Les montants de ces retards de paiements représenteraient pour les PME et les ETI, 15 milliards d’euros en moins dans leurs trésoreries au premier trimestre 2024. Les grands groupes sont pointés du doigt.

La maîtrise des délais de paiement est un enjeu majeur pour nos entreprises", souligne François Villeroy de Galhau, gouverneur de la banque de France à l’occasion des Assises des délais de paiement et des financements qui se sont tenues le 17 octobre. Ce dernier tire le signal d’alarme car les délais n’ont cessé de se dégrader depuis début 2023. Alors qu’ils étaient de 11,2 jours en moyenne en 2022, ils sont passés à 12,9 jours au premier semestre 2024. Les PME françaises en sont les premières victimes. Les montants de ces retards de paiement représenteraient pour les PME et ETI, 15 milliards d’euros de manque dans leur trésorerie pour 2023 d’après les données de la Banque de France.

Les grands groupes pointés du doigt

Dans ce contexte, les grands groupes sont les plus mauvais payeurs. Les TPE règlent dans les temps dans 62 % des cas, contre 33 % pour les PME, 24 % pour les ETI et 32 % pour les grandes entreprises. Pourtant ces dernières sont payées à temps dans 60 % des cas. Si les grandes entreprises ont un peu amélioré leurs délais de paiement à leur fournisseurs en 2023, en réglant leurs factures plus de 2 jours plus tôt qu’en 2022, d’après les chiffres présentés par la Banque de France, elles sont les premières bénéficiaires des retard de paiement. Le scénario présenté par l’institution en cas d’absence de retard de paiement est assez parlant. Les grandes entreprises verraient leur trésorerie se dégrader de 15 milliards d’euros, alors que celle des PME et ETI s’amélioreraient respectivement de 11 et 4 milliards d’euros.

"les comportements de paiement se dégradent plus vite dans l’Hexagone qu’en Europe"

Des comportements de paiement qui se dégradent plus vite en France

Une étude Altares, présentée également à l’occasion de l’évènement, souligne des disparités entre les pays européens. Si la France se situe en dessous de la moyenne européenne de 13,5 jours, les comportements de paiement se dégradent plus vite dans l’Hexagone qu’en Europe. À la fin du premier semestre 2024, les retards s’allongent de 0,6 jour pour la France contre 0,2 à l’échelle européenne. Parmi les pays limitrophes, le Portugal fait figure de mauvais élève avec des délais de paiement de 24,3 jours en moyenne. Une période comparable aux autres pays méridionaux, l’Italie et l’Espagne ayant aussi vu leurs conditions de paiement se dégrader avec respectivement 17,1 et 15,3 jours en moyenne. L’Europe du Nord abrite les bons élèves. Les Pays-Bas sont en tête avec 3,3 jours de retard (plus de 80% des entreprises néerlandaises payent leurs fournisseurs dans les temps). L’Allemagne, quant à elle, occupe la seconde place avec un retard moyen de 6,6 jours.

" la crise de l’immobilier a entraîné une envolée des défaillances mais aussi des retards de paiement."

Amélioration du secteur public et dégringolade des retards dans l’immobilier

Sans surprise, les retards de paiement sont plus importants dans le secteur public que dans le privé, avec respectivement 13,3 jours et 12,5 jours, même si le rapport montre une tendance à s’améliorer dans le public par rapport au deuxième semestre 2023.

Au sein du secteur privé, la crise de l’immobilier a entraîné une envolée des défaillances mais aussi des retards de paiement. En conséquence, l’immobilier affiche les retards les plus longs avec 24,2 jours en moyenne, suivi de la communication et des services à la personne qui dépassent eux aussi les 20 jours de retard. À l’inverse, dans l’industrie, les délais de paiement sont les plus courts, en moyenne, de 8 à 9 jours.  

Pour Virginie Beaumeunier, présidente de l’Observatoire des délais de paiement : "Il faut distinguer le long terme et la période conjoncturelle. Les délais s’étaient améliorés depuis le covid, mais ils sont inquiétants depuis 2023, et la situation se poursuit en 2024. Si elle n’est pas dramatique, elle n’en est pas moins anormale ".

 

Céline Toni