Engagé en faveur d’une alimentation plus saine et plus durable pour tous, Bel est un acteur majeur de l’industrie agroalimentaire. Albano Pereira, directeur santé et sécurité du groupe, revient sur les défis rencontrés, et les engagements pris au plus haut niveau de la direction pour assurer le bien-être des équipes.

 

Décideurs RH. Quels sont les principaux risques professionnels rencontrés au sein du Groupe Bel ?  

Albano Pereira. Le Groupe Bel assure, au sein de ses 32 usines et centres de distribution implantés partout dans le monde, la fabrication, le conditionnement et la commercialisation de fromages. Une politique ambitieuse de prévention des risques a été mise en place pour protéger et assurer le bien-être de l’ensemble de nos collaborateurs. Les équipes qui travaillent sur les lignes de production sont majoritairement confrontées à des risques de coupure et de contusions lors de la manipulation des produits, leur emballage et la palettisation : plus de 50 % des incidents blessent les mains des employés. Viennent ensuite les chutes de plain-pied et les brûlures chimiques conséquentes à la manipulation de produits de nettoyage.

La politique de prévention du groupe porte néanmoins ses fruits. Depuis mon arrivée en 2013, le taux de fréquence des accidents a été réduit chaque année de 10 % à 15 %. Aujourd’hui, il est très faible : le taux de fréquence des accidents avec arrêt est à 2,1. Ces résultats sont très encourageants. Nous maintenons un haut niveau d’engagement en faveur de la prévention des risques, et nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons pas atteint le zéro accident et zéro maladie professionnelle.

Vous avez lancé, en 2023, une nouvelle étude d’identification des risques professionnels. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous évaluons fréquemment les risques auxquels sont exposés les collaborateurs à leurs postes de travail, et ce, en collaboration avec les infirmiers et le réseau sécurité présents sur nos sites ainsi qu’avec les médecins du travail.

"Tous nos postes de travail doivent obtenir un code couleur vert d’ici à 2030"

En 2023, une nouvelle étude d’évaluation des risques ergonomiques et des conditions de travail a été lancée sur tous les sites de Bel en France et à l’international. Pour cela, nous avons réalisé de nombreuses évaluations de risques ergonomiques – postures, charges, organisation –, mesures de bruit, de luminosité, température et vibrations. Cette démarche, portée par le comex de Bel, est unique dans le secteur industriel, car nombreuses sont les entreprises qui craignent de s’exposer sur le sujet des conditions de travail, en dialoguant avec les partenaires sociaux.

Grâce à cet audit, des objectifs de réduction des risques et d’amélioration des conditions de travail répondant à des critères précis ont été fixés : limites de ports de charges, postures et mouvements autorisés, niveaux de luminosité recommandés et accès à la lumière naturelle, ventilation et aération des espaces en lien avec des températures limites fixées, etc. En parallèle, chaque poste de travail s’est vu attribuer un code couleur en fonction du niveau de risque observé au moment de l’évaluation : rouge, orange, jaune ou vert. Tous nos postes de travail doivent obtenir un code couleur vert d’ici à 2030. Pour ce faire, nous nous reposons sur des indicateurs d’amélioration propres à chaque site et chaque unité de travail.

Quelles mesures avez-vous prises pour lutter contre le froid et la chaleur dans les usines ?

Nous réaménageons progressivement les postes de travail, renouvelons les salles de pauses, installons des espaces pour les temps de repos. Nous nous sommes également assurés que chacun et chacune ait accès à de l’eau fraîche à moins de 100 mètres de son poste. Ce n’était pas le cas avant : quelques points d’eau étaient situés hors des zones de travail, ce qui contraignait les personnes à en sortir, à enlever leurs tenues de travail, etc.

Nous déployons actuellement un plan d’action pour lutter contre les fortes chaleurs dans les usines. Nous cherchons à éliminer la chaleur à la source en isolant les équipements et tuyaux utilisés notamment lors de la pasteurisation. Nous travaillons également à l’amélioration de la ventilation, ce qui n’est pas aisé dans un environnement sanitairement contrôlé, où seul un air purifié doit circuler. 

C’est une première étape. Nous poursuivons nos efforts pour améliorer les conditions de travail et assurer le bien-être de nos équipes. Il s’agit d’un impératif si nous voulons continuer à attirer et à fidéliser la jeune génération.

"L’objectif est de réaliser 4-5 visites comportementales de sécurité par personne dans l’année pour tous les collaborateurs de Bel"

Qu’est-ce qui vous a conduit à nouer un partenariat avec la start-up américaine Halo ?

Halo a créé un capteur capable de mesurer quatorze variables dans une usine pour détecter le bruit, la température, la qualité de l’air, l’humidité, la luminosité, etc. Nous menons actuellement une opération pilote dans nos usines aux États-Unis afin de capter ces différentes données et d’observer leur évolution, en temps réel, 24 heures sur 24. Ce recueil de données permet d’objectiver les conditions de travail. C’est la première fois que le capteur Halo sera testé dans un environnement industriel. Si les résultats sont concluants, nous le déploierons graduellement dans nos sites.

Vous avez aussi tenu à impliquer directement les salariés dans la politique de prévention des risques. Comment avez-vous procédé ?

Nous évoluons dans un environnement industriel qui comporte toujours des risques malgré toutes les mesures de prévention prises par le Groupe Bel. Nous organisons régulièrement des campagnes de sensibilisation, ainsi que des ateliers lors de notre semaine annuelle de sécurité, afin de partager les bonnes pratiques et éviter des situations à risque.

"Depuis 2014, la rémunération variable des salariés éligibles à un bonus est indexée à 10 % sur des critères de santé et de sécuritéʺ

Nous avons également lancé en 2013 un programme de visites comportementales de sécurité sur l’ensemble de nos sites. Celles-ci ont d’abord été réalisées auprès du comex et du top management du Groupe Bel, puis auprès de l’ensemble des équipes, dans les bureaux et dans les usines. Durant ces évaluations, deux personnes viennent observer un collaborateur sur son poste de travail. Ensuite, un échange est prévu afin de lui donner des conseils en vue de corriger d’éventuels comportements et postures de travail propices aux accidents et/ou aux troubles musculosquelettiques. L’objectif est de réaliser 4-5 visites comportementales de sécurité par personne dans l’année pour tous les collaborateurs de Bel, soit près de 12 000 personnes. En parallèle, nous veillons à améliorer l’ergonomie des postes de travail, en collaboration avec des spécialistes qui évaluent régulièrement les dispositifs en place.  

Afin de pousser les salariés à être véritablement parties prenantes de notre politique de prévention, nous avons mis en place un système d’incitations : la rémunération variable des manageurs est indexée à 10 % sur des critères de santé et de sécurité, parmi lesquels se trouvent, entre autres, le taux de fréquence des accidents et la réalisation des visites comportementales de sécurité.

À lire : Absentéisme en baisse, quelle réalité au-delà des chiffres ?

Qu’en est-il de votre engagement en faveur de la santé mentale ?

Faire de nos équipes des acteurs de leur santé vaut également en ce qui concerne le bien-être mental. Nous avons lancé il y a plus de deux ans des campagnes de communication pour sensibiliser nos collaborateurs sur les sujets de bien-être physique et mental, avec un accent fort sur l’importance de chacun de s’exprimer sans peur d’être jugé. Les campagnes " It’s okay not to be okay" sont destinées à encourager les personnes à parler si elles éprouvent des difficultés sur le plan psychologique. Nous avons également ouvert des lignes de communication et de soutien destinées à ceux qui assistent ou peuvent être la cible de comportements et propos sexistes, racistes ou encore de harcèlement. Nous voulons permettre à chacun et chacune de se sentir libre de prendre la parole sans avoir peur d’éventuelles conséquences : si personne ne dit rien, il est plus difficile d’agir et de mettre en place des mesures adéquates. Graduellement la parole se libère.

Propos recueillis par Caroline de Senneville

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