Les dark stores relégués au rang d'entrepôts
La menace fantôme
Mini-entrepôts inaccessibles aux publics, les dark stores ou "magasins fantômes" comptent, en moyenne, entre 1 500 et 2 000 références disponibles sur leurs applications respectives. La crise sanitaire et ses différentes assignations à domicile, les a vus bourgeonner dans les métropoles françaises, du fait notamment d’un succès contraint et de liquidations de commerces, donc de libérations de murs. Deux éléments les distinguent des commerces plus traditionnels : leur clientèle ne peut pénétrer dans l’entrepôt, hormis une ou deux dalles dédiées au click and collect, et elle est prodigieusement pressée, mais pas suffisamment pour justifier d’un déplacement dans le magasin le plus proche. En cela, les dark stores entrent directement en concurrence avec les supermarchés, même ceux disposant d’un service de livraison, du fait de délais de délivrance nettement plus courts. Lorsque la durée d’une livraison Carrefour, Leclerc ou Intermarché oscille entre 30 et 40 minutes, autrement dit entre un lustre et une éternité, les acteurs du quick commerce que sont les applications Dija, Yango Deli, Cajoo, Getir, Gorillas ou Flink livrent en 10 minutes, ce qui, convenons-en, constitue un délai plus convenable.
Mini-entrepôts inaccessibles aux publics, les dark stores ou "magasins fantômes" comptent, en moyenne, entre 1 500 et 2 000 références disponibles sur leurs applications respectives
Dark stores, clap de fin
L’innovation disruptive de ces acteurs, basée sur une aptitude logistique et des ressources immobilières imparables, n’est pas parvenue à faire l’unanimité et a donné lieu à un feuilleton juridique dont le dernier épisode sonne les glas des locaux aux fenêtres opaques. Tout commence par un arrêté de la Ville de Paris qui avait qualifié ces activités, d’entrepôts et leur avait, par conséquent, ordonné de restituer aux locaux leurs activités d’origine, à défaut d’autorisation préalable. Après une suspension de la décision par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, la municipalité s’était pourvue en cassation. La Haute juridiction administrative juge que ces locaux "destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette" "doivent être considérés comme des entrepôts" et ce "même si des points de retrait peuvent y être installés". De fait et conformément au PLU, l’occupation de telles activités au sein d’espaces dédiés aux commerces suppose une autorisation de changement de destination. Un verdict juridique qui confirme une décision réglementaire publiée au Journal officiel le lendemain de l’arrêt de cassation. Ainsi, l’arrêté clarifie la sous-destination de l’entrepôt, et dans le même élan des dark stores, qui englobent "les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l'entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d'achats au détail commandés par voie télématique ". Quant à l’avenir des dark kitchens, une destination spécifique de "cuisine dédiée à la vente en ligne" est dorénavant prononcée par le décret de même date. En somme, la mise en place d’un click and collect ne saurait échapper à cette classification.
L’innovation disruptive de ces acteurs, basée sur une aptitude logistique et des ressources immobilières imparables, n’est pas parvenue à faire l’unanimité
Une saga juridique qui signe la fin des dark stores qui avaient pignon sur rue, sans pour autant y convier les passants. Ces acteurs de la logistique devront donc se conformer à des entrepôts conventionnels et peut-être descendre d’un étage, là où les parkings vacants aspirent à un second souffle.
Maureen Nugent