Aymeril Hoang dresse le bilan de ses deux premières années passées à la Société générale en tant que directeur de l’innovation. Sa connaissance de l’écosystème des start-up, renforcée par son passage au gouvernement aux côtés de Fleur Pellerin afin de piloter l’initiative de La French Tech, est un véritable avantage pour le groupe en pleine transformation digitale.

Décideurs. Comment se traduit la stratégie de la Société générale en matière d’open innovation ?

Aymeril Hoang. L’innovation est au cœur de nos valeurs depuis 150 ans. Nous multiplions les relations avec les acteurs de l’écosystème digital afin de nous différencier en anticipant mieux les besoins actuels de nos clients et en créant de nouvelles opportunités. Au-delà de nos partenaires historiques, les start-up représentent une source d’inspiration. Elles sont innovantes et agiles. Prenons l’exemple de la fintech Fiduceo, acquise par Boursorama (filiale du groupe) en 2015. Grâce aux technologies qu’elle a développées, nous avons pu nous doter d’un agrégateur de comptes bancaires et le déployer dans l’ensemble des activités de banque de détail du groupe en France. Notre objectif est d’être reconnu par les start-up comme un interlocuteur et un partenaire de confiance.

Quelle est votre méthode pour valoriser les projets internes ?

Chaque entité du groupe est dotée d’une petite équipe en charge des projets innovants. Nous développons des start-up internes organisées de manière transversale et par projet afin de coller au mieux aux besoins des métiers. Le groupe déploie plus largement des modes de travail inspirés des méthodes de développement agile de l'informatique afin d’embrasser l’innovation et la digitalisation.

Quel est votre rôle en tant que directeur innovation du groupe ?

La direction de l’innovation est une véritable plate-forme qui joue un rôle d’assistance pour les différents métiers. Sa mission est de les mettre en relation avec des start-up selon leurs besoins. Nous avons également une mission de veille de l’écosystème et de diffusion de la culture d’ouverture en favorisant l’immersion des équipes dans un écosystème très différent du nôtre pour mieux innover.

« Les données et le machine learning permettront aux banquiers en contact avec les clients de personnaliser et de valoriser leurs conseils »

De quel projet, développé depuis votre arrivée à ce poste, êtes-vous le plus fier ?

Je me réjouis d’observer que ce nous proposons inspire les collaborateurs. C’est une réelle fierté de constater que de plus en plus d’entités ont le réflexe start-up lorsqu’il s’agit de nouer un partenariat externe ou de redéfinir leur stratégie digitale. Nous avons réussi à instaurer une véritable combinaison gagnante entre engagement et nouvelles méthodes de travail. Les rôles sont plus clairs, les équipes plus autonomes et les jeunes talents plus nombreux. Ce mode de fonctionnement innovant est vécu au quotidien par les cinq mille collaborateurs qui viennent de s’installer dans notre nouvel ensemble immobilier des Dunes à Val de Fontenay. L’architecture de ce lieu est horizontale, les bureaux ne sont pas fermés ni même attribués, des salles de co-créativité, jeux et de repos sont mises à disposition. Les collaborateurs se sentent libres de circuler et d’échanger dans ce lieu où il n’y a pas de bureau fixe.

Rencontrez-vous des réticences face à cette nouvelle stratégie d’open innovation ?

Les premières expérimentations (avec des start-up ou des équipes en immersion) portent leurs fruits et génèrent d’autres projets au sein des métiers. La structure et le mode de management classiques, pyramidaux et centralisés sont remis en question, ce qui peut générer quelques difficultés. Mais cette transformation est inévitable. Le manager tout puissant et omniscient n’est plus adapté aux fonctions créatives qui impliquent de l’innovation. Nous nous attachons à accompagner les collaborateurs et les managers dans cette nouvelle façon de travailler, en expérimentant et en partageant les bonnes pratiques.

Les fintechs sont-elles des concurrentes sérieuses aux banques traditionnelles ?

Nous considérons les fintech non pas comme des menaces mais comme des opportunités. Les banques peuvent apprendre des nouvelles technologies et s’inspirer des expériences utilisateurs offertes par les fintechs, et ces dernières peuvent retenir les leçons apprises par les banques en matière de respect de la réglementation, de distribution et de traitement à grande échelle. Il s’agit donc d’une relation gagnant-gagnant. Par ailleurs, les clients ne sont pas prêts à confier leur argent à n’importe qui. Enfin, les fintechs n’ont pas accès aux data et ne peuvent donc pas dresser seules d’algorithmes complexes. La nouvelle directive va leur en fournir plus mais elles n’en auront jamais autant qu’une banque traditionnelle.

Quels sont les principaux chantiers d'une banque du XXIe siècle ? 

La data est au cœur des préoccupations des banques aujourd’hui, comme dans l’ensemble des industries de service. Comment gérer, traiter, exploiter et protéger ces données pour extraire de la valeur pour le client. Alliant le meilleur de l’humain et du digital, ces données et le machine learning permettront aux banquiers en contact avec les clients de personnaliser et de valoriser leurs conseils. Beaucoup de projets de robots conversationnels sont en cours. Les chatbots peuvent améliorer la relation client et être un outil d’aide aux conseillers. L’idée finale est de s’appuyer à la fois sur la technologie et l’expertise métier pour répondre à des questions de plus en plus complexes.

Propos recueillis par Marion Robert (@Marion_Rbrt)

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