Edenred est une plateforme qui propose des services et des solutions de paiements à usages spécifiques dans les domaines de l’alimentation, via notamment sa solution Ticket Restaurant, de la mobilité professionnelle, de la motivation et des paiements professionnels. Patrick Bataillard, directeur financier du groupe depuis 2015, revient pour Décideurs sur la digitalisation de sa fonction et sur les prochains défis à relever en matière de transformation digitale.

Décideurs. Où en est la transformation digitale de votre groupe ?

Patrick Bataillard. Le digital est une très belle opportunité de développement pour le groupe. Nous en sommes conscients depuis plusieurs années et les quelques rares solutions qui n’étaient pas encore 100% digitales ont vu leur transformation vers des supports digitaux s’accélérer depuis la crise sanitaire. En France par exemple, cette période inédite a amplifié la transition du programme Ticket Restaurant du format papier vers le digital, car les clients ont compris l’intérêt de nos solutions numériques. Que ce soit avec la carte et le paiement mobile pour régler « sans contact » ou le paiement « app-to-app » qui permet d’utiliser Ticket Restaurant pour payer et se faire livrer son déjeuner sur les plateformes comme Uber eats. L’ensemble de nos solutions seront donc bientôt 100% digitales. Mais au-delà de ces considérations, la transition numérique, c’est aussi un état d’esprit. Celui de notre capacité à moderniser nos organisations, notre back office et, in fine, la DAF. 

Quels chantiers digitaux ont été déployés pour moderniser la DAF du groupe ?

Dans l’ensemble du groupe, le confinement a entraîné une utilisation beaucoup plus développée des moyens de communication et de réunion, à l’image de Teams, que nous avons fait le choix d’utiliser chez Edenred. Cet outil a permis de faire évoluer le travail en équipe, sous contrainte en phase de confinement. Concernant plus spécifiquement la DAF, nous investissons de plus en plus dans l’IA et la business intelligence. Celle-ci repose sur notre capacité à aller sourcer dans la comptabilité des données, pour les utiliser de façon plus souple et agile afin de faire parler les chiffres et accompagner les patrons dans leurs décisions de gestion.

La RPA ou Robotic Process Automation est également un sujet très présent. Nous souhaitons inciter nos différentes directions financières présentes dans 46 pays à automatiser toutes les tâches répétitives et chronophages en mettant en place des robots. Pour y parvenir, nous nous sommes dotés de compétences en interne au sein de trois « Edenred Digital Center » ou EDC, constitués de talents digitaux. Au niveau européen, nous avons deux spécialistes de la RPA, qui travaillent avec notre équipe financière pour automatiser certaines tâches grâce à la solution UIPATH.

Nous avons également, comme beaucoup de groupes internationaux, fait l’usage d’un ERP ou Enterprise Ressource Planning. Un outil utilisé pour automatiser certaines fonctions, comme la prise de commande et le paiement des fournisseurs et de nos clients. Prenons l’exemple de la réglementation Sapin 2 qui nous oblige à faire le contrôle de la qualité des tiers avec lesquels nous travaillons. La loi impose à ce titre divers contrôles comptables. Nous avons donc pris le parti d’automatiser cette tâche en recourant à un outil du marché pour réaliser des extractions de données plutôt que de demander au comptable d’établir directement les contrôles aléatoires.

"Les quelques rares solutions qui n’étaient pas encore 100% digitales ont vu leur transformation vers des supports digitaux s’accélérer depuis la crise sanitaire"

Quels outils et/ou solutions ont été déployés ?

Les principaux outils employés sont Teams et Power BI de Microsoft mais également UIPATH, un des premiers opérateurs dans le RPA. Nous avons fait le choix de l’agilité, avec des outils faciles à mettre en œuvre. Prenons l’exemple de Power BI dans le cadre de due diligence. Ce n’est certainement pas l’outil qui permet le plus de fonctionnalités mais il présente l’avantage d’être inclus dans la suite Microsoft, d’avoir un coût relativement modeste et de faciliter la prise en main par les utilisateurs. En faisant ce choix, nous avons voulu donner envie aux utilisateurs d’adopter ces solutions sans nécessairement avoir besoin de longues heures de formation. Une fois mis en place, l’enjeu se trouve dans l’efficacité car tous ces outils ont vocation à simplifier le quotidien des utilisateurs.

Quel est le taux d’adoption de ces solutions au sein de votre direction ? Avez-vous mené des opérations de conduite du changement ?

Si l’on revient à des dispositifs comme Teams ou de business intelligence, à partir du moment où vous donnez une impulsion à la tête de la société et que l’outil est simple d’usage, il devient très rapidement un standard. Bien entendu, chacun utilise ces nouveaux moyens avec une acuité et une facilité différentes. Notre devoir est d’accompagner nos collaborateurs et de les aider quand ils rencontrent des difficultés. L’équipe technique est très mobilisée et disponible pour répondre aux différentes interrogations notamment pour le maniement de l’outil Power BI.

Le même constat se partage-t-il sur la RPA ?

Sur la RPA, les taux d’utilisation diffèrent selon les pays en fonction de leur niveau de maturité. La particularité de la RPA est qu’il faut dépasser certaines idées reçues : le robot n’a pas vocation à remplacer le collaborateur mais à l’assister. Mais dès lors que l’utilisateur est associé à la démarche, il se rend compte très rapidement que l’outil va lui permettre d’accomplir de nouvelles tâches ou, du moins, de disposer de plus de temps pour ses autres missions.

"La particularité de la RPA est qu’il faut dépasser certaines idées reçues : le robot n’a pas vocation à remplacer le collaborateur mais à l’assister"

Quels sont vos prochains défis en matière de transformation digitale au sein d’Edenred ?

Deux sujets nous occupent beaucoup. La facturation électronique est le premier. Nous avons beaucoup de travail sur ce sujet en France car la réglementation française interdisait de facturer de manière totalement électronique jusqu’à récemment, à la différence de nombreux pays. Nous avons observé pendant le confinement qu’avoir un processus de « bon à payer » de factures sur papier n’était pas satisfaisant en étant sur des sites distincts, et que nous devions adapter une alternative. Tendre vers une facturation électronique en sortie vers nos clients et en entrée de la part de nos fournisseurs fait partie de nos prochains objectifs. Le processus de commande électronique est le second défi. Grâce au renforcement de notre direction des achats, toutes nos commandes doivent être traitées électroniquement, et ce, afin d’en faciliter la gestion.

Quel est le principal chantier qui attend la fonction DAF ?

La fonction DAF doit tendre vers plus d’automatisation et de RPA. Les bénéfices de cette dernière sont trop souvent sous-estimés alors qu’elle peut faciliter la vie sur un ensemble de rituels quotidiens, aussi bien aux fonctions de trésorerie, de financement, d’audit interne ou encore de comptabilité. Il y a aujourd’hui de nombreux champs d’application de la RPA et la DAF doit être un acteur de cette transformation digitale !

Propos recueillis par Alexandre Lauret

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