Depuis l’attribution en septembre 2017 des Jeux de 2024 à la ville de Paris, c’est un compte à rebours inéluctable qui s’est lancé : un peu de moins de sept ans pour préparer les infrastructures nécessaires à l’accueil du plus grand événement sportif de la planète. À quelques mois de leur ouverture, il est l’heure de faire le point sur les grands principes qui ont guidé ce chantier colossal.
JO de Paris, laboratoire de la ville de demain
Des jeux durables
Les images des installations en ruine des Jeux olympiques d’Athènes de 2004 sont encore dans les mémoires. Le comité d’organisation a donc décidé de mettre l’accent sur ces problématiques pour les JO 2024, et ce, dès la candidature, en maximisant par exemple l’utilisation d’équipements existants. Avec pour but avoué de diviser par deux l’empreinte carbone par rapport aux jeux de 2020. Neutralité carbone en ligne de mire Principale ambition affichée : atteindre les objectifs 2030 des Accords de Paris. Plus généralement, le but est d’avoir une décennie d’avance sur la neutralité carbone visée pour 2050. Pour ce faire, l’organisation a construit le moins possible. Ainsi, 95 % des infrastructures des prochains Jeux sont déjà existantes ou temporaires. Pour les nouvelles constructions, les normes appliquées sont devenues très strictes : béton bas carbone, utilisation maximale du transport fluvial, ou encore exploitation du bois pour les nouvelles infrastructures. Sur ce dernier point, les ambitions ont toutefois été revues à la baisse pour des questions de sécurité et de réglementation. On ne verra donc pas de bâtiments en bois de plus de 28 mètres.
Mot d’ordre : réversibilité
Le meilleur moyen de limiter l’impact carbone est de s’assurer que les nouveaux bâtiments aient tous, post-Jeux, une « seconde vie ». Un double usage notifié dans le cahier des charges initial. Ce choix s’appliquera également aux structures temporaires dont 75 % seront réutilisées. La phase de construction « Jeux » sera donc suivie, une fois l’événement terminé, d’une phase de construction « héritage », visant à convertir les structures pour leur usage final. Si les ambitions et les engagements sont importants, ceux-ci ne sont pas pour autant exempts de critiques. Les associations environnementales saluent la réutilisation des infrastructures existantes mais critiquent le fait qu’une bonne partie du bilan carbone, lié en particulier au transport aérien, ne soit pas vraiment prise en compte dans les mesures prévues pour les Jeux.
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Village des athlètes : un quartier à double vie
C’est l’un des projets phares des JO à venir : la construction à Saint-Ouen d’un Village olympique d’une capacité de 14 250 lits. Les logements seront partagés jusqu’à huit athlètes, à raison de deux personnes par chambre. Unefois les Jeux paralympiques terminés, les bâtiments seront vidés, cloisons et salles de bains temporaires retirées. Il faudra aussi supprimer certains ascenseurs pour garder un niveau raisonnable du futur prix des charges. Une fois ce chantier terminé, la phase de finition commencera pour transformer ce village olympique en un nouveau quartier vivant. Ce sont donc 2 656 logements à cheval sur Saint-Ouen, Saint-Denis et l’Île-Saint-Denis qui sont prévus, avec 25 % à 40 % de logements sociaux, selon la commune. Ils seront accompagnés par plusieurs groupes scolaires, des crèches, des équipements sportifs et culturels. Le tertiaire n’est pas en reste, avec 117 000 mètres carrés disponibles, tout comme les commerces qui occuperont 3 850 mètres carrés. Plusieurs parcs viennent couronner cet ensemble, avec 7 hectares d’espaces verts. De quoi offrir une nouvelle vie à un quartier jusque-là délaissé. Un exercice d’autant plus ambitieux que les projets de bâtiments réversibles n’ont été, pour le moment, que des expérimentations à petite échelle. Nombreux sont donc ceux qui scrutent ce projet et les retours d’expérience qui en résulteront. Autre espoir : généraliser les permis de construire à double destination. Ces derniers sont en effet pour le moment délivrés de manière exceptionnelle. La législation doit évoluer si l’on veut voir se multiplier des projets immobiliers intégrant, dès la conception, la possibilité d’un changement d’usage.
Des jeux éthiques
Profiter au plus grand nombre et surtout aux plus défavorisés. C’est probablement l’un des objectifs les plus complexes à atteindre pour ces JO de 2024. Tour d’horizon des mesures mises en place par l’organisation.
S'ils représentent une manne financière incroyable, les Jeux olympiques sont régulièrement critiqués pour l’inégale répartition des richesses qu’ils apportent. Généralement, on observe que les populations les plus affectées, qui se trouvent souvent parmi les plus pauvres, ne profitent pas réellement de cette dynamique, tant d’un point de vue financier qu’au niveau des infrastructures. Du fait d’une présence prépondérante en Seine-Saint-Denis et dans des quartiers défavorisés, les Jeux de Paris étaient donc particulièrement attendus au tournant.
