Arnaud de la Tour (Hello Tomorrow) : « Nous questionnons la technologie avec les gens qui la font »
La 5e édition d’Hello Tomorrow vient d'avoir lieu. Comment l'événement a-t-il évolué depuis sa première édition en 2015 ?
En 2015, nous nous étions lancés dans ce challenge sans avoir vraiment d’expérience dans l’événementiel. La première édition a été un succès. Nous avons conservé depuis la même taille d’évènement, en accueillant environ 3 000 personnes chaque année. Le modèle de la rencontre est plus proche de celui des TEDx que du salon proprement dit, et nous sommes très sélectifs.
Que cherchez-vous à promouvoir avec cet événement ?
Nous voulons d’abord provoquer l'inspiration. Nous passons l’année à chercher aux quatre coins du monde les personnes qui ont les visions les plus puissantes, des pionniers capables de proposer de nouveaux angles, de faire bouger les lignes. Lors de la première édition par exemple, nous avions accueilli le fondateur de Deep Mind, Demis Hassabis, spécialiste de l’intelligence artificielle, dont la société a été rachetée depuis par IBM. À l’époque, il était peu connu. Il est monté sur scène, et nous a parlé d’intelligence artificielle en diffusant une vidéo où une IA jouait à Pac-man. L’IA était nulle au début, puis, progressivement, elle a appris toute seule, et elle est devenue imbattable. L’audience était scotchée. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle fait toujours partie des sujets mais nous l’abordons sous l’angle de la boîte noire. C’est un intervenant, la start-up Darwin IA, qui va nous en parler pour permettre d’expliquer le fonctionnement de l’IA. L’idée, en provoquant l’inspiration, est de rendre accessibles les enjeux des nouvelles technologies, et de montrer comment elles influencent notre vie. Si bien que nous questionnons la technologie avec les gens qui la font.
« Nous voulons d’abord provoquer l'inspiration »
L'événement permet-il également le développement de ces Deep Tech ?
Nous voulons montrer ce qui est possible, grâce à l’inspiration, mais nous voulons aussi passer à l’action. C’est notre deuxième objectif avec Hello Tomorrow. Même si nous ne sommes pas un salon, nous consacrons une partie de l'événement au business, afin d’aider à structurer un écosystème autour des Deep Tech. En organisant des rencontres, 200 investisseurs sont attendus pour cette édition, avec les start-up. Près de 800 d’entre elles sont présentes. L’idée est d’encourager l’engineering serendipity.
Les investisseurs se sont-ils familiarisés avec les contraintes des Deep Tech, notamment avec leurs délais de développement plus longs et leurs besoins financiers plus importants comparés aux besoins d’une plateforme numérique ?
Oui, car nous atteignons un plateau en matière de création de valeur dans le numérique. Nous sommes au début d‘un nouveau cycle, avec l’intelligence artificielle, l’édition du génome... Les grands groupes qui ont hésité au début de l’essor de la première vague du numérique ne veulent pas rater celle-ci.
L’intelligence artificielle fait partie des start-up de la Deep Tech qui commencent à être connues... Quelles sont celles de demain ?
En plus de l’intelligence artificielle, nous pouvons citer les nouveaux matériaux, comme le graphène, les nanotubes de carbone, ou les smart matériaux. Il y a également l’advanced computing, ou le quantum computing, qui pourraient répondre à l'essoufflement de la loi de Moore sur les puces (règle posée par le cofondateur d’Intel dans les années 1960 selon laquelle le nombre de transistors sur les puces double tous les 18 mois), en la “revitalisant”. Il faut également compter avec l’IoT ou la robotique… Nous restons ainsi dans la continuité de la première vague numérique.
« Nous avons bâti notre crédibilité auprès des universités et des chercheurs en restant focalisés sur les Deep Tech »
Comment Hello Tomorrow conserve-t-il sa singularité face à la multiplication des événements consacrés aux Deep Tech ?
Il faut rester à la pointe sur notre positionnement. Au début des années 2010, tout le monde était obsédé par les plateformes. Nous avons bâti notre crédibilité auprès des universités et des chercheurs en restant focalisés sur les Deep Tech. Grâce à cette continuité, nous pouvons aujourd’hui jouer le rôle de tiers de confiance dans le secteur, comme nous le faisons entre les investisseurs et les start-up.
Propos recueillis par Florent Detroy (@FlorentDetroy)