Private equity, infrastructure, dette privée… les marchés alternatifs prennent une place grandissante auprès des investisseurs institutionnels. Mikaël Cohen, directeur des investissements chez Groupama, détaille la politique du groupe en la matière.

Décideurs. Quelle est votre allocation globale ?

Mikaël Cohen. Notre allocation est stable et similaire à ce que peuvent détenir d’autres assureurs dans leur bilan. Sur un bilan de 80 milliards d’euros hors unités des comptes, elle se constitue de 80 % de taux - dont 1,5 % de dette privée -, 6 % d’actions cotées, 1,5 % de private equity et infrastructure que nous souhaitons développer à moyen terme, 6 % d’immobilier et 6 % de cash. Nous maintenons des liquidités pour être capables de profiter d’opportunités de marché, l’idée étant d’augmenter la poche infrastructure à 3 % - 4 %. L’immobilier a vocation à évoluer entre 7 % et 8 % de notre allocation.

Quelle est votre politique sur les investissements alternatifs ?

Nous nous basons sur des études d’allocation d’actifs tenant compte de perspectives de rendement variées. Ce qui gouverne souvent les décisions est notre capacité à assumer ces allocations dans le temps, notamment en accord avec Solvabilité 2 et la nécessité de projeter ces différents scénarios économiques à long terme.

"La problématique de la retraite joue un rôle important dans nos choix d’investissement"

La problématique de la retraite joue aussi un rôle important dans nos choix d’investissement. Elle suppose des durations longues et des actifs qui procurent un rendement courant ainsi qu’une protection contre l’inflation. L’infrastructure et l’immobilier permettent entre autres d’y répondre.

Comment déployez-vous votre stratégie ?

Sur le private equity, nous constituons un portefeuille de fonds diversifié, à la fois par nature (du leveraged buy-out au capital-risque) et par zone géographique (Europe, USA). Notre compétence est pour cela dans la sélection des gérants. Nous avons également un intérêt pour les co-investissements. C’est un bon moyen de mieux connaître les gérants pour comprendre leur fonctionnement. En infrastructure, nous passons également par des fonds, avec, quand c’est possible, des co-investissements, l’idée étant de se diversifier. Les énergies renouvelables se démarquent pour des raisons liées aux critères ESG et aux engagements d’investissement dans la transition énergétique pris par Groupama. Les fonds de dette constituent une diversification intéressante. Néanmoins, la prime d’illiquidité nous paraît moins attrayante que par le passé. Pour nous, il est par ailleurs préférable d’avoir une notation, ce qui est rarement le cas pour les fonds de dette.

L’investissement socialement responsable (ISR) joue-t-il un rôle dans ces investissements ?

Pour le non coté, nous réclamons aux gérants de nous présenter les indicateurs ESG intégrés dans le process de sélection et de gestion des investissements, ainsi qu’un reporting de suivi des indicateurs et éventuels objectifs fixés dans leurs portefeuilles. Nous devons aussi pouvoir fournir des informations ESG dans le cadre du règlement Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), d’où l’importance du reporting. En immobilier, les investissements sont réalisés principalement en direct par notre filiale Groupama Immobilier, qui intègre ces enjeux et nous transmet ces éléments. Dans tous les cas, au moins une analyse extra-financière est effectuée et, si possible, des indicateurs mesurés comme les émissions carbone.

Comment sélectionnez-vous les fonds d'actifs réels ?

Dans nos due-diligences, nous recherchons des sociétés de gestion qui ont mis en place des processus et se sont fixé des objectifs, notamment en matière d’investissement responsable. Notre grille de notation comprend par ailleurs l’ancienneté et la taille des équipes. Nous considérons important des éléments garantissant la pérennité de l’équipe tels que l’investissement propre des gérants dans le fonds, tout comme leur track record, associé à l’analyse de la manière dont les résultats ont été obtenus. La vitesse de déploiement des capitaux constitue également un facteur déterminant dans la sélection des fonds.

Comment voyez-vous la montée en puissance des actifs numériques comme classe d’actifs ?

Cela fait partie des actifs dont nous sommes totalement absents, au même titre que les hedge funds ou les matières premières comme l’or. Nous préférons les actifs disposant d’un sous-jacent réel et utile à l’économie, et qui produit de la valeur dans le temps.

Propos recueillis par Marc Munier

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