Entretien avec Alain Chaptal ,Consultant Expert Santé, et Hicham Abbad Andaloussi, Directeur Associé, KLB Group
Avec des prix en baisse, l’augmentation des coûts industriels et de recherche et développement, les contraintes d’homologation, la perte de brevets et le développement des génériques, les industriels de la santé sont confrontés à des défis complexes. Pour y faire face, deux experts nous livrent leur vision des leviers à activer pour retrouver de la compétitivité et repartir de l’avant.

Décideurs. Comment décririez-vous le contexte actuel du secteur pharmaceutique ?
Alain Chaptal. L’ensemble des entreprises du secteur pharmaceutique répond aujourd’hui à des challenges multiples : baisse des prix de vente des produits médicamenteux suite à l’intervention des autorités de la santé, déploiement des génériques, accumulation des contraintes, augmentations des coûts et des délais de développement. De plus, le caractère imprévisible des changements géopolitiques et réglementaires, ainsi que l’accroissement des principes de précaution, empêchent toute visibilité. Les entreprises doivent s’adapter, redéployer leur stratégie, pour rester compétitives. Cela passe par l’innovation mais aussi par une exigence accrue vis-à-vis des collaborateurs pour s’adapter et contribuer aux changements nécessaires.

Décideurs. Quels sont, selon vous ces changements à mettre en œuvre ?
Hicham Abbad Andaloussi. Le commercial et la recherche ont été les deux moteurs historiques et restent des facteurs importants de développement. Mais il faut aussi agir sur le portefeuille produit, la supply chain et les achats.

Décideurs. Vous intervenez donc sur les politiques commerciales ?
A.?C. En effet. La rationalisation du portefeuille produit est une nécessité. Pourtant, peu d’acteurs la mènent de manière régulière et systématique. Très souvent leur forte culture «?conservatrice?» induit une offre commerciale peu lisible et une complexité exponentielle à tous les niveaux : commercial, industriel, ou encore juridique. Par exemple les write offs, c’est-à-dire la destruction de produits ou composants périmés, nécessitent une gestion très organisée pour être fortement diminués. Aujourd’hui, ils représentent 1 à 2?% du résultat annuel ! Ou encore, l’élasticité des prix de vente, quand ils ne sont pas réglementés, est rarement exploitée, alors que des gisements de gains considérables existent.

Décideurs. Les contraintes industrielles laissent-elles encore des marges de manœuvre du point de vue supply chain ?
H.?A. A.?Là encore, il faut remettre en cause le statu quo. Les stratégies industrielles manquent de souplesse et d’innovation. Un travail approfondi et systématique générera des économies substantielles. Il faut s’inspirer de ce qui est fait dans d’autres secteurs pour optimiser l’utilisation des sites et pour simplifier, standardiser et réorganiser les opérations.

Décideurs. Les entreprises font appel de plus en plus aux sous-traitants pour leurs besoins de production. Comment les piloter ?
A.?C. La sous-traitance est encore rarement gérée de manière globale alors qu’elle peut représenter 5 à 100?% de la production ! Pour la simplifier, optimiser l’utilisation des capacités internes et faire baisser les coûts, une réflexion systématique sur le make or buy s’impose. La sous-traitance doit être considérée comme une usine virtuelle à ateliers multiples. Elle nécessite un pilotage spécifique parfois géré par un «?directeur des usines externes?», fonction encore trop rare, et souvent confiée aux usines, aux achats ou à la supply chain dont ce n’est pas le
but premier.

Décideurs. Vous avez mentionné le potentiel des achats. En quoi est-ce un gisement peu exploité ?
H.?A. A. Les achats, qui représentent environ la moitié du chiffre d’affaires d’une entreprise, disposent de larges marges de progression, mais doivent s’affirmer. Trop souvent assimilée à la négociation ou à l’approvisionnement, la fonction achats, stratégique dans d’autres secteurs (automobile, aéronautique…) doit encore acquérir ses lettres de noblesse dans le secteur pharmaceutique.

Décideurs. Qu’apporterait une fonction achat plus mature ?
A.?C. L’optimisation des dépenses ne se limite plus aujourd’hui à acheter moins cher mais à dépenser mieux en challengeant les besoins des clients internes et en réduisant la consommation. Elle permet aussi de mieux maîtriser les risques : les risques opérationnels (de ruptures d’approvisionnement, de dépendance, de monopole), globaux (de devises, naturels, géopolitiques, météorologiques) et les risques RSE (sociétaux, sociaux, environnementaux, politiques). Enfin, elle peut contribuer à la croissance de l’entreprise en collaborant en amont des projets, en développant l’innovation et en accompagnant la stratégie de l’entreprise.

Décideurs. Ces leviers pour être applicables, nécessitent des transformations en profondeur des organisations. Comment les implémenter ?
H.?A. A. Des économies sont possibles à tous les niveaux par une cartographie des processus et des organisations, une analyse fonctionnelle des justes besoins et le déploiement de services partagés. Dans l’industrie et les services se développe peu à peu la fonction «?Directeur de la performance?», qui, avec l’appui des dirigeants, va animer un programme d’amélioration. Mais cette fonction reste encore embryonnaire dans le domaine de la santé. Et nombre d’entreprises manquent de moyens lorsque l’implémentation de projets devient nécessaire. Une approche pragmatique est donc indispensable. Comme celle que propose KLB Group, qui vise des résultats rapides et pérennes. KLB Group ne conseille pas seulement, mais aide aussi ses clients à implémenter les projets opérationnels et de transformation en mobilisant les bonnes expertises (achats, supply chain, qualité, finance, ingénierie…) avec le bon business model (forfait, success fees, mixed fees).

Décideurs. Pour terminer, avez-vous quelques exemples concrets pour illustrer vos propos ?
A.?C. Nous avons travaillé pour un industriel dont la chimie est le cœur de métier et la première source de compétitivité. Dans son procédé de fabrication, la saturation chimique nécessitait une double installation coûteuse dans les locaux. Nous avons mobilisé toutes les équipes pour générer des idées d’amélioration, et les implémenter. Au final, un nouveau procédé de «?dégoulottage?» systématique a permis de tripler la capacité en 5 ans avec peu d’investissements sur l’installation existante.

H.?A. A. Autre exemple : nous avons accompagné un industriel dans la transformation de ses achats. Il a pu monter en compétence, accroître son taux de couverture, trouver un meilleur équilibre entre les projets de redesign et d’innovation pour au final dégager 30 M€ de cash sur trois ans ! Enfin, un autre client ne collaborait qu’avec deux sous-traitants adeptes d’une technologie spécifique et coûteuse. En travaillant en équipe plurifonctionnelle, nous avons réussi à transformer son mode opératoire, pour adopter des technologies plus standards, accroître son panel de 2 à 16 sous-traitants et baisser ses coûts de 30?% tout en réduisant les risques de dépendance technologique  !

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