Investissement, un marché en demi-teinte
Les prouesses de 2022 marquées par une progression inattendue de l’activité de 2,6% ne semblent pas en voie de se réitérer pour l’année en cours. L’hostilité du contexte se traduit par la surenchère de l’inflation et une politique monétaire restrictive qui l’accompagne. Les leviers utilisés pour résorber l'inflation sont la rigidité de l’accès au crédit et le renchérissement du coût de la dette, mais ont pour conséquence de gripper le marché et de retarder sa rémission.
Feux au vert en 2022
L'année 2022 rejoint le tiercé gagnant de celles qui témoignent d’un engagement aux alentours des 28 milliards d’euros en immobilier d’entreprise. En somme, les résultats obtenus traduisent une représentativité équilibrée du marché compte tenu du volume global des activités, en hausse de 14% en un an et qui comptabilise 600 transactions. Toutefois, la performance est davantage constitutive de la première partie de l’année puisque l’activité a connu un véritable point de rupture au quatrième trimestre. "Alors que les trois derniers mois de l’année sont traditionnellement une période de forte activité, avec le closing de nombreux deals initiés préalablement, cela n’a pas été le cas l’année dernière. Le quatrième trimestre s’est au contraire traduit par une baisse sensible du rythme d’activité et connaît une baisse de 45% par rapport à la même période de 2021", explique Cyril Robert, head of Savills Research France. Cet état des lieux se manifeste par une asymétrie entre l’offre et la demande : la première fait preuve d’une certaine frilosité quand la deuxième s’illustre par une surenchère sans précédent des négociations de prix.
Investissement, positionnement polychrome
La forte décompression des taux a conduit à orienter les acteurs vers une typologie d’actifs extra-immobiliers, plus rémunérateurs et liquides
Shades of grey
L’horizon brumeux de l’économie déclenche un renouvellement de stratégie de la part des investisseurs. La forte décompression des taux a conduit à orienter les acteurs vers une typologie d’actifs extra-immobiliers, plus rémunérateurs et liquides. D’une part, la diminution du spread OAT 10 ans et le taux de rendement amoindrit la prime de risque des investisseurs. D’autre part, le retrait des investisseurs abonnés à l’effet de levier au profit des titulaires de fonds propres réduit le nombre d’acteurs présents sur le marché et inverse le rapport de force vendeurs/acquéreurs. Du reste, les plus résilients d’entre eux se positionnent de manière plus élitiste et interprètent l’opportunité au cas par cas. Ces derniers ne mettent plus "tous leurs œufs dans le même panier" et optimisent leurs rendements locatifs à travers la diversification de leur portefeuille. En outre, aux côtés de la seule indexation de loyers, la rentabilité est garantie par le potentiel de réversion des loyers et par la nature des projets attendus tels que le logement, les maisons de santé ou encore la logistique. Ainsi, en 2023, "on peut aujourd’hui espérer que le marché français, renforcé par sa moindre concentration sur les actifs bureaux, parvienne à s’établir sur un horizon proche des 20 milliards d’euros" affirme Cyril Robert. Une redistribution des cartes qui n’annonce pas pour autant la fin du jeu.
Maureen Nugent