Face à 30 000 personnes, samedi, le Président-candidat a défendu son quinquennat, remercié ses soutiens… et tenté de se rendre séduisant aux yeux des sociaux-démocrates. L’occasion, à quelques jours du premier tour, de revenir sur les promesses tenues et celles qui ne l’ont pas été.

"Nous l’avons fait ! C’était notre projet, et maintenant, c’est notre bilan". Emmanuel Macron était sur scène, samedi 2 avril, pour défendre son quinquennat et dessiner le prochain, s’il venait à être réélu. Il y a cinq ans, le Président-candidat avait enchaîné plus d’une dizaine de meetings. Cette année, c'est le seul de la campagne du premier tour. Mais il a marqué le coup : rendez-vous donné dans la plus grande salle couverte d’Europe, l’Arena de Nanterre, écrans géants, fumigènes, scène en forme d’Hexagone… Durant plus de deux heures – sans notes ni prompteur – et face à 30 000 spectateurs, Emmanuel Macron a dressé le bilan de son mandat. Alors, promesses tenues ?

Le candidat de 2017 avait inscrit plus de 400 engagements dans son programme. Ses priorités de l’époque ? Transformation de l’économie et rénovation de la vie politique, essentiellement. Sur le premier point, Emmanuel Macron a tenu ses promesses. Sa ligne de conduite a quand même évolué: le candidat de 2022 ne voit plus seulement une "start-up nation" française, mais veut se positionner en dirigeant d’un État producteur, à l’industrie puissante. En cinq ans, il s’est également bien engagé sur les questions de société. En matière de justice/sécurité, d’environnement et d’institutions, le bilan est bien plus contrasté. Mais force est de constater que la stratégie du "en même temps" a plutôt fonctionné : en cinq ans, Emmanuel Macron s’est offert 21% des électeurs de Benoît Hamon et 25% de ceux de François Fillon (source Ifop).

Emmanuel Macron prend ses distances avec la "start-up nation" et cherche à incarner un État industriel et protecteur

Cap tenu pour l’économie

C’est le point fort du bilan d’Emmanuel Macron. En 2017, il avait en tête d’agir en faveur des entreprises – la fameuse "start-up nation" – et sur le pouvoir d’achat des Français. Ses promesses, dans l’ensemble, ont été respectées. La baisse progressive du taux normal d’impôts sur les sociétés a été lancée dès la loi de finances pour 2018. De 33%, il est tombé à 25%, soit dans la moyenne des pays européens. Le Président voulait également supprimer le régime social des indépendants pour "libérer l’activité des petites entreprises, les initiatives, l’énergie des start-up". Promesse tenue : la disparition progressive du régime social des indépendants est entrée en application le 1er janvier 2018. L’assurance chômage a bien été ouverte aux travailleurs indépendants en novembre 2019, mais elle a été conditionnée et plafonnée à 800 euros par mois pendant six mois. Pour l’ouverture aux salariés démissionnaires, en revanche, il y a eu un problème de budget : Emmanuel Macron avait largement sous-évalué le coût d’une telle mesure – un milliard d’euros selon lui, 14 selon les estimations du ministère du Travail. La solution trouvée ? L’ouverture des droits aux personnes en CDI qui ont eu une activité professionnelle continue pendant au moins cinq ans et qui ont un projet professionnel défini (création d’entreprise, reconversion). En contrepartie, le code du travail prévoit, