Féru de métal, amateur de voyages et friand d’innovation, Benjamin Gras est le fondateur du cabinet lillois Inside. Celui qui ne se prédestinait pas au droit s’adonne au droit du numérique, qu’il envisage comme un "droit des contrats parsemé d’informatique". Portrait d’un avocat qui recherche les défis… Et qui les relève.
Benjamin Gras, de tous les défis
Avocat, chef d’entreprise, enseignant, père et époux… Benjamin Gras cumule plusieurs casquettes. Sa devise : “La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain !” Il faut dire que le fondateur d’Inside est un “éternel optimiste”. Innovant, attaché à son équipe et discret, il porte avec fierté et humilité un sweat aux couleurs de son cabinet.
“Têtu, obstiné et un poil Saint-Bernard”, Benjamin Gras s’imaginait chef de projets. Passionné par l’informatique, il avoue avoir “toujours eu un côté geek”. Fils d’une mère commerçante et d’un père commercial, il baigne également dans l’art de la négociation depuis l’enfance. À 11 ans, il “monte” son premier ordinateur et “dépanne son entourage pour ses problèmes informatiques”. Cinq ans plus tard, c’est l’heure du choix. Il s’en souvient encore, “c’était la dernière année où l'on s’inscrivait à la fac par Minitel et je ne savais pas du tout ce que je voulais faire”. C’est en feuilletant un fascicule d’orientation, qu’il tombe par hasard sur la faculté de droit de Paris 2 Panthéon-Assas. Loin de se douter qu’il se destinait à une carrière prometteuse au cours de laquelle il renouerait avec sa passion pour l’informatique et la technologie, par le biais du droit du numérique.
Nez à nez avec un kangourou
En 2007, après une licence en droit, une maîtrise en droit des affaires et un stage chez Thierry Lefèbvre & Associés en droit fiscal, il entame sa dernière année d'études. Il fait le choix “inconscient et audacieux” de suivre deux masters 2 à la fois. Un master 2 professionnel en droit du multimédia et de l’informatique à Paris 2 Panthéon-Assas et un master 2 recherche droit fiscal à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Puis, il s’envole un an en Australie pour “se confronter à lui-même”. Il y vivra – accompagné de celle qui deviendra son épouse et son roc – “la plus belle année de sa vie”. Si vous êtes chanceux, Benjamin Gras vous parlera peut-être du jour où il s’est retrouvé nez à nez avec un kangourou, de ses voyages itinérants intenses, ou de son escale dans l’archipel du Pacifique Sud, où le sport de son enfance, le rugby, règne en maître.
En 2009, il revient en France. Et là “c’est le choc !” : les avènements de l’iPhone, de YouTube, et de Facebook notamment ont radicalement transformé la société. Les écrans sont partout. C’est aussi cette année-là qu’il intègre Deprez Guignot Associés (DDG) et qu’il met au défi de l'embaucher s'il réussit le CRFPA. Il y fera sa première collaboration qui durera trois ans. Âgé de 25 ans, il se voit confier le projet de refonte de la gestion électronique des documents du cabinet par celui “sans lequel [il] ne serait jamais devenu” l'homme qu'il est : Pierre Deprez, décédé le 28 janvier 2024. “Dur, mais juste”, Benjamin Gras se souvient surtout d'un homme “visionnaire et charismatique”. Son seul regret : ne pas avoir pris le temps de lui dire merci de vive voix.
"Passer du monde de l’avocat à l’entreprise c’est le grand écart mais arriver directement dans le retail c’est le Far West"
En 2013, l’avocat se lance un nouveau défi : lâcher la robe pour l’entreprise. Et le voilà juriste IT-contrats chez les Mousquetaires, le groupe de l’enseigne Intermarché. Il arrive avec une vision plutôt “naïve et utopiste”. “Passer du monde de l’avocat à l’entreprise c’est le grand écart, mais arriver directement dans le retail c’est le Far West”, affirme-t-il. Le juriste se transforme ensuite en consultant achat le temps d’une année chez Innoha où il rencontre Thomas de Bony, son “mentor entrepreneurial”. Et où il apprend à “mettre les mains dans le cambouis” aux côtés des opérationnels. Son retour au retail en 2015, en qualité de juriste IT chez Auchan, coïncide avec la naissance de son premier enfant. Pour celui qui n’en voulait pas, c’est finalement “beaucoup de bonheur”. Benjamin Gras aurait aimé savoir plus tôt “la chance que c’est d’être père”.
L’aventure Inside
Trois ans plus tard, il passe un cap, encouragé par Thomas de Bony, et se lance un énième défi. Celui de fonder son cabinet d’avocats. Son épouse lui a soufflé le nom Inside, qui va si bien avec sa volonté d’accompagner ses clients de l’intérieur. Il a peur et ne sait pas à quoi s’attendre, mais s’accroche à sa philosophie : “Arrêtez de vous demander si ça va se faire, demandez-vous quand ça va se faire.”
Sa boutique branchée numérique et data fonctionne comme une start-up. Benjamin Gras assume pleinement : “Aujourd’hui, je suis chef d’entreprise et pas avocat, je fais l’associé gestionnaire.” Le succès est de taille : 28 collaborateurs à l’horizon 2023, un chiffre d’affaires multiplié par cinq sur les trois dernières années, une soixantaine de clients parmi lesquels le groupe de luxe Kering. Une ascension particulièrement rapide et “surprenante” pour celui qui “aime être dans sa bulle pour se ressourcer” et s’imaginait “travailler seul”. Pas de recette miracle, “ce succès c’est le nôtre”, dit-il. Le père de famille capitalise sur le sentiment d’appartenance de son équipe et la proximité avec ses clients. Discret, l’avocat a fait de l’humilité sa marque de fabrique. “Pour vivre heureux, vivons cachés !” Celui qui prend le parti de faire passer le collectif avant l’individuel a une soif de connaissance et d’odyssées rocambolesques. “Chez Inside, on rejoint une aventure où l'ennui n'a pas sa place, et l'incertitude de demain stimule notre quotidien.” Il se délecte aussi des moments de victoire comme ce soir où Inside a remporté le trophée de la firme entrepreneuriale de moins de cinq ans. Son équipe l’a reçu avec une haie d’honneur. “J’étais totalement pris au dépourvu”, se souvient-il.
Croire en soi
Au jeune étudiant qu’il était, il dirait de ne pas vivre dans les yeux des autres. Celui qui avance à coups de défis, de préférence sur les notes du Black Album de Metallica, préconise de toujours croire en soi : “Si l’on a une idée en tête, il faut tout faire pour la réaliser.” Et des idées, il n’en manque pas. La quarantaine même pas entamée, Benjamin Gras ne compte pas s’arrêter de sitôt.
Nora Benhamla