Directeur général exécutif de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), Nicolas Ferrand est également parrain de l’édition 2023 du Prix du meilleur étudiant juriste immobilier (MEJI). Il revient sur le rôle du juriste dans l’accompagnement de l’entreprise et de ses opérations et détaille les enjeux des nouvelles générations de juristes immobiliers.

Décideurs. En quoi le parrainage du Prix MEJI 2023 a-t-il du sens pour vous ? Quelles ont été vos principales motivations à accepter cette distinction ?

Nicolas Ferrand. Le parrainage du Prix MEJI permet de créer ce lien indispensable entre les jeunes talents du droit et le monde professionnel. Les juristes ont aujourd’hui un rôle essentiel à jouer dans l’entreprise et l’appel à leurs compétences n’a cessé de croître depuis ces dernières années.

Nous avons œuvré en ce sens à la Solideo depuis 2018 en nous inscrivant dans une démarche de transmission des savoir-faire et de formation des jeunes dans tous les métiers de la maîtrise d’ouvrage. À ce titre, nous avons accueilli dans nos équipes plus de 80 stagiaires et alternants. C’est donc un grand honneur que de pouvoir parrainer ce Prix cette année.

Quel rôle doit jouer le juriste interne dans l’accompagnement de l’entreprise et de ses opérations ?

Il est aujourd’hui un acteur essentiel qui se doit d'être curieux, inventif, agile et être associé en amont des projets pour faire prendre conscience à tous les acteurs des enjeux juridiques d’un dossier et permettre la prise de décision de manière sécurisée.

La direction juridique a un rôle de chef d’orchestre au sein de l’entreprise car elle connaît parfaitement sa culture et ses opérationnels. Elle construit une véritable culture juridique propre à l’entreprise où le droit devient un outil d’aide à la construction d’une décision et non un frein.

Le positionnement de la direction juridique dépend également de son niveau de rattachement à la gouvernance de l’entreprise. À la Solideo, la directrice juridique est membre du comité de direction et se trouve, à ce titre, pleinement associée à l’élaboration de la stratégie de l’établissement.

"Le juriste interne est un acteur essentiel dans l’accompagnement de l’entreprise et de ses opérations"

Selon vous, le juriste interne est-il gardien du temple ou membre de l’équipe opérationnelle ?

Il tient une place centrale dans le dispositif tant au niveau opérationnel qu’au niveau de la gouvernance de l’entreprise. Au sein de la Solideo, tout acte engageant l’entreprise est systématiquement validé par la direction juridique, sécurisant ainsi le dispositif.

Mais le juriste interne doit aussi anticiper les problèmes et les risques. Pour y parvenir, il doit notamment accompagner et communiquer au quotidien avec les opérationnels, former les opérationnels sur les risques et les contrats, aider à la prise de décision et développer les compétences en gestion de projet juridique.

Le juriste interne doit également éclairer la gouvernance de l’entreprise sur les risques.

Nous cartographions les risques de toute nature : opérationnels, financiers, juridiques de l’établissement et de nos opérations, les analysons et établissons des plans d’action pour y remédier.

Cette appropriation par tous de la notion du risque légitime l’action juridique au sein de la société et fait du juriste interne un véritable membre de l’équipe opérationnelle.

Son rôle est donc double : il doit à la fois participer à la facilitation du travail des opérationnels et au contrôle des projets.

Est-il deal maker ou responsable du respect des règles et des procédures ?

Le juriste interne doit permettre la réalisation des projets de l’entreprise, dans le respect des règles et procédures, et ce, même lorsque l’entreprise en question intervient sur un projet dit "hors norme", comme c’est le cas à la Solideo.

Pour atteindre cet objectif, il doit chercher à appréhender au mieux les enjeux opérationnels des projets et ne doit pas hésiter à faire appel à des conseils externes, tels que les notaires et les avocats qui apporteront des compétences complémentaires et un retour d’expérience diversifiée sur des projets similaires.

"Aujourd’hui, le juriste se trouve au cœur des projets de l’entreprise"

Dans quelle mesure la mission de Solideo l’a-t-elle conduit à impliquer fortement les juristes immobiliers dans ses projets ?

Dès 2018, nos juristes ont participé à chaque étape du développement des projets olympiques. Dans ce cadre, ils ont mis au point la consultation pour la vente des charges foncières des deux villages olympiques et des médias (cahier des charges, règlement de consultation, organisation avec les notaires de la plateforme des questions-réponses et de remise des offres), participé aux négociations avec les promoteurs, et ce, jusqu’à la signature des actes de vente.

Une nouveauté dans la mission de l’aménageur réside dans le travail sur la réversibilité des bâtiments de la ZAC du Village olympique et paralympique qui vont connaître deux usages successifs pendant et après les Jeux. Cette transformation des immeubles a nécessité un travail nouveau de mise au point des projets dans un calendrier extrêmement contraint avec un outil innovant, spécifiquement conçu pour les Jeux de Paris 2024 qu’est le permis à double état, instauré par l’article 15 de la loi n°2018-202 du 26 mars 2018 relatif à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Nos juristes ont également élaboré le conventionnement avec les maîtres d’ouvrage publics et privés que la Solideo supervise dans la réalisation de 65 ouvrages ainsi qu’avec le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024.

 Ils ont été sollicités également pour l’écriture des projets de loi et de décret nécessaires à la réalisation des Jeux. Cette implication forte de l’équipe juridique en amont des projets a permis de mettre le droit au centre des projets et de sécuriser l’architecture contractuelle.

Selon vous, quels sont les enjeux majeurs qui attendent les nouvelles générations de juristes immobiliers à court et moyen terme ?

Aujourd’hui, le juriste se trouve au cœur des projets de l’entreprise et tient un rôle stratégique en intervenant à tous les stades d’élaboration de ceux-ci, en encadrant leur réalisation et en en assurant le suivi.

Cette évolution s’explique notamment par la montée en puissance de multiples enjeux juridiques forts, comme la conformité, la pénalisation de la vie des affaires, l’éthique ou encore l’importance croissante des enjeux réputationnels, sociétaux et environnementaux… Les juristes sont désormais attendus sur des enjeux qui vont bien au-delà du droit.

Le Prix MEJI a vocation à récompenser les trois meilleurs étudiants juristes immobilier en Master 2. Organisé conjointement par CMS Francis Lefebvre, Juridim et Michelez Notaires, iI est attribué sur concours, chaque année, par un jury composé de juristes professionnels de l’immobilier. 

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