De l’emploi pour les locaux
Entre les opérations de construction et les Jeux en eux-mêmes, 181 000 nouveaux emplois devraient être créés pour l’occasion. Pour maximiser leur impact au sein des communautés locales, la Solideo et le comité d’organisation ont pris des engagements chiffrés. Ainsi, 10 % des heures travaillées sont réservées à l’insertion professionnelle, le but étant de ramener des personnes éloignées de l’emploi dans l’univers de l’entreprise, mais aussi de donner la priorité aux résidents des quartiers prioritaires. Autre point souvent critiqué : les plus grosses entreprises raflent souvent la mise des appels d’offres, laissant sur la touche TPE et PME qui constituent un tissu local économique incontournable. Pour y remédier, 25 % des marchés ont été rendus accessibles aux TPE, PME ainsi qu’aux structures de l’économie sociale et solidaire. Le dernier grand engagement de l’organisation est de garantir des chantiers socialement exemplaires. Dans le viseur : travail illégal, pratiques anticoncurrentielles, ou encore qualité des conditions de travail. Ces objectifs ne font toutefois pas l’unanimité du côté des syndicats et du milieu associatif. Nombre d’entre eux considèrent que ces engagements ne vont pas suffisamment loin, se contentant parfois même du minimum légal. D’autres pointent que si techniquement, les appels d’offres sont ouverts aux petites entreprises, nombre de marchés sont tout simplement trop volumineux pour de petites structures. Un positionnement qui, de facto, les pousse à s’allier avec de grands groupes, souvent sans garantie que l’association soit respectée, une fois le marché remporté. D’une manière générale, si les structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) saluent les objectifs, elles regrettent un manque d’accompagnement et des délais souvent trop courts. La Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire espère cependant que l’effort de formation des donneurs d’ordre sur ces sujets aura un impact sur les projets post-JO.
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Grande Nef de l’Île-des-Vannes : une nouvelle vie pour un lieu mythique
L’héritage des Jeux ne se limite pas aux grands ouvrages neufs. Les besoins en sites secondaires, notamment pour l’entraînement des athlètes, sont énormes ; nombre d’équipements sont ainsi rénovés, ce qui en fait l’un des héritages les plus concrets des Jeux pour les habitants. En Seine-Saint-Denis, pas moins de 19 sites de ce type, piscines, gymnases et stades bénéficieront de rénovations. La Grande Nef Lucien-Belloni à Saint-Ouen en est un parfait exemple. Situé à deux pas du Village des athlètes, ce palais des sports accueillera les entraînements de la gymnastique rythmique ainsi qu’une partie de l’athlétisme sur la piste attenante. Classé aux monuments historiques et inauguré en 1971, le bâtiment se trouvait à l’abandon depuis plusieurs années et renaît grâce aux JO de Paris. Sa remise à neuf est entièrement financée par la Solideo. Après les Jeux de 2024, la mairie compte bien refaire de la Grande Nef un centre culturel majeur, tout en conservant un héritage sportif avec l’installation d’un centre d’excellence imaginé par le basketteur Tony Parker.
Cluster des médias : une remise au vert
À cheval entre la Courneuve, le Bourget et Dugny, le Cluster des médias a pour principale mission d’accueillir une partie des 25 000 membres de la presse attendus pour l’événement. Les épreuves d’escalade et de marathon paralympique y sont aussi prévues. Le Centre des médias lui-même sera positionné dans le parc des expositions du Bourget mais il s’accompagne de la construction d’un nouveau quartier à Dugny. Le Village des Médias logera 1 500 journalistes et techniciens et sera reconverti après les Jeux. D’une surface de 100 000 mètres carrés, il donnera naissance à 1 500 logements mais aussi aux services nécessaires pour la population. Une crèche, un groupe scolaire et un gymnase sont ainsi prévus. Le point le plus iconique du projet est l’extension de 13 hectares du parc départemental Georges-Valbon, grâce à la renaturation du terrain des Essences, ancien dépôt d’hydrocarbures du ministère la Défense. Entièrement financée par la Solideo à hauteur de 13 millions d’euros, cette opération est l’une des plus ambitieuses de ce type en France.
Des jeux innovants
Au-delà des performances sportives, les Jeux olympiques sont une vitrine mondiale du savoir-faire d'un pays. L’innovation devient un enjeu de taille pour l’événement. Objectif avoué ? Faire des JO de Paris un laboratoire de l’immobilier et de la construction de demain. Si le sport est bien évidemment au coeur des considérations actuelles, les Jeux représentent aussi un rayonnement international pour un pays. De ce fait, l’innovation devient un pari de taille à hauteur del’événement, avec de nombreux projets à la pointe de la technologie.
