Entre élections présidentielles et politiques monétaires accommodantes, les marchés émergents sont à surveiller de près cette année. Véritable source d’opportunités pour la finance à impact, la classe d’actifs, longtemps délaissée par les investisseurs, risque de sortir de l’ombre. Zoom sur les convictions de Mathieu Nègre, gérant actions impact marchés émergents à l’Union Bancaire Privée.

DÉCIDEURS. Quelles sont vos convictions sur les marchés émergents ?  

Mathieu Nègre. L’impact. Nous pensons qu’il y a un retard de prise en compte de la durabilité sur ces marchés de la part des investisseurs. Cela s’explique par le caractère antinomique attribué durant de nombreuses années à la finance responsable dans les émergents, et encore aujourd’hui, il y a une sous-valorisation du thème. D’un point de vue "impact", nous recherchons des sociétés qui proposent des solutions concrètes aux problématiques environnementales et sociales, plutôt que des entreprises avec un business traditionnel ayant une forte politique ESG. Ensuite, différents secteurs sont porteurs dans le segment de la finance à impact positif. Nous avons connu quelques belles années du côté des énergies renouvelables. À titre d’exemple, quand on sait qu’un pays comme la Chine représente plus de 70 % de l’offre mondiale des équipements dans le solaire, on se rend compte qu’il est très ambitieux de se positionner sur ce secteur d’activité en se concentrant uniquement sur les pays développés. Cependant, ces derniers temps, les valorisations ont fortement augmenté et nous avons réduit notre exposition à ce secteur en 2021. Nous nous sommes orientés vers d’autres secteurs, avec trois axes de développement principaux : le premier concerne tout ce qui a trait à l’efficience énergétique, le second est la pharmaceutique et, enfin, le troisième est l’inclusion financière.  

"Nous risquons de vivre plusieurs mini-cycles liés au fait que les autorités chinoises cherchent l’équilibre entre politique accommodante et croissance de l’endettement"

La Chine nous a habitués à une politique monétaire forte en 2021, qu’attendons-nous pour 2022 ?  

Si l’année 2021 marque pour la Chine un tournant politique significatif, 2022 pourrait, elle, être un tournant monétaire. Nous voyons déjà qu’à la suite de l’assouplissement de la politique monétaire chinoise, les grandes valeurs financières se comportent très bien depuis début janvier. Cependant, nous risquons de vivre plusieurs mini-cycles liés au fait que les autorités chinoises cherchent l’équilibre entre politique accommodante et croissance de l’endettement. Nous avons également constaté des changements de réglementation destinés à améliorer des sujets comme les inégalités, la spéculation immobilière et le poids de certains monopoles. Cela semble parti pour durer, et pourrait influer significativement sur les perspectives des entreprises de beaucoup de secteurs. Par exemple, les sociétés investies dans l’enseignement supérieur et professionnel décrivent un environnement stable bien qu’exigeant, alors que celles impliquées dans le tutoring et l’enseignement privé secondaire, considérées par les autorités chinoises comme augmentant les inégalités, ont eu un certain nombre de changements drastiques à mettre en place.  

"Il semble difficile d’être optimiste quant à l’évolution du déficit budgétaire"

Quid des élections présidentielles à venir au Brésil, quels en sont les enjeux ?  

C’est une élection que nous allons suivre de près, le Brésil étant un pays qui recèle un très grand nombre de sociétés dans lesquelles nous voyons un fort potentiel d’impact. Cependant, nous restons limités dans nos investissements du fait de la fragilité de la devise, un gouvernement perçu comme incompétent face à la pandémie, avec notamment une figure très polarisante à sa tête. Au vu de ces éléments, il semble difficile d’être optimiste quant à l’évolution du déficit budgétaire, mais il suffirait d’une légère inversion de tendance sur ces facteurs pour activer les idées d’investissement sur ce pays.  

Le mot de la fin ?  

Étant donné le niveau de risque sur les marchés émergents, et un environnement marqué par un dollar très fort, les investisseurs n’ont pas eu besoin de s’intéresser plus que ça à cette classe d’actifs. Pourtant, cet univers représente 23 pays avec un potentiel d’impact positif important. Ce n’est pas parce qu’ils sont en retard sur les questions de gouvernance et de durabilité qu’il faut les laisser de côté. Au contraire, il faut les guider dans le bon sens et cela fait partie du rôle que nous pouvons jouer en tant qu’investisseurs. 

Propos recueillis par Marine Fleury 

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