Entre durée d’opération, complexité de la chaîne de commandement et impact sur le recrutement, chaque projet devient une aventure humaine. Léonard Briot de La Crochais souligne l’importance de comprendre la proposition de valeur et l’adaptabilité nécessaire pour constituer une équipe dirigeante embarquée dans un projet de création de valeur.

Décideurs RH. Quelles sont les difficultés auxquelles font face les équipes dirigeantes en situation de LBO ?

Léonard Briot de La Crochais. Le principe de l’opération de LBO est la transformation. On achète à une valeur d’entreprise de 1 pour revendre 2 ou 3 (et en plus on aura joué sur des leviers de remboursement de dette, lesquelles s’amenuisent depuis la hausse des taux). Cela n’est pas magique. Il faut aller chercher cette valeur dans une durée théorique de, mettons, cinq ans (chaque année qui passe diminue le TRI). Les leviers sont à la fois simples et, comme toujours, plus faciles à décrire qu’à exécuter : top line organique et développement des géographies, travail sur l’ebitda (earnings before interest, taxes, depreciation and amortization, soit la tension sur les marges), remboursement de la dette (tension sur le free cash flow), croissance externe pour la top line et le différentiel de multiples (accélération des plans de transformation)… Bref, tout accélère et se tend dans des ­environnements de travail non stabilisés où la durée de l’opération, qui oscille généralement entre quatre et six ans, peut être perçue comme une contrainte exogène non justifiée. Les formats et rythmes de reporting augmentent, les interlocuteurs aussi (fonds, dette senior) avec parfois des agendas pas nécessairement contradictoires mais différents. L’équipe dirigeante va ­devoir gérer cette tension, cette accélération, tout en dépassant les freins aux changements internes.

Quelles sont les conséquences sur votre approche du recrutement ?

Ce n’est plus le poste mais le projet qui compte. Si l’on comprend le projet, si l’on y adhère en tant que recruteur, alors on dégage d’un principe désincarné de poste, ce qui manque dans l’équipe pour réussir le projet. Par ailleurs, en tant qu’entrepreneur, et notamment fondateur d’un éditeur Saas, j’ai commis à peu près toutes les erreurs de gouvernance, de management, de choix de ­modes de distribution. Sans surprise, cela n’est pas mon plus grand succès économique ; en revanche, quel gain dans ma compréhension concrète des difficultés du dirigeant !

J’ai conscience de l’importance de ces histoires très concrètes. Ce sont ces aventures qui m’intéressent et les moments d’échanges avec les entreprises nous permettent, en tant que recruteurs, de mieux appréhender leur culture propre, leur identité. Cette approche par projet, par la création de valeur, qui n’allait pas de soi à mes débuts, donne du sens à notre accompagnement dans le processus de recrutement et son suivi.

"L’équipe dirigeante va devoir gérer cette tension, cette accélération, tout en dépassant les freins aux changements internes"

Pour véritablement entrer dans ces aventures entrepreneuriales, il s’agit de comprendre la promesse de proposition de valeur associée à un LBO. Tout réside donc dans la manière de composer l’équipe dirigeante pour en faire le moteur d’une vision stratégique et d’une capacité d’exécution au service de cette promesse. En revanche, il n’y a pas de profil type : telle société de 50 millions d’euros et plus de 15 d’ebitda, dirigée par son fondateur, au projet d’internationalisation et de build up internationaux, est radicalement différente d’une l’entreprise de 50 millions d’euros, dans le même secteur, dirigée par un nouveau CEO et au projet de croissance organique.

"Tout réside dans la manière de composer l’équipe dirigeante pour en faire le moteur d’une vision stratégique et d’une capacité d’exécution au service de cette promesse"

Bref, que ce soit un(e) CFO, un(e) COO, peu importe… le poste n’est jamais le même et au-delà, le travail d’accompagnement du dirigeant n’est jamais le même parce que chacun possède son approche et son niveau de maturité propre face aux enjeux d’un LBO.

Dans ce contexte particulier, comment s’articule la relation entre l’individu et le collectif ?

À ce sujet, je soulignais dans un précédent article l’évolution des attentes des jeunes générations de managers habitués à une progression rapide de leur carrière et pour qui le statut de "salarié" est devenu moins attrayant par rapport à celui, jugé plus dynamique, de "porteur de projet", lequel a l’avantage de s’inscrire dans une temporalité relativement courte et bien définie. En outre, l’objectif de création de valeur qui constitue la finalité du LBO se répercute sur l’engagement collectif au sein de l’entreprise dont les membres avancent vers une destination commune. Cependant, gardons-nous d’idéaliser cet alignement des objectifs : il y a toujours un moment où ils se désalignent, notamment entre management (qui voudrait rester) et actionnaires (qui veulent vendre au mieux). De ce point de vue, la résilience, la capacité d’adaptation, la capacité à faire converger des attentes légitimes, est sans doute une clé du succès.

Entretien avec Léonard Briot De La Crochais, Managing Partner, Abaq et Yvan Coquentin, Partner, Abaq 

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