Le « 1 % innovation »
Au-delà de ses missions de travaux, la Solideo a fait le choix de consacrer 1 % des 4,4 milliards d’euros alloués au gros oeuvre à un soutien pour les technologies de rupture et d’innovation. Des fonds qui ont donc été distribués aux opérateurs immobiliers, maîtres d’ouvrage mais aussi à des start-up. Cela passe par la création d’un fonds de soutien de 36 millions d’euros, dédié à l’utilisation des technologies nouvelles. La Solideo a également abondé à hauteur de 12 millions d’euros au fonds de capital-investissement Paris Fond Vert, portant ce dernier à 160 millions d’euros. Créé à l’initiative de la Ville de Paris, ce fonds vient financer des entreprises, accélérant ainsi la transition écologique. Les projets retenus par la Solideo sont souvent liés aux problématiques écologiques ou sociales. L’accent est particulièrement mis sur la qualité de l’air, avec des solutions de dépollution de l’air extérieur signées Suez, Aérophile et Starklab. La lutte contre les îlots de chaleur, une problématique de taille à l’époque où les canicules sont de plus en plus présentes est prise à bras-le-corps, plusieurs compagnies proposant une récupération et réutilisation de l’eau pour rafraîchir l’atmosphère. Dans un autre domaine, la start-up Le Pavé produit des sièges de stade en plastique100 % recyclés, là où les modèles classiques ne le sont généralement qu’à 30 %. De plus, 80 % de ces déchets proviennent d’Île-de- France. La commande de 11 000 sièges pour le Centre aquatique et l’Adidas Arena lui ont permis de monter une unité de production pilote à Aubervilliers et une usine en Bourgogne. Les Jeux sont aussi l’occasion pour les fournisseurs d’énergie de moderniser leurs offres. Ainsi, Enedis a déployé pour la première fois des bornes électriques directementreliées à son réseau pour alimenter les sites temporaires. Une véritable petite révolution puisque jusqu’ici, la grande majorité de cesévénements utilisaient des générateurs thermiques bruyants et polluants.
Centre aquatique olympique : joyau des JO
Situé a un jet de pierre du Stade de France, le Centre aquatique olympique est le projet le plus ambitieux de ces jeux. Conçu par l’architecte Zaha Hadid, construit par Bouygues Bâtiment et financé par la Métropole du Grand Paris, le bâtiment est particulièrement innovant. Principale prouesse technique et architecturale : sa charpente de 90 mètres, concave et entièrement construite en bois. C’est tout simplement la plus grande structure de ce type au monde et une preuve que le métal et le béton ne sont pas les uniques solutions pour la construction de grands édifices. Au-delà des matériaux, cette conception réduit de 30 % les besoins en chauffage. Le toit sera aussi habillé de 4 600 mètres carrés de panneaux solaires pour améliorer l’efficacité énergétique. D’une capacité de 6 000 places pendant les Jeux, le centre sera reconfiguré, une fois l’événement terminé pour en accueillir 3 000, avec la possibilité d’installer de façon temporaire, 2 000 sièges supplémentaires. De quoi permettre au site d’accueillir d’autres événements internationaux majeurs. Le Centre est aussiaccompagné d’une passerelle qui permettra aux piétons de traverser l’autoroute A1 et de rejoindre le Stade de France. Cette structure de 100 mètres de long permettra ainsi de relier la ZAC Plaine Saulnier au reste du quartier et decréer ainsi l’un des plus grands complexes événementiels de France.
Urbanloop : le transport ultra-lèger
Les infrastructures de transport sont l’un des points les plus critiques des JO 2024. Celles-ci sont l’occasion de tester, grandeur nature, de nouveaux concepts. L’Urbanloop de Saint-Quentin-en-Yvelines en est un parfait exemple. Conçu par les étudiants de l’université de Lorraine, ce système ferré reliera le principal parking du site olympique à une fan zone située à deux kilomètres de là. D’une capacité de deux adultes, le système se veut plus flexible et simple à déployer qu’un tramway classique. Il est autonome et ne consomme qu’un demi-centime d’euro d’électricité au kilomètre. Le passager choisit sa destination et la capsule s’occupe du reste, filant à 50 km/h. Le circuit de 2 kilomètres sera disponible pour dix capsules et testé grandeur nature pendant dix-sept mois. Peu cher et ne nécessitant pas de batteries, l’Urbanloop semble taillé pour offrir aux zones périurbaines des solutions de transport multimodal. Une seconde boucle de 7 kilomètres est déjà prévue à Nancy pour 2026.
François Arias