Le Moulin Rouge génère aujourd'hui soixante-cinq millions de chiffre d’affaires et emploie 400 personnes. Jean-Jacques Clerico donne le secret de sa réussite.
Créé il y a 125 ans, le Moulin Rouge a déposé le bilan à la fin des années 1990. Il est aujourd’hui leader de son marché. Il génère soixante-cinq millions de chiffre d’affaires et emploie 400 personnes. Jean-Jacques Clerico détaille pour Décideurs la stratégie qu’il a mise en place et ses perspectives de développement.

Décideurs. Après les difficultés que vous avez rencontrées dans les années 1990, comment avez-vous redressé la barre ?

Jean-Jacques Clerico. Nous nous sommes remis en question. Nous avons mis en place une nouvelle politique tarifaire et une nouvelle politique commerciale en privilégiant les grands comptes.
Nous avons aussi veillé à ne pas dépendre d’une clientèle en particulier. Nous avons par exemple mis en place des quotas par nationalité : les représentants d’un pays ne doivent pas dépasser 10 % du total des spectateurs. Notre clientèle est aujourd’hui composée de 50 % de Français et 50 % d’étrangers. Elle s’est beaucoup rajeunie.

Le film de Baz Luhrman Moulin Rouge nous a assuré une grande notoriété, notamment auprès des jeunes générations. Surtout, nous avons beaucoup capitalisé sur notre revue, Féerie, qui a été lancée en 1999. Elle a coûté huit millions d’euros dont deux millions pour la musique, facteur clé de sa réussite. A l’époque, nous avons veillé à ce qu’elle ne soit pas à la mode afin, justement, qu’elle ne se démode pas. Aujourd’hui, elle a toujours autant de succès : le CD de musique est la première vente de la boutique.

Le Moulin Rouge est d’abord un spectacle. Notre organisation est centrée sur Féerie avec deux représentations par jour, l’une à 21 heures et l’autre à 23 heures, tous les jours de l’année.
Le taux de remplissage moyen de notre salle de 800 personnes est de 97 %, ce qui donne une idée de la satisfaction de nos spectateurs. Cependant, nous ne restons pas figés : Féerie évolue. Je suis très attentif au ressenti des clients. Je voyage aussi beaucoup pour voir ce qui se fait ailleurs. Nous portons une attention particulière à l’émotion que ressentent les spectateurs.

Décideurs. Gérez-vous Le Moulin Rouge comme une entreprise ?
J.-J.C. Je garde mon âme de saltimbanque pour veiller à la qualité du spectacle mais le pragmatisme prévaut dans la gestion de l'entreprise. Comme pour la création et le suivi quotidien du spectacle, je me suis entouré de gens de qualité pour diriger l’entreprise. C'est le secret de notre réussite.

Nous comptons 400 employés et il faut piloter leurs activités. Nos salariés sont d’une grande fidélité car nous pratiquons la promotion interne même si nous sommes à la recherche de nouveaux talents.

Nous devons assurer une logistique importante : nous servons près de 600 dîners par jour. Nous sommes attentifs à la qualité des repas, c’est très important pour notre clientèle française ! Nous achetons aussi 240 000 bouteilles de champagne par an.

Décideurs. Le Moulin Rouge est aussi une affaire familiale…
J.-J.C. Oui, ma famille détient 100 % du capital. Deux de mes enfants commencent à être impliqués mais pour diriger une PME de 400 personnes, il faut des capacités. C’est la raison pour laquelle ils ont fait des études et sont tous les deux titulaires d’un MBA. Cela leur donne de la légitimité. Mon fils Jean-Victor est en charge de l'administration financière, ma fille Virginie s’occupe de la marque qui est notre capital. Nous cherchons d’ailleurs à la diversifier et à créer un espace ludique, une discothèque et une brasserie. Nous étudions la possibilité de développer une activité hôtelière.

Décideurs. Le cœur de votre stratégie de développement est-il de capitaliser sur votre marque ?
J.-J.C. : Cela s’inscrit dans une stratégie plus globale que nous mettons en œuvre depuis 2009. Nous souhaitons maîtriser tous les outils qui fondent le spectacle. C’est notamment pour cela que nous avons racheté Clairvoy, un bottier parisien spécialisé dans le spectacle depuis les années 1950 ; La Maison Février, une plumasserie au service du music-hall et de la haute couture fondée en 1929 et, depuis peu, l'atelier de couture Mine Vergès. Toutes ces enseignes sont accessibles au grand public.

En 2009, nous avons aussi acheté nos murs et tout l’espace initial dont disposaient nos «pères fondateurs» de 1889, Oller et Zidler. Dans la salle agencée en 1950 on commençait à se sentir un peu à l’étroit. En achetant ces murs mais aussi tout l’espace d'origine, on se donne de l’oxygène. Nous nous réservons la possibilité de décupler l’impact du spectacle en occupant ces nouveaux espaces pour nos prochaines représentations.

Nous restons aussi à l’écoute de projets. Nous sommes prêts à exporter notre savoir-faire aux quatre coins du monde à condition que soient respectés notre concept et notre cahier des charges. Les Etats-Unis ou la Chine sont à la hauteur de notre standard de production.
Nous avons aussi une nouvelle revue en préparation. Nous la lancerons quand il faudra renouveler Féerie. Le spectacle est ce qu’il y a de plus important pour nous. Je n’oublie pas ce que disait mon père : «on est là pour donner de la joie.»

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