Le Nasdaq flirte avec son niveau de 2000 et les start-up non cotées lèvent des montants de plus en plus importants. La tech s’approcherait-elle d’une nouvelle crise ? Rien n’est moins sûr.
« Il y a une logique derrière les valorisations que ces entreprises reçoivent. » Adena Friedman, la présidente du Nasdaq en est certaine : la situation est « fondamentalement différente » de celle du début des années 2000, comme elle l'a expliqué au Financial Times. Pourtant, certains observateurs s’interrogent après la dernière levée de fonds de 367 millions de dollars réalisée par Pinterest. Ce réseau social dédié aux contenus iconographiques est désormais évalué à onze milliards de dollars sans avoir toutefois clairement défini son business model. Et Pinterest n’est pas la seule start-up dans ce cas. Comment expliquer l’engouement dont bénéficie ces sociétés du numérique qu’elles soient cotées ou non ?

Des croissances surperformant les autres actifs

Le contexte macroéconomique et monétaire n’est pas étranger à l’inflation des valorisations de ces colosses aux pieds d’argile. « L’environnement de taux bas et l’afflux de capitaux depuis les émergents vers les États-Unis facilitent les levées de fonds importantes », explique Greg Revenu, managing partner chez Bryan Garnier & Co.

En outre, pour des investisseurs en quête de rendement, peu d’alternatives sont aussi rentables que les start-up. Une obligation souveraine rémunérée à 2 %, comme le bonds américain à dix ans, ne fait pas le poids face à des entreprises affichant des croissances à trois chiffres. Lending Club, par exemple, a enregistré une progression de ses revenus de 118 % en 2014, croissance contrebalancée par une perte nette de près de trente-trois millions de dollars.

Contrairement au début des années 2000, les entreprises du numérique ont aujourd’hui de véritables sous-jacents. De nouveaux business models financièrement pérennes ont fait leur apparition. Ils sont basés sur la publicité, tel que l’Adsense de Google, la mise en relation comme Airbnb, ou une innovation technologique à l'instar de l’iPhone d’Apple.

Ces nouvelles logiques entrepreneuriales sont par ailleurs confortées par des propositions de valeur qui répondent de mieux en mieux aux besoins des consommateurs. « Ces entreprises apportent des ruptures fortes qui sont en ligne avec l’évolution du monde et des modes de consommation », souligne le banquier d’affaires Greg Revenu. Le temps gagné grâce au seul moteur de recherche de Google permettrait d’économiser en moyenne 500 dollars par adulte et par an, soit au total pour les États-Unis quelque 130 milliards de dollars, selon une étude réalisée par Hal Varian, le chief economist de la firme de Mountain View.

La start-up était une licorne

L’incertitude qui entoure les valeurs technologiques tient essentiellement dans leur capacité à générer des revenus à moyen ou long terme. Les plus mûres, comme Google qui a réalisé soixante-six milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2014, y arrivent. Pour d’autres, le compte n’y est pas encore. Sur le dernier exercice, Twitter affiche par exemple des pertes de l’ordre de 577 millions de dollars.

Pour discerner le potentiel d’une jeune entreprise, « seule une connaissance extrêmement fine de son secteur et des mécaniques industrielles qui y prévalent permet de faire la différence », prévient Greg Revenu. Même s’il ne génère pas encore de bénéfices importants, Pinterest est déjà le troisième réseau social en nombre d’utilisateurs aux États-Unis, au coude à coude avec Linkedin et devant Google Plus. Dans un écosystème où la publicité est la principale source de revenu, une telle audience est incontestablement un atout.

Si le terme de « bulle » paraît donc excessif pour qualifier la situation actuelle, la prudence reste néanmoins de mise. « On se focalise sur les sociétés médiatiques comme Uber, mais celles-ci sont en réalité peu nombreuses », avertit Greg Revenu. Toutes les entreprises de la tech ne deviendront pas des Google ou des Apple. Aussi, ne faut-il pas oublier le surnom à double tranchant que la Silicon Valley se plaît à donner à ces start-up valorisées plus de dix milliards d’euros. Ce sont des licornes. Un bel animal, rare et surtout légendaire.

J.-H.F.

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