Depuis le 9 juin au soir, le paysage politique français est bouleversé. L’occasion de se pencher sur les potentielles conséquences macroéconomiques de ce tremblement de terre. De l’attractivité financière de l’Hexagone à la dette en passant par les politiques économiques envisagées, tour d’horizon d’un événement aux retombées encore incertaines. 

À quoi ressemblera "le jour d’après" ? Dans le film catastrophe américain du même nom sorti en 2004, la situation des États-Unis finit par s’améliorer après une ère glaciaire inattendue qui frappe subitement la planète entière. Pour l’économie française, le jour d’après pourrait bien annoncer les prémices d’un morne hiver.

Les marchés financiers n’aiment pas l’incertitude et leur réaction ne s’est pas faite attendre. Au lendemain de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le lundi 10 juin, le cours du CAC 40 ouvrait en baisse d’environ 2,5%, depuis il continue sa chute pour atteindre 7500 points plus d’une semaine plus tard. Une dégringolade de 7% par rapport au vendredi précédent le "chamboultout" d’Emmanuel Macron, mais aussi la plus importante baisse depuis 2 ans pour l’indice boursier tricolore. Significatif mais pas dramatique. Comme l’ensemble de la population française, les acteurs économiques sont dans le brouillard et attendent des signaux tangibles qui se feront au moins attendre jusqu’au 7 juillet au soir avec le résultat du deuxième tour des élections législatives. Dans l’expectative, quelles perspectives est-il aujourd’hui possible d’envisager pour l’économie hexagonale ?

Le mirage de la politique de relance

Si l’on se fie aux résultats des scrutins précédents et des alliances actuelles, il est difficile de prédire le bord politique du prochain gouvernement. Pour Mabrouk Chetouane, directeur des stratégies de marché chez Natixis IM "Nous disposons de peu de données aujourd’hui pour éclairer notre lanterne. Mais on peut se fier au programme des dernières élections présidentielles." Si on s’attarde sur celui du Rassemblement national, aujourd’hui favori dans les sondages, les tendances sont claires pour l’analyste : "Le parti souhaite principalement réaliser une politique de soutien à la demande qui aurait pour conséquence mécanique d’augmenter le déficit engendrant par la même occasion un regain de tensions inflationnistes dans le pays. La diminution des prix de l’énergie est aussi un objectif mais prendrait du temps car il impliquerait de sortir des accords au niveau européen." Une nouvelle hausse du déficit français pourrait avoir des conséquences sur la notation de la dette souveraine, déjà rétrogradée il y a peu par l’agence S&P, mais aussi sur les marchés obligataires où l’écart de taux avec l’Allemagne a augmenté de 22 points depuis l’annonce de la dissolution.

"Une politique de la relance qui vise à dynamiser uniquement la consommation agit comme une piqure de dopamine. Elle augmente la croissance à court terme puis retombe comme un soufflé si elle n’est pas suivie de mesures structurelles."  selon Mabrouk Chetouane

Deux paradoxes majeurs émergent de ce choix potentiel de politique économique. Tout d’abord, l’objectif poursuivi par une politique de la demande financée par une hausse du déficit serait d’augmenter le pouvoir d’achat des Français, mais pour Mabrouk Chetouane : "La nouvelle hausse de l’inflation entraînée par ce mécanisme ne ferait à terme que diminuer le revenu disponible de la population." L’économiste ajoute qu’"une politique de la relance qui vise à dynamiser uniquement la consommation agit comme une piqure de dopamine. Elle augmente la croissance à court terme puis retombe comme un soufflé si elle n’est pas suivie de mesures structurelles."

En outre, comme le montre l’étude de l’Ifop sur le modèle étato-consumériste français, toutes les crises qui ont affecté l’Hexagone, des chocs pétroliers de 1973 au Covid-19, ont été suivies par une importante augmentation des dépenses publiques afin de soutenir la consommation des ménages. Ces hausses ont engendré un endettement structurel de l’économie plutôt qu’une amélioration de l’appareil productif, dans une logique de politique électorale plus que de volonté de soutien économique. Persister dans ce cycle de hausses des dépenses financées par la dette ne serait donc pas une solution, et pourrait avoir de graves conséquences si le taux de chômage quittait son plateau de stagnation et reprenait sa marche avant.

Un parallèle pourrait éventuellement être fait avec Liz Truss, ancienne première ministre britannique, [...] qui n’était restée que 49 jours en fonction après l’annonce d’un programme économique catastrophique

Le totem macroniste de la compétitivité financière en péril ?

Grande satisfaction d’Emmanuel Macron depuis les prémices de son premier mandat, l’attractivité financière et économique de la France pourrait bien être affectée par une potentielle cohabitation avec le Rassemblement National. Le sommet Choose France, initié par le président dès son arrivée au pouvoir, voit se succéder les chefs de grandes entreprises internationales, et bat chaque année son précédent record d’investissement. L’Hexagone se positionne aussi depuis cinq ans comme le premier récepteur d’investissement direct étranger (IDE), notamment issu des États-Unis. L’arrivée d’un parti d’extrême au pouvoir pourrait nuire à l’arrivée de nouveaux investisseurs étrangers sur le territoire, ou bien amener certaines pépites innovantes à ne pas rester et donc perturber la croissance générée par ces investissements.

Un parallèle pourrait éventuellement être fait avec Liz Truss, ancienne première ministre britannique, arrivée en septembre 2022 et qui n’était restée que 49 jours en fonction après l’annonce d’un programme économique catastrophique. Ce dernier tablait sur des baisses massives d’impôts pour relancer la croissance par la consommation et l’investissement. Après une réaction en chaîne des marchés, une chute abyssale de la livre et une explosion des taux d’emprunt de la Banque d’Angleterre, la successeuse de Boris Johnson n’avait pas eu d’autre choix que de démissionner. Prémonitoire ? Rien n’est moins sûr. Le résultat de ces élections anticipées sera probablement une sanction contre la politique menée par le parti d’Emmanuel Macron depuis sept ans. Reste à voir en faveur de quels programmes économiques pencheront les électeurs.

Tom Laufenburger