La troisième marketplace tricolore en nombre de visiteurs et le cinquième e-commerçant de la planète, le japonais Rakuten (ex-PriceMinister) a fait évoluer son modèle, devenant un apporteur d’affaires pour les grandes marques. Afin de contrer Amazon et Google, la plateforme d’e-commerce mise sur un programme de fidélité avantageux. Entretien avec Raphaël Bonstein Head of product & experience, Rakuten France.

Décideurs. Pour résister à vos principaux concurrents vous avez lancé en 2016 le programme de fidélité Club R. Quels en sont les avantages pour les utilisateurs de votre marketplace ?

Raphaël Bonstein. Il permet à tous les consommateurs membres de toucher en cashback 5 % du montant de leurs achats BtoC et CtoC, réalisés sur notre place de marché, en « Rakuten Super Points ». Depuis son lancement en 2016, ce programme a déjà reversé plus de 38 millions d’euros à nos  2 millions de membres ! Ce système de points est dans l’ADN de notre groupe et nous sommes aujourd’hui la seule plateforme e-commerce à proposer un tel service. La promesse de ce programme est simple : plus les membres inscrits au « Club R » sont actifs (en achetant, vendant, commentant…) sur notre plateforme, plus ils sont récompensés en retour, et leurs actions valorisées par cette monnaie virtuelle. Nous sommes convaincus que cette stratégie de fidélisation est idéale non seulement pour les consommateurs mais aussi pour les vendeurs professionnels car ces derniers profitent ainsi d’une clientèle engagée, atteignant un taux de rachat de plus de 70 % en six mois.

Nous avons également lancé en décembre 2018 le Club R Everywhere qui offre la possibilité à nos adhérents de se rendre chez plus de 500 enseignes et marques affiliées pour bénéficier des mêmes avantages proposés par le « Club R », soit 5 % remboursés sur chaque achat.

Quelle est votre approche produit ?

Nous avons une approche service et une expérience utilisateur plus que produit chez Rakuten dans la mesure où nous sommes une marketplace multispécialiste. Historiquement, PriceMinister était spécialisé dans la revente de livres, nous avons donc une pondération plus importante dans cette typologie de produits. Aujourd’hui, nous vendons aussi bien des produits high-tech que des produits électroménagers, nous avons d’ailleurs noué un partenariat avec Boulanger.

" Plus les membres inscrits au « Club R » sont actifs sur notre plateforme, plus ils sont récompensés en retour "

Quel est le degré de maturité de Rakuten France en matière d’expérience utilisateur?

Quand je suis arrivé en 2015, Rakuten avait déjà un bon niveau d’expertise en matière d’exploitation des datas puisque l’entreprise avait déjà ouvert un gigantesque chantier sur l’analyse des comportements et la compréhension des utilisateurs. Au sein du département produits, un pôle spécialisé dans l’analyse des datas avait même été créé. Composé d’une équipe de data analystes spécialisés dans l’expérience utilisateurs, ce pôle est en charge de l’amélioration en continu des applications. Par ailleurs, nous avons fait le choix d’internaliser le moteur de recommandation et ainsi réussi à faire progresser de trois points la contribution de ces recommandations dans le chiffre d’affaires global de l’entreprise.

Notre défi consiste aujourd’hui à développer notre partenariat avec le retail tout en permettant aux utilisateurs de bien comprendre notre positionnement et nos avantages concurrentiels. Notre vision d’une expérience simple c’est aussi d’aider à bien comprendre la notion même de marketplace et d’alliance avec les marques.

Que faites-vous en matière d’hyper­personnalisation du parcours client ?

L’hyperpersonnalisation est un sujet à double tranchant. Il faut trouver l’équilibre entre l’hyperpersonnalisation des utilisateurs fidèles et l’apport de nouvelles expériences aux primo-utilisateurs. Les sujets de personnalisation doivent donc se soustraire à une expérience globale qualitative. Pour ce faire, nous avons chez Rakuten des équipes Recherches & Big Data qui travaillent à l’amélioration de certains de nos modules, comme le moteur de recommandation. Ces équipes viennent parfaire l’expérience. Par exemple, lorsqu’un nouvel utilisateur arrive sur le site, il verra sur sa page d’accueil les catégories qui suivent la saisonnalité et les tendances de nos ventes.

En revanche, à partir du moment où nous pouvons l’identifier, sa page d’accueil s’adaptera. Si jamais nous détectons qu’il a des intentions de vendeur, nous pouvons lui mettre en avant la vente sur le site. S’il a acheté des produits sur notre site nous lui proposerons des produits complémentaires. S’il est intéressé par une ­catégorie en particulier, il s’agira de nos meilleures offres en rapport avec ledit produit, et ainsi de suite.

Demain, nous utiliserons également la solution de ciblage look alike qui nous permettra de réussir à prédire les intérêts d’un nouvel utilisateur afin d’approcher son expérience de celle d’un consommateur fidèle. Nous lançons bientôt des tests en ce sens.

Comment vous positionnez-vous par rapport à la concurrence, Amazon, Google ou encore Cdiscount ?

Nous nous positionnons comme l’allié des marques et du retail. Nous veillons à ce que les vendeurs, qui font le choix de notre marketplace, aient une vraie place pour s’exprimer et faire exister leur marque. Nous sommes aujourd’hui la seule marketplace omnicanal sur ­laquelle un utilisateur peut venir acheter un produit sur Rakuten France, bénéficier de 5 % de cashback et récupérer son produit dans une enseigne de la marque partout en France grâce au click & collect. C’est ce qui nous différencie notamment ­d’Amazon ou de Cdiscount qui n’ont pas vocation à générer du trafic en magasin. Notre modèle économique se rapproche donc plutôt de celui du chinois Alibaba avec, en plus, tout un volet CtoC pour la vente entre ­particuliers.

" Il faut trouver l’équilibre entre l’hyperpersonnalisation des utilisateurs fidèles et l’apport de nouvelles expériences aux primo-utilisateurs "

Dans votre dernier rapport annuel, vous avez annoncé la refonte de votre application de paiement, Rakuten Pay, avec notamment l’intégration de la plateforme d’échange de crypto-monnaies Everybody’s Bitcoin que vous avez achetée en 2018. Pouvez-vous nous en dire plus?

Au Japon, comme Rakuten est fournisseur de cartes bancaires, l’application Rakuten Pay a beaucoup plus de sens pour les utilisateurs, et l’ajout de fonctionnalités comme la facilité d’utiliser Everybody’s Bitcoin comme un outil d’investissement simple est très fluide pour l’utilisateur. Rakuten Pay n’est pas encore disponible en Europe. Nous travaillons activement, avec Rakuten Europe Bank, qui est notre établissement bancaire, à concevoir et imaginer des fonctionnalités bancaires qui répondraient aux problématiques européennes de nos consommateurs.

Vous avez aussi un défi important à relever en termes de communication pour faire connaître et reconnaître Rakuten en France ?

L’essence même de Rakuten, dès sa naissance en 1997, était l’« empowerment », c’est-à-dire s’associer avec les petits et les grands marchands pour les faire grandir. Le 1er mars 2018, lorsque PriceMinister est devenu Rakuten, nous avons changé de stratégie pour intégrer les marques afin qu’elles puissent vivre au travers de notre marketplace. Nous devons poursuivre nos efforts dans ce sens et le faire savoir.

Anne-Sophie David

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