Le groupe La Poste a annoncé le 11 mars 2024 faire appel de la décision du tribunal judiciaire de Paris qui l’avait condamné à se conformer aux obligations de la loi sur le devoir de vigilance.
Devoir de vigilance : La Poste fait appel de sa condamnation
C’était la première condamnation prononcée sur le fondement du devoir de vigilance. En décembre dernier, le tribunal judiciaire de Paris avait sommé la Poste de revoir son plan de vigilance et sa cartographie des risques. Le 11 mars, l’entreprise fait appel du jugement.
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Selon le syndicat Sud-PTT, les représentants de la direction du groupe La Poste ont indiqué à la réunion annuelle du 6 février dernier sur le devoir de vigilance que la décision de décembre était trop récente et qu’ils n’avaient pas eu les moyens de suivre les préconisations du tribunal. Pour lui, “la direction confond la ’concertation‘ avec la ’présentation de la concertation‘ avec les organisations syndicales”. Au lendemain du jugement, la Poste avait pourtant assuré que le juge avait rendu une “décision équilibrée” et qu’elle n’avait pas attendu le verdict pour renforcer son plan de vigilance. Elle aurait enrichi dès décembre son dispositif de maîtrise des risques et renouvelé les engagements des instances dirigeantes en matière de conformité. Dans son communiqué, La Poste avait également fait part de “son entière adhésion aux valeurs prônées par la loi, et [de] son engagement à continuer à déployer ses meilleurs efforts pour prévenir les atteintes graves aux droits humains, libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi qu’à l’environnement, y compris dans le cadre de ses activités sous-traitées”.
À l’inverse, dans son communiqué du 11 mars, l’entreprise publique estime que l’appel s’impose pour “clarifier certains points d’interprétation et d’application de la loi sur le devoir de vigilance, en l'absence de décret précisant les modalités d'application de cette loi”. La création de la nouvelle chambre de la cour d’appel spécialisée consacrée au devoir de vigilance tombe à pic. Pour la Poste, son interprétation de la loi devient nécessaire “particulièrement dans l’hypothèse où la directive européenne sur le devoir de vigilance ne serait in fine pas adoptée (ce processus d’adoption semblant actuellement bloqué).”
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En face, le syndicat espère le maintien de la condamnation du groupe dirigé par Philippe Wahl. “La balle est à nouveau dans le camp de la justice et nous attendons de la cour d’appel qu’elle continue dans cette voie pédagogique.” Puisqu’“finalement, directive européenne ou pas, la loi sur le devoir de vigilance de 2017 doit s’appliquer intégralement en France”. Du point de vue des défenseurs du devoir de vigilance, cet appel correspond à une “instrumentalisation” du groupe public La Poste pour agir contre les intérêts de la société civile.
Sud PTT met l’accent sur le climat contestataire qui entoure le devoir de vigilance. “Cet appel du plus important employeur public après l’État intervient dans un contexte particulier, avec une réelle crainte du monde de l’entreprise autour de la loi sur le devoir de vigilance et sa déclinaison en directive européenne.” Pour elle, comme pour d’autres ONG, le gouvernement français, tutelle de La Poste, tente de “torpiller” la directive ces derniers mois, avec récemment la demande d’exclure plus de 85% des entreprises de son champ d’application.
Anne-Laure Blouin
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