Raymond Bonci (Airbus) : un homme transformé
Non pas que ses débuts aient été timides dans le monde du droit, bien au contraire, mais Raymond Bonci n’était pas ce que l’on appelle un extraverti. "J’étais beaucoup dans l’analyse." Après Yale et la New York University, il entame sa carrière en 2001 chez Cleary Gottlieb Steen & Hamilton. Il se voyait, pendant ses études, avocat d’affaires travaillant à l’international, et confirme son orientation en droit boursier lorsqu’il rejoint Clifford Chance en 2006. Il y conseille EADS au moment de la retentissante affaire de suspicion de délit d’initié qui a fait s’effondrer en un temps record son cours en Bourse.
Les épreuves du feu
Le groupe EADS devenu Airbus lui propose de gérer de l’intérieur ce contentieux avec l’Autorité des marchés financiers. Il le suivra jusqu’à son terme. Un tournant dans sa carrière qui l’amènera à connaître deux des plus grands contentieux compliance auxquels ont été confrontées les sociétés françaises ces dix dernières années.
Chez TotalEnergies qu’il rejoint en 2013, le senior compliance lawyer est chargé de gérer le monitorat imposé par le Department of Justice à la compagnie pétrolière à la suite d’une affaire de corruption. Y ayant fait ses preuves, il est rappelé par Airbus et son directeur juridique – John Harrison, avec qui il travaille étroitement depuis 2016 – et sera confronté à l’une des premières enquêtes dirigées à la fois par le PNF, le Department of Justice et le Serious Fraud Office.
"On peut faire des erreurs, mais jamais deux fois la même"
"Je suis arrivé en pleine tempête", relate celui qui sera chargé de créer au sein de la compagnie aéronautique européenne un programme de conformité "digne de ce nom", composé de trois axes, la politique et la création d’outils numériques anticorruption, la gestion et le contrôle des tiers et le volet alerte et enquête interne. Son défi : rétablir la confiance et élever le programme de conformité multinational au niveau des plus hauts standards du marché. Le tout sous le regard constant de plusieurs autorités de contrôle dont les monitorats qui ont été mis en oœuvre.
Un homme d’action
Ces dossiers hors norme ont fait de Raymond Bonci un homme d’action. Arrivé en France avec la seule nationalité américaine, il est désormais naturalisé français et réalise ainsi pleinement son rêve d’exercer le droit à l’international. Aujourd’hui, il est sur le devant de la scène, se bat et quand il y a de la résistance, aime défendre ce qui est juste. Pour lui, la compliance va plus loin que le conseil juridique. Il faut savoir persuader, influencer la culture de l’entreprise, emmener les gens avec soi, des qualités dont fait preuve ce meneur accompli qui dirige actuellement un département de plus de 200 professionnels de la conformité. Son mantra ? "On peut faire des erreurs, mais jamais deux fois la même."
Lorsqu’il évoque les obligations de résultat auxquelles les entreprises sont de plus en plus soumises, cet homme de terrain aspire à l’équilibre : "L’État et les institutions doivent aider autant qu’ils obligent." Le plus important reste le dialogue avec les autorités, les ONG, et plus généralement avec tous ceux qui se préoccupent des entreprises et du rôle qu’elles peuvent jouer dans la société et ses évolutions.
Mathilde Aymami