Microsoft, le Gafam exemplaire ?
Deux études viennent de confirmer le retour en grâce de Microsoft. Le géant américain arrive en tête d’une enquête réalisée par Odoxa portant sur l’image que les Français ont des Gafam. Une bonne opinion confirmée par le sondage Axios-Harris Poll 100 qui analyse la cote de popularité des 100 entreprises les plus visibles de la planète. Alors que le secteur des « techs » souffre d’une image de plus en plus dégradée, Microsoft sort son épingle du jeu en se classant en neuvième position, loin devant Netflix (24), Apple (32), Google (41) et surtout Facebook (75).
Nouvelle virginité
Une véritable réussite pour une entreprise qui a pourtant endossé le rôle de grand méchant technologique des années 1990. Et dont le fondateur et ex-PDG, Bill Gates, a longtemps incarné le milliardaire sans scrupule avant de s’offrir une nouvelle virginité médiatique en lançant la Bill & Melinda Gates Foundation et en finançant des œuvres humanitaires.
Microsoft a été – relativement – épargné par les principaux scandales qui ont émaillé l’actualité technologique au cours des derniers mois. Harcèlement sexuel, pratiques douteuses de management, utilisation et mauvaise protection des données personnelles, optimisation fiscale, abus de position dominante, mépris de la vie privée, accointance avec des partis politiques ou des pays étrangers, collaboration avec des régimes autoritaires… Les accusations portées à l’encontre des grands noms de la tech ne manquent pas. Et certains, Facebook en tête, en paient les conséquences.
Déminer
Si Microsoft ne fait pas partie des cibles les plus visées, c’est que l’entreprise a entrepris, en amont, de déminer certains sujets. En février 2019, le groupe de Satya Nadella faisait face à la contestation d’une partie de ses employés qui lui reprochaient d’avoir remporté un appel d’offres de l’armée américaine. Microsoft fournira 100 000 casques de réalité mixte, le HoloLens, destinés à améliorer la capacité de frappe des soldats. En clair, leur permettre de mieux tuer. Un contrat – de 479 millions de dollars – qui a été maintenu malgré la pression interne et dont les dommages collatéraux en matière d’image ont été contenus.
Microsoft, sous la houlette de son PDG Satya Nadella, s’est en effet efforcée de promouvoir une vision éthique des nouvelles technologies. Dès 2016, le PDG s’emparait de ces questions dans une lettre ouverte aux salariés et créait, en 2018, Aether, un comité de surveillance des questions liées à l’IA au sein de l’entreprise. Contrairement à Google dont les tentatives pour rassurer sur les évolutions et les utilisations de l’IA sont considérées comme peu crédibles, l’engagement de Microsoft porte ses fruits. L’entreprise a ainsi demandé au Sénat américain de réguler le recours à la reconnaissance faciale et ce alors que Google acceptait de participer au projet Maven du département de la Défense américain, un projet utilisant l’IA pour identifier des cibles et pouvant servir aux frappes de drones.
Inspiration
Microsoft se sert ainsi de grandes causes pour soigner son image. Dotée d’un Chief Environmental Officer, le groupe a annoncé s’être fixé comme objectif une réduction de 75 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et 60 % de la consommation électrique de ses data centers proviendront, à la fin de l’année, de sources d’énergies renouvelables. Microsoft n’hésite pas non plus à promouvoir les usages positifs de ses technologies, mettant par exemple l’accent sur le rôle environnemental de l’intelligence artificielle (IA), que l’on parle de modélisation climatique, d’assistance aux agriculteurs dans une meilleure gestion des cultures et de l’irrigation ou encore de consommation électrique intelligente.
Une stratégie qui fait des envieux du côté des autres Gafam. Le site The Information rapporte ainsi que Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, est allé chercher de l’inspiration et des conseils auprès de Bill Gates mais aussi de Brad Smith, le président et le directeur juridique de Microsoft –un des artisans de la nouvelle image de l’entreprise depuis ses déboires avec la justice américaine et l’enquête antitrust dans les années 1990.
Cécile Chevré