Face au réaménagement des emplois du temps, devant la réorganisation des espaces de travail et confrontés à l’inflation, certains chefs d’entreprise ont apprécié l’opportunité de se délester de quelques mètres carrés onéreux. Et le segment des bureaux en souffre, en matière de demande placée comme du point de vue de l'investissement.
Le bureau n’est pas mort, sauf le vendredi
L’assignation à domicile puis l’exhortation au télétravail ont engagé une autre manière de travailler, la hausse des coûts de l’énergie et l’inflation sont venues consolider la pratique. De quoi plonger toute une industrie, habituellement portée par le segment des bureaux, dans une anxiété inhabituelle et un pessimisme enfin raisonnable.
Inter-marchés
En 2022, le marché francilien des bureaux a validé une troisième année consécutive de régression. Avec un peu plus de 10 milliards d’euros investis, il enregistre une baisse de 21% sur un an, en comparaison d’une année 2021 déjà préoccupante. Si les trois premiers trimestres ont sauvé les apparences, le quatrième a pris acte de la guerre en Ukraine et de ses conséquences financières, reflet décalé de discussions entamées et de décisions prises quelques mois plus tôt. Avec 2,1 milliards d’euros investis, il s’agit-là du pire quatrième trimestre depuis 2008. De ce fait, si personne n’espérait de reprise au premier trimestre 2023, les bureaux n’ont totalisé que 1,3 milliard d’euros investis à l’échelle nationale, soit la moitié des volumes engagés au premier trimestre de 2022 et le tiers de ceux engagés à la même période en 2021. Un déclin particulièrement marqué en Île-de-France. Au-delà des seules considérations économiques et géopolitiques, le télétravail ne peut et ne doit pas être mis totalement de côté dans l’équation immobilière. S’il n’est pas praticable par tous, il est pratiqué un à deux jours par semaine par les salariés pour lesquels il est possible, auxquels il est offert. Il est d’ailleurs désormais toléré de sursauter lorsque l’on tombe nez-à-nez avec un collègue le vendredi au bureau.
Les acteurs de l’industrie immobilière, principalement ceux investis sur les bureaux, se révèlent donc raisonnablement pessimistes pour cette année 2023
Moins mais mieux ?
Malgré l’invocation de toute une industrie à un retour à l’époque bénie du 100% présentiel, cet attentisme trouve son explication algébrique dans deux statistiques exposées par CBRE Research : la part des entreprises en Île-de-France ayant opté pour une réduction de surface dans le cadre d’une prise à bail en 2021 s’élève à 41%, et la taille moyenne des réductions de surface observées à 32%. Des chiffres qui contestent l’idée souvent déclinée d’un remplacement mathématique des espaces de travail par des espaces collaboratifs, sans diminution des mètres carrés contractés. Si les loyers prime restent orientés à la hausse, notamment à Paris, les mesures d’accompagnement ne semblent pas complètement étrangères au phénomène. BNP Paribas Real Estate les estimait en moyenne à 23% sur l’année 2022. Il y a la centralité commune, qui englobe Paris et son QCA, et la centralité individuelle qui réside, pour chacun, dans l’endroit où il a l’habitude de vivre ou de travailler. Si l’emplacement revêt toujours une dimension capitale pour les acteurs de l’industrie immobilière comme pour leurs clients, le télétravail autorise à envisager différemment le trajet qui nous sépare du bureau, étant entendu que nous le pratiquons un ou deux jours de moins chaque semaine. En d’autres termes, le travail à distance rend plus acceptable un long trajet.
Si l’emplacement revêt toujours une dimension capitale, le télétravail autorise à envisager différemment le trajet qui nous sépare du bureau
Les acteurs de l’industrie immobilière, principalement ceux investis sur les bureaux, se révèlent donc raisonnablement pessimistes pour cette année 2023. Attendu que le télétravail a bouleversé les usages, le parc tertiaire est appelé à se rétracter. De quoi entériner le fameux "moins de bureaux" en attendant l’éventuel "mieux de bureaux".
Alban Castres