Agents immobiliers : attention aux risques réglementaires liés à vos nouvelles activités (CIF, IOBSP, IAS…)
Au cours des vingt dernières années, l’exercice de l’activité d’agent immobilier n’a eu de cesse d’évoluer. Ainsi, à côté des agences immobilières dites "classiques" avec un point de vente physique visant principalement une clientèle de proximité sont progressivement apparus les réseaux de mandataires, les market centers immobiliers, les agences immobilières 100 % digitales, etc.
Ces nouveaux modes d’exercice de la profession ont révolutionné la façon d’appréhender le métier d’agent immobilier en le rationalisant, voire en l’industrialisant. Ils n’ont toutefois pas modifié l’objet même de la profession d’agent immobilier, à savoir : prêter son concours aux opérations portant sur les biens d’autrui (achat, vente, recherche, échange, location, sous- location, etc.). Bref, l’entremise immobilière.
"Diversification des activités de l’agence immobilière (CIF, IOBSP, assurance…) : une opportunité certaine. Mais, attention à la précipitation !"
Les réseaux de mandataires étant désormais acceptés et s’étant multipliés, la tendance actuelle, qui correspond à une nouvelle étape de la transformation du métier d’agent immobilier, n’est plus tant d’exercer différemment le métier d’agent immobilier que de développer de nouvelles activités complémentaires ou connexes en utilisant, notamment, les réseaux de mandataires mis en place pour l’entremise immobilière.
Si ces nouvelles activités peuvent parfois apparaître comme une évidence tant elles sont complémentaires de l’activité traditionnelle d’entremise immobilière, il convient toutefois d’être prudent en pratique lors de la mise en œuvre de ces activités, celles-ci pouvant relever de réglementations propres.
Le développement d’activités connexes ou accessoires à l’activité d’agent immobilier : une opportunité à saisir
Dans un souci de création de valeur, de nombreux agents immobiliers proposent désormais à leurs clients un accompagnement dit "clé en main". Dans le domaine de la gestion immobilière, bon nombre d’agents immobiliers/ administrateurs de biens proposent désormais à leurs clients, en plus des services de gestion classiques (administration du bien, recherche du locataire, rédaction du contrat de bail, réalisation de l’état de lieux, encaissement des loyers, gestion des réparations et des sinistres, etc.), des services de conciergerie (réception des clients/remise des clefs, entretien/ nettoyage du logement, mise à disposition du linge, sortie des clients, etc.).
Idem dans le domaine de la transaction immobilière qui, outre le fait, par définition, de consister à chercher un acquéreur, un locataire ou un bien à vendre/à louer, peut aller bien au-delà de la traditionnelle mise en relation avec un courtier ou des prêteurs pour financer l’acquisition, une entreprise de home staging ou encore des entrepreneurs susceptibles de rafraîchir le bien à vendre ou à louer.
"Il n’est désormais pas rare que l’agent immobilier se transforme de facto ou délibérément en véritable conseiller en gestion de patrimoine de ses clients"
Ainsi, il n’est désormais pas rare que l’agent immobilier se transforme de facto ou délibérément en véritable conseiller en gestion de patrimoine de ses clients en les conseillant et les aidant pour sélectionner et/ou réaliser un projet d’investissement immobilier, une opération de défiscalisation immobilière, etc. À ce titre, une étude de leur situation patrimoniale, la recherche d’un financement ou encore d’une assurance pourront être proposés par l’agent immobilier. Mais, attention, la plupart de ces activités sont réglementées et leur exercice strictement encadré.
Attention toutefois aux activités réglementées
En effet, en fournissant de telles prestations complémentaires, l’agent immobilier risque de relever d’autres réglementations qui vont alors se cumuler avec les dispositions régissant l’activité d’entremise immobilière, réglementations qui vont devoir s’articuler entre elles autant que possible… Les activités, notamment, de conseiller en investissements financiers (CIF), intermédiaire en opérations de banque et services de paiement (IOBSP) et d’intermédiaire en assurance (IAS) sont ainsi, au même titre que l’activité d’agent immobilier, des activités dites réglementées (il s’agit là des activités complémentaires réglementées les plus fréquemment exercées par les agents immobiliers mais cette liste n’est pas exhaustive).
