Venue d’une autre époque, celle de l’URSS, Xenia Legendre s’est bâti une solide carrière en France et à l’international. Managing partner chez Hogan Lovells, la fiscaliste a suivi sa propre voie, loin de la Russie et de ses parents mathématiciens. Quoique...
Xenia Legendre, l’audace comme paroisse
Xenia Legendre a grandi au pays de l’ours, au temps des pionniers et des jeunesses communistes. Elle fait connaissance avec le droit pendant ses études à l’Institut d'État des relations internationales de Moscou. Puis elle rencontre son futur mari à l’occasion d’un stage à l’ambassade de l’URSS en France. Les dés sont jetés, elle s’installe à Paris et poursuit l’apprentissage du droit à la Sorbonne. Une fille de mathématicien qui choisit la matière juridique ne peut se limiter à un DEA de droit des affaires – même celui du professeur Gavalda, "grand russophile". Alors Xenia Legendre suit un DESS de fiscalité en parallèle parce qu’elle "aime les chiffres et la technique". Difficile de s’adapter au droit français quand on vient d’un pays communiste ? Pas du tout, "là-bas, on étudiait le droit des pays bourgeois. On apprenait le droit romain comme un droit vivant, pas comme de l’Histoire comme on le fait en France." Et puis "un juriste apprend facilement". Cela est d’autant plus vrai pour une juriste qui est sortie de sa zone de confort et même d’un système de pensée pour venir construire sa vie à l’Ouest.
Celle qui chante
Puis Xenia Legendre arrive chez Skadden, qui se lance à peine, "sans vraiment connaître le milieu des avocats". Stagiaire puis collaboratrice, elle y fait ses armes en fiscalité et M&A. Si l’avocate apprécie la "psychologie de la négociation" en fusions-acquisitions, c’est surtout le droit fiscal qui la "satisfait sur le plan intellectuel". Un critère important pour celle qui disait alors âgée de 2 ans qu’elle voulait, quand elle serait grande, faire de "l’analyse fonctionnelle". "Quelque chose que j’ai dû entendre à la maison, avec un père, une mère et leurs amis mathématiciens qui parlaient mathématiques toute la journée." Et elle ajoute : "Vous chercherez ce que c’est." À deux ans donc, Xenia Legendre veut consacrer sa vie d’adulte à l’étude des espaces constitués de fonctions. Quand on sait que les fonctions permettent de résoudre des problèmes d’optimisation, on s’étonnera moins de l’appétence de Xenia Legendre pour le droit fiscal.
"On ne réussit pas sans investissement personnel, on ne peut pas exercer le métier d’avocat comme un job alimentaire"
Au-delà d’être un peu matheuse, Xenia Legendre est une "fonceuse" qui "veille à ses propres intérêts", qu’elle conseille de ne pas hésiter à défendre. "Une femme doit aller plus vite, plus tôt et plus fort." Au bout d’un an de métier, on lui confie à elle seule la négociation d’une acquisition. La jeune avocate est impressionnée mais n’a pas peur. Elle se remémore la fois où elle a dû engager des tractations avec un cabinet américain agressif. Elle a emporté le morceau, non pas grâce au prix de son client, inférieur, mais grâce à "son style de négociation". Pour parvenir à cela, Xenia Legendre recommande de la maîtrise et du travail car "on ne réussit pas sans investissement personnel, on ne peut pas exercer le métier d’avocat comme un job alimentaire". La fiscaliste ne s’essaie jamais à l’improvisation, elle "n’aime pas parler d’un sujet qu’elle ne connaît pas". Il y a encore autre chose : le chant. Xenia Legendre fait partie de la chorale d’une église orthodoxe où elle chante tous les samedis et dimanches matin. "Cela rend humble et apprend à relativiser." Et puis Sherlock Holmes. L’avocate se souvient avec amusement du roman qu’elle lisait chez sa grand-mère lorsque les déjeuners s’éternisaient au moment du café.
Rempart
Mère de famille et maintenant grand-mère, Xenia Legendre a également mobilisé son énergie au service d’une "organisation complexe". Celle d’une avocate qui n’a pas attendu le dong de "l’horloge biologique" pour réaliser son projet familial. "Il faut mener le tout de front pour éviter le dilemme entre carrière et vie personnelle." Un conseil qu’elle adresse aux jeunes filles et qu’elle a elle-même suivi. Pour ce qui est du passé, Xenia Legendre n’a pas de regret, puisqu’on ne peut réécrire l’histoire. Toutefois, quand on lui demande ce qu’elle aurait pu faire si elle n’était pas restée en France, elle imagine qu’elle aurait peut-être fait du business en Russie. Une autre manière de négocier. Pour l’avenir, l’avocate croit en la jeunesse : elle "adore échanger avec les jeunes" qui sont "facteurs de progression". Elle se repose d’ailleurs davantage sur son équipe dans sa pratique du droit. Elle "supervise" tout en servant de "rempart" pour son entourage professionnel. Aussi sereine que tenace, elle absorbe le stress de ses collaborateurs, et le dissipe. Au travers d’une vocalise peut-être, ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs ?
Anne-Laure Blouin