Yann-Étienne Le Gall (Groupe Rocher) : « Nous étions un peu ringards. Aujourd’hui nous sommes dans l’air du temps »

Décideurs. Quelles sont les spécificités de la culture d’entreprise du groupe Rocher??

Yann-Étienne Le Gall. Nous avons les caractéristiques d’un groupe, composé de marques et d’activités diversifiées, mais nous restons une entreprise 100?% familiale qui ne peut se concevoir comme étant dirigée par quelqu’un d’autre qu’un «?Rocher?». C’est aussi un groupe non coté, et qui entend le rester. C’est une notion essentielle car cela nous permet de ne pas être prisonniers des analystes financiers, et de donner du temps au temps.

Cette notion de durabilité se ressent-elle dans la politique RH??

Oui. Nous n’avons pas une politique élitiste orientée uniquement sur les hauts potentiels ou qui survalorise les promotions en début de carrière. Les évolutions sont peut-être moins rapides chez nous que chez certains de nos concurrents mais nous les inscrivons
dans la durée.

Pouvez-vous nous parler de la marque employeur du groupe??

Nous n’avons pas de «?discours?» tout fait. Notre marque employeur est sans doute un peu singulière, très orientée sur les valeurs de développement durable. Parfois certains voudraient la rendre plus ambitieuse... Mais l’essentiel est l’adéquation entre la réalité de l’entreprise et ce qu’on projette à l’extérieur. En tout cas, si nous pouvions être vus comme un peu ringards par le passé, aujourd’hui nous sommes très désirables car le groupe est dans l’air du temps?: ancré dans le développement durable, le capitalisme familial et le territoire. Et les personnes qui nous rejoignent partagent nos valeurs. Si la nature et le développement durable ne vous intéressent pas, vous ne venez pas travailler chez Yves Rocher?!

Justement... Quelle est la place de la RSE dans votre politique RH??

La RSE est naturelle chez nous. Nous associons les salariés à tout ce que nous faisons d’important et en particulier à nos actions en faveur du développement durable. Un exemple?: les actions de «?Plantons pour la planète?!?»?: nos salariés viennent avec leurs bottes et leurs imperméables planter des arbres, aux côtés de clientes ou de journalistes. Et puis nous avons de belles pratiques, comme celle de l’Atelier des primevères. En 1994, bien avant que ce soit un sujet «?à la mode?», M. Rocher a décidé de créer un «?atelier protégé?»?; qu’on appellerait aujourd’hui une entreprise adaptée. C’est une filiale à part entière du groupe, gérée par une femme passionnée.

Comment le groupe appréhende-t-il ses liens avec sa région??

Le groupe est né dans le village de La Gacilly. Dès l’origine, en créant son entreprise, Monsieur Yves Rocher avait comme moteur le fait de créer de l’emploi local et de lutter contre l’exode rural. Il avait une conscience citoyenne forte. Il est d’ailleurs devenu maire de son village. Aujourd’hui, le groupe est le premier employeur du Morbihan. À La Gacilly, nous avons une véritable action d’animation et avons développé tout un écosystème?: un jardin, un herbier scientifique, des champs bio de 55 hectares, un éco-hôtel-spa, un festival photos devenu le deuxième festival photo «?outdoor?» de France… Petit Bateau de son côté a également un ancrage territorial fort. Elle emploie encore près de mille personnes à Troyes et a choisi de conserver l’usine qui y est installée depuis très longtemps. De nos jours, quelle marque française de vêtements peut se targuer d’avoir conservé son usine historique en France??

Propos recuillis par Marie-Hélène Brissot