Trouver un slogan qui fasse mouche est un enjeu majeur pour les entreprises. Or c’est justement parce qu’un slogan vise un meilleur positionnement des produits ou des services, voire de l’entreprise elle-même, que la question de sa protection se pose nécessairement.

Trouver un slogan qui fasse mouche est un enjeu majeur pour les entreprises. Or c’est justement parce qu’un slogan vise un meilleur positionnement des produits ou des services, voire de l’entreprise elle-même, que la question de sa protection se pose nécessairement. Loin des idées reçues, la marque constitue à cette fin un allié incontournable.



Parce que vous le valez bien », « Just do it », « Le contrat de confiance » … Qui n’a jamais été interpellé par ces accroches ? Elles sont parfois plus connues que les marques elles-mêmes. Mais n’est-ce pas justement l’objet des slogans ? Ils sont après tout l’outil marketing et de communication par excellence destiné à inciter les consommateurs à se diriger vers tel ou tel produit ou service plutôt que vers tel autre.

Juridiquement, les slogans forment cependant une catégorie à part et font l’objet de nombreuses interrogations. Le droit d’auteur leur est souvent associé mais le droit des marques reste un axe de protection emblématique.

Un mariage par intérêt 

Les slogans impliquent des efforts et des investissements d’un point de vue créatif, financier et commercial. Ils se situent ainsi parmi les actifs immatériels de l’entreprise pouvant financièrement être fortement valorisés et doivent donc juridiquement faire l’objet d’une protection adéquate. La marque constitue la protection offrant le plus d’avantages par comparaison avec le droit d’auteur, voire la concurrence déloyale qui n’intervient qu’à titre défensif.   

La marque naît en effet de l’accomplissement d’une formalité administrative (le dépôt) et se matérialise par la délivrance d’un certificat d’enregistrement. Au contraire, le droit d’auteur naît d’une présomption sur une création et aucun titre n’est émis en France. Même si commercialement la viabilité d’un slogan reste réduite dans le temps, la marque est indéfiniment renouvelable par période de dix ans au contraire du droit d’auteur dont la durée est limitée. 

En termes de procédure, seul un droit de marque (et non un droit d’auteur) permet d’engager une procédure administrative dite « d’opposition », qui a lieu devant l’Office des marques (et non pas devant les tribunaux) et qui existe en France et dans la plupart des pays. Cette procédure est rapide et permet d’empêcher l’enregistrement de la marque d’un tiers si elle est identique ou similaire à un slogan déjà déposé comme marque.

L’INPI a ainsi statué en moins de six mois sur la similarité des marques « Bien dans ma vie » et « Bien dans ma mode »(1) et refusé l’enregistrement de cette dernière. Ces slogans présentaient pour l’INPI une structure et une évocation communes dont il se dégageait une même impression d’ensemble, la marque seconde pouvant apparaître comme une déclinaison de la marque antérieure dans le domaine de la mode.

L’opposition suppose bien entendu au préalable de pouvoir repérer et d’être alerté des dépôts de tiers au moyen d’une surveillance adaptée et de sélectionner les slogans déposés comme marque pouvant présenter le plus de points de contact avec sa propre marque.


Un mariage heureux ?

Les slogans ne figurent pas expressément parmi les signes pouvant constituer une marque. Le Code de la propriété intellectuelle prévoit les « assemblages de mots » et le Règlement sur la marque communautaire fait état des « mots », ce qui en pratique recouvre indirectement les slogans. Une différence d’approche existe entre la position française et celle de l’Office des marques communautaires (OHMI) sur le caractère distinctif des slogans déposés comme marque. Cette situation conduit à réfléchir à la protection des slogans comme marque à la fois sous un angle géographique et juridique.
 
L’INPI et nos tribunaux adoptent en effet une approche souple sur l’enregistrement des slogans à titre de marque. Ont ainsi été acceptés comme marques des slogans tels que « Le monde sans fil est à vous »(2) pour des services de téléphonie, « Quoi de plus naturel ? »(3) pour des produits laitiers, ou encore « Vous avez le droit »(4) pour des magazines.

L’OHMI est beaucoup plus strict pour accorder l’enregistrement de slogans comme marque communautaire et a ainsi refusé « Night of champions »(5) pour des services de divertissements, « Play for your country »(6) pour l’organisation de tournois de golf, « Everywhere on earth »(7) pour des services de transport, « Leave an impression »(8) pour des services de bars, de divertissement et de publicité ou encore « Passion for wood »(9) pour des matériaux de construction.

Pour l’OHMI, le public percevrait de tels slogans comme des messages à caractère laudatif dont le but est uniquement de souligner les aspects positifs des produits ou des services concernés, mais non de constituer des signes permettant au consommateur d’attribuer à telle ou telle entreprise l’origine de ces produits ou services. Bien entendu, des aménagements réfléchis en amont comme l’intégration d’une marque ombrelle ou le positionnement du slogan comme baseline au sein d’un ensemble plus complexe peuvent permettre d’aboutir à l’enregistrement. 


Un mariage vers le renouveau

Bien que la position communautaire ne soit pas totalement fermée et que quelques slogans soient enregistrés comme marques, la CJCE a amorcé le 21 janvier 2010 un nouveau virage en adoptant une approche plus souple. La marque Communautaire « Vorsprung durch Technik » (« innover avec la technique ») déposée par Audi AG en 2003 avait en effet été refusée à l’enregistrement pour manque de caractère distinctif.

La Cour de justice décida toutefois d’annuler la décision du Tribunal de première instance des Communautés en indiquant qu’il n’était pas requis qu’un slogan soit fantaisiste, surprenant ou inattendu pour pouvoir être enregistré comme marque et que l’adoption d’une formule promotionnelle n’excluait pas nécessairement la distinctivité requise dès lors que le public percevait ce slogan comme une indication de l’origine commerciale des produits et services en cause. 


Conclusion

Les slogans et les marques entretiennent des relations parfois tumultueuses, présentant de nombreux avantages et soumises à une adaptabilité de la pratique communautaire. Un socle demeure toutefois : les slogans créés par des agences ou des créatifs externes imposent de s’assurer du transfert des droits par des contrats de cession appropriés afin d’éviter qu’à défaut le dépôt de marque soit ultérieurement remis en cause. Les passerelles entre slogans, droit d’auteur et marques ne sont ainsi pas à oublier. La validation juridique des slogans impose à ce titre à la fois d’examiner les marques antérieures et les slogans pouvant relever d’un strict droit d’auteur en effectuant une pige médias.


1 INPI, 5 mars 2009, opposition 08-3326
2 TGI de Paris, 25 juin 1999.
3 CA Paris, 18 mai 2005
4 CA Paris, 25 février 2004
5 OHMI, 15 juillet 2009
6 OHMI, 13 juillet 2009
7 OHMI, 19 mars 2009
8 OHMI, 20 février 2009
9 OHMI, 19 février 2009

 

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