Or, dès lors que les nouvelles activités développées par l’agent immobilier relèvent de l’un de ces trois statuts, notamment, l’agent immobilier doit être particulièrement vigilant. En effet, pour pouvoir exercer ces activités et ne pas tomber dans l’exercice illégal de celles-ci, de multiples conditions doivent être remplies : honorabilité, compétence professionnelle, immatriculation à l’Orias, assurance, garantie, adhésion à une association professionnelle, etc.
Donc, attention à ne pas être le Monsieur Jourdain des opérations de banque et de l’assurance et de bien d’autres domaines encore. À défaut de respecter ces réglementations, l’agent immobilier imprudent s’exposerait à de lourdes sanctions, notamment pénales ; il prendrait également le risque, en cas de contentieux lié à l’une de ces nouvelles activités, que sa responsabilité civile professionnelle soit engagée et ce, alors même qu’il ne serait pas couvert par son assurance au titre de son activité "Hoguet". D’où, potentiellement, de lourdes conséquences financières en prime…
La délégation des nouvelles activités aux collaborateurs de l’agent immobilier
Autre écueil à éviter : consentir une délégation aux collaborateurs de l’agence qui, a priori, ne respectent pas davantage les règles en la matière pour participer à ces activités. Pour mémoire, la loi Hoguet autorise les agents immobiliers à habiliter des tiers à négocier et s’entremettre en leur nom. En 2023, les CCI ont ainsi traité pas moins de 68 386 dossiers d’attestations d’habilitation. Toutefois, ces attestations autorisent uniquement les collaborateurs des agences immobilières à exercer les activités relevant de la loi Hoguet.
Ainsi, si un agent immobilier entend déléguer à des collaborateurs l’une de ses nouvelles activités réglementées (CIF, IOBSP et IAS), il devra en premier lieu veiller à ce que ses collaborateurs remplissent également les conditions légales pour exercer une telle activité. À défaut, ici encore, il se mettrait en infraction avec la réglementation en vigueur et pourrait devoir assurer les erreurs/fautes commises par ses collaborateurs dans l’exercice de leurs "nouvelles" fonctions avec des recours limités. Il conviendra également de se demander s’il ne serait pas judicieux de conclure avec les collaborateurs en question un nouveau contrat distinct de leur contrat d’agent commercial en immobilier afin de définir précisément les conditions de leur collaboration au titre de ces nouvelles activités (pouvoirs délégués, secteur, clientèle, conditions de rémunération, etc.) et cantonner les risques.
En définitive, avec une activité immobilière traditionnellement soumise à des cycles et un contexte économique récent au surplus particulièrement délicat, la diversification des activités de l’agence immobilière constitue indéniablement une opportunité. Attention toutefois, selon les nouvelles activités exercées, à prendre soin de respecter les réglementations applicables aux différents domaines concernés, sauf à prendre le risque de graves déconvenues (sanctions, condamnations, etc.). Gageons que les contrôles par les autorités compétentes en la matière ne manqueront pas de se multiplier dès lors que ces activités complémentaires gagneront en visibilité et notoriété.
Sur les auteurs
Jean-Charles Foussat, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles, et Vincent Antraygues, avocat au barreau de Paris, sont spécialisés en droit des intermédiaires de commerce (agent commercial, VDI, VRP, apporteurs d’affaires…) ainsi qu’en droit de l’agent immobilier. À ce titre, ils conseillent les agents immobiliers sur les différentes problématiques qui se posent à eux (loi Hoguet, loi Alur, Tracfin, RGPD, droit de l’agent commercial en immobilier, démarchage…) ainsi que sur les statuts voisins. Ils accompagnent leurs clients tant en les conseillant à titre préventif qu’en les défendant en cas de contentieux ou de poursuites par les autorités compétentes (DGCCRF, CNS).