S’ils sont désormais sur toutes les lèvres, Bernard Devert n’a pas attendu 2020 pour intégrer les termes "inclusion" et "mixité" à sa vision de la ville. Promoteur et prêtre, il milite depuis trente ans pour une insertion par le logement, une intégration par la mixité sociale.
Bernard Devert, mission divine
Créée en 1985 dans un contexte de crise économique et de crise du logement, Habitat et Humanisme rassemble aujourd’hui 50 associations locales, 2 300 bénévoles, 200 salariés et elle a permis de loger plus de 12 000 familles. Comment Bernard Devert, son président et fondateur, a-t-il construit cet empire social et solidaire ?
Habitat
Né à Lyon en 1947, Bernard Devert est l’aîné, ex aequo avec sa sœur jumelle, d’une famille de cinq enfants. Il étudie le droit avant d’intégrer la Régie Baur, un cabinet d’administration d’immeubles de la région Rhône-Alpes, pour lequel il travaillera onze ans. Il crée ensuite une société de placements immobiliers puis sa propre société de promotion immobilière. Si certaines idées naissent d’un besoin, celle d’Habitat et Humanisme découle d’un drame. Une dame âgée, en passe d’être relogée dans le cadre d’une opération de rénovation, fait une tentative de suicide. Bernard Devert prend alors conscience des injustices liées au logement et notamment, celles engendrées par la rénovation des centres-villes qui relèguent les classes populaires dans les quartiers périphériques. "La ville doit être traversée par la différence, et non se développer à partir de strates monolithiques. Et là où le vivre ensemble n’est pas perceptible, il y a injustice ; l’homogénéité de l’habitat concourt à la rigidité assassine des sociétés occidentales." Il fonde Habitat et Humanisme en 1985, alors lieu d’échange et de réflexion qui accompagne et nourrit les innovations de son activité immobilière. Cinq ans plus tard, la loi Besson de 1990, qui permet aux associations de devenir "maîtres d’ouvrage immobilier", d’acheter, de réhabiliter des logements pour les personnes en difficulté, va offrir à l’association une dimension plus opérationnelle et l’autoriser à passer de la théorie à la pratique.
Humanisme
Si Bernard Devert est aumônier depuis 1987, titillé par un appel de jeunesse et une vocation en suspens, il n’en est pas moins entrepreneur et au fait des logiques capitalistes. Le mouvement est donc réfléchi non pas comme une association caritative mais comme une entreprise traversée par une dimension humaniste qui réconcilie "l’économique et le social, l’humain et l’urbain" et s’attache à loger les familles à faibles ressources, en privilégiant la localisation dans des quartiers "équilibrés" pour favoriser la mixité sociale au cœur des villes. C’est d’ailleurs en sollicitant des investisseurs privés, dont la Caisse interprofessionnelle du logement et la Caisse des dépôts et consignations, que les premiers logements sont acquis. Aujourd’hui, Habitat et Humanisme affiche des statistiques significatives : 1 800 nouvelles familles logées chaque année, 9 800 logements en gestion ou acquis en propre et 47 Ehpad. Insuffisant pour cet entrepreneur qui crée en 2003, l’association La Pierre angulaire dont l’objectif est d’accueillir les personnes dépendantes et à faibles ressources.
Le mouvement est réfléchi non pas comme une association caritative mais comme une entreprise
Parallèlement à l’animation et au développement de ses associations, et après avoir été aumônier du Centre Léon Bérard pendant treize ans, Bernard Devert a été chargé par le Cardinal Barbarin de développer une pastorale spécifique pour les personnes toxicomanes. Sur son blog, il continue de décrypter l’actualité et l’Évangile, alternant les papiers sur la crise du logement et billet sur la justice. Habitat et Humanisme.
Alban Castres