Le tribunal de commerce a clôturé le 23 février une procédure longue de six ans, engagée contre la plateforme de centralisation de décisions juridiques Doctrine, sur le terrain de la concurrence déloyale. Dalloz, Lexbase, LexisNexis, Lextenso et Wolters Kluwer France sont finalement condamnés pour procédure abusive tandis que la collecte des décisions par Doctrine est jugée licite.

C’est une victoire pour le fonds jurisprudentiel Doctrine, attaqué en justice par ses concurrents. Dalloz, Lexbase, LexisNexis, Lextenso et Wolters Kluwer France avaient brandi les armes des pratiques commerciales trompeuses et de la concurrence déloyale, que le tribunal de commerce de Paris a écartées. Selon les acteurs historiques de l’édition juridique, Doctrine doit son développement à des manœuvres comme celle de laisser croire au public qu’il était “le moteur juridique proposant le plus de décisions de justice et le plus rapidement”. Et à une base de données constituée par des “moyens opaques et malhonnêtes”.

10 millions de décisions

Comme l’explique le tribunal de justice dans sa décision, la plateforme de Doctrine repose sur “la centralisation d’informations juridiques, leur contextualisation, la veille en temps réel et l’autonomisation de leur analyse juridique”. Son arrivée sur le marché s’inscrit dans un contexte qui applique les outils de l’intelligence artificielle à l’édition juridique. Ses adversaires affirment que leur action n’a pas vocation à empêcher Doctrine de les concurrencer mais ils contestent, notamment, la légalité des moyens par lesquels elle a pu collecter en deux ans 10 millions de décisions de justice alors qu’ils ont eux-mêmes mis dix ans à en collecter 3,6 millions. Pour soutenir leurs accusations, les éditeurs historiques soutiennent que les cinq sources de collecte de Doctrine, à savoir le crawling sur le Web, les abonnements, les partenariats, les envois spontanés par des cabinets d’avocats et la collecte auprès des tribunaux, sont insuffisants pour collecter ces 10 millions de décisions.

Volonté d’évincer un concurrent

Pour Doctrine, les mesures d’intimidation ont commencé dès le mois d’août 2016, soit quelques mois après sa création. La plateforme dit avoir reçu de mises en demeure auxquelles elle a toujours répondu pour expliquer ses services à ses concurrents. Elle prétend également avoir aménagé ses services, “démonstration de son respect de l’éthique des affaires”. La plateforme fait par ailleurs état de pression sur ses partenaires pour mettre fin aux collaborations. Selon Doctrine, “le développement de l’open data des décisions de justice, qui vient d’être adopté [par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, ndlr] conduira à ce que tous disposent à terme d’un fonds commun. La concurrence ne pourra alors s’exercer que par les algorithmes et la capacité de traitement et d’anonymisation des données.” Or, Doctrine excelle dans ce domaine et ses concurrents, qui ont toujours refusé le dialogue, veulent freiner son développement.

Abus de procédure

Pour les juges consulaires, l’avantage concurrentiel de Doctrine résulte de son avance technologique et n’est donc pas déloyal. Il est impossible de déduire l’illicéité de la collecte de données de Doctrine de sa seule volumétrie. Si le tribunal ne retient pas la faute de dénigrement invoquée par Doctrine, il qualifie néanmoins la procédure d’abusive. “Les demanderesses ont fait peser sur Forseti [Doctrine] une pression judiciaire hors de proportion avec les reproches formulés”. Et d’ajouter : “Leur comportement ne peut s’expliquer que par la volonté d’intimider ce nouvel entrant pour tenter de l’éliminer du marché en obérant sa capacité de développement.”

Guillaume Carrère le CEO de Doctrine se félicite : “Cette victoire est d’abord celle de tous les innovateurs qui entrent sur un nouveau marché et qui font face à la résistance des acteurs en place. Cette décision du tribunal de commerce de Paris rappelle la nécessité d’une concurrence saine qui peut venir de la technologie, du business model, du mérite.”

Anne-Laure Blouin

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