d’une profonde connaissance des secteurs d’activité couverts par Socotec. En mars 2008, plus d’une trentaine de candidats postule à la reprise du groupe. Parmi eux, se trouvent quelques industriels mais également, et surtout, des fonds d’investissement. Cinq finalistes se dégagent du lot : 3i France, Astorg Partners, Axa Private Equity, CDC Capital Investissement et PAI Partners.

L’offre de CDC CI se détache

Au sein de la dernière liste de candidats, CDC Capital Investissement se distingue même si l’investisseur est financièrement le moins-disant des trois derniers (avec 3i France et Axa Private Equity). Le nom « Caisse des Dépôts » rassure : en effet, le repreneur choisi doit accompagner la direction de Socotec lors des différentes rencontres avec les salariés et les syndicats afin de les convaincre de l’intérêt de l’opération. La communication interne a pour objet d’aider les actionnaires à comprendre ce qu’est un LBO, quelles sont ses implications pour l’entreprise et pour eux.

CDC Capital Investissement accepte également de s’aligner sur le cahier des charges des vendeurs en prenant en compte le réinvestissement des salariés à hauteur de 25 % du capital. Cette clause semble indispensable pour permettre le passage d’un statut d’entreprise entièrement détenue par ses salariés à celui d’un groupe comptant avec un investisseur en capital comme actionnaire principal.
Le financement est également déterminant. CDC Capital Investissement se distingue à nouveau. Il présente un financement ferme souscrit par BNP Paribas, Calyon, Natixis et la Société générale pour la dette senior et Axa Mezzanine, Capzanine et IFE pour la mezzanine. La prise ferme sur un financement de 180 millions d’euros (senior + mezzanine) est possible du fait d’un club deal large, incluant d’emblée le premier tour de syndication. Le levier semble également particulièrement modéré en regard avec les opérations de midcap d’avant la crise. La dette senior ne représente que trois fois l’Ebitda alors que le financement total dépasse à peine les quatre
fois (4,2xEbitda).

L’opération valorise Socotec 427,5 M€

Le 24 octobre 2008, l’assemblée générale des actionnaires de Socotec approuve à près de 90 % des votes (8 % contre et 2 % d’abstention) le choix de CDC Capital Investissement. Le fonds d’investissement peut dès lors se porter acquéreur de la participation détenue par un fonds commun de placement d’entreprise (Fcpe), le fonds H, mis en place pour contourner l’incessibilité des actions du plan d’épargne d’entreprise. Ce Fcpe regroupe les 900 000 actions Socotec détenues par les salariés qui passent donc d’un statut d’actionnaires à celui de porteurs de part. Au prix de 475 euros par action, le rachat de la participation Socotec détenue par le fonds H valorise le groupe 427,5 millions d’euros (367 millions d’euros de valeur d’entreprise + 60 millions d’euros de trésorerie).

Mise en place durant le déroulement des discussions avec les candidats au rachat, la création du fonds H a donné lieu à une « négociation dans la négociation ». S’il s’agit du premier Fcpe agréé par l’AMF utilisant le cadre dressé par la loi de 2006 (baissant le niveau de liquidité obligatoire de 33 % à 10 %), son agrément a été mouvementé.

Le Collectif LBO, organisation affiliée à la Cgt, connue pour son opposition au capital investissement, a ainsi plusieurs fois tenté d’empêcher l’agrément du véhicule au motif d’un détournement de la loi « pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié ». Finalement, l’AMF demande que le seuil de liquidité soit voté dans le cadre d’une assemblée générale de Socotec. En janvier 2008, c’est à 80 % des voix que les salariés actionnaires approuvent le fonds H.

Réinvestir dans l'entrprise

Désormais, un nouveau Fcpe (le fonds J) est en cours de constitution afin de permettre aux salariés qui le souhaitent de réinvestir dans l’entreprise. Collectivement, managers et salariés s’apprêtent à détenir 26 % du capital.
Après avoir mené à bien son projet de réorganisation du capital de Socotec, Yves Le Sellin doit désormais retarder son départ à la retraite pour accompagner les premières années du LBO et assurer une transition dans la longueur. Il pourra compter sur son nouvel actionnaire pour l’épauler dans la mise en œuvre d’un business plan tourné vers la diversification des activités, la croissance externe et le développement international.

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