Après avoir pris acte, non sans mal, du caractère pérenne du télétravail, les acteurs investis sur le segment des bureaux ont introduit la notion de "services", seule promesse en mesure de faire revenir des salariés ivres de flexibilité sur leur lieu de travail. Suffisant ?
Retour au bureau : services gagnants ?
La localisation, la localisation, la localisation… Si l’industrie immobilière n’a longtemps eu que ce mantra en tête, répété à l’envi, la localisation d’hier n’est pas forcément celle d’aujourd’hui comme la centralité passée ne réside plus fatalement dans la centralité actuelle. Entre-temps, le télétravail est venu bousculer ce schéma, attendu que la centralité d’un salarié s’inscrit désormais assez naturellement dans son lieu de résidence. Dès lors, les localisations moins centrales ont perdu en prestige et la notion de services a tenté de lustrer des actifs, soudain, mal placés.
Historique
Alors que chacun était sommé de travailler de chez lui du jour au lendemain, et que tous s’y étaient résignés sous la contrainte, il s’est révélé, au sortir des assignations à domicile, délicat de reprendre le rythme traditionnel imposé par l’histoire de l’économie moderne. L’homme a été présenté comme un animal social quand il n’était pas érigé en véritable lion mondain, pour lui faire comprendre que sa place était au bureau, enveloppé de la présence rassurante de ses collègues. Dans les discours, la machine à café est devenue un puissant générateur de lien social et les salles de réunion les écrins d’une fraternité enivrante. Si l’amalgame qui consistait à ne considérer le télétravail que comme une introduction ou une extension du week-end n’a plus cours, il a été remplacé par celui qui implique de ne le présenter qu’à 100 % pour en discuter les effets négatifs, tels que l’isolement ou la perte d’information. Le désir des salariés français de passer une tête au bureau de temps en temps s’est transformé en plébiscite en faveur d’un retour au bureau. Dans les faits, le télétravail s’est installé à un rythme de 2,4 jours par semaine, bien loin de la caricature qui l’imaginait à 5 jours.
Les localisations moins centrales ont perdu en prestige et la notion de services a tenté de lustrer des actifs, soudain, mal placés
Service versa
Dès lors que le télétravail a été acté, non pas par un consensus général mais par l’exigence des salariés et demandeurs d’emploi, il s’agissait alors de rendre les bureaux plus attractifs. Le fameux "moins de bureaux mais mieux de bureaux". Une nouvelle formule qui, confrontée à la réalité implacable de l’expérience et des mathématiques, s’est résumée au seul "moins de bureaux". Et la notion de services est entrée en jeu, puisqu'il est devenu impensable d’accepter sans broncher le simple recul des mètres carrés contractés au profit du distanciel. Le bureau ne pouvant se résumer à un outil de management ni à une plateforme de ressources humaines, devient lieu d’échanges, laboratoire de la sérendipité, officine de la sociabilité. En pratique, les services restent les mêmes : conciergerie, restaurant d’entreprise, aide à la mobilité, quand le véritable facteur de différenciation réside dans la flexibilité. Dans sa dernière Newsletter, Welcome to the jungle annonçait qu'en 2022, 88 % des entreprises recrutant via la plateforme ont publié des offres ouvertes au remote (ponctuel, full ou flexible) alors qu'elle n'étaient que 66 % en 2019. Une accélération qui en dit long sur les nouveaux facteurs d'attractivité des entreprises et les véritables attentes des candidats.
Les mètres carrés n’y sont pas pour grand-chose dans le charme d’un employeur
Alors que certains vantaient les mérites du tout présentiel et regrettaient l’époque bénie du management à l’ancienne, évoquant l’attachement de leurs salariés à des bureaux remplis de plantes et de cafetières, d’autres empruntaient le chemin de la flexibilité, raisonnable et mesurée. En vérité, les mètres carrés n’y sont pas pour grand-chose dans le charme d’un employeur. Ce n’est pas l’afterwork qui détermine la culture d’entreprise mais la culture d’entreprise qui l’autorise.
Alban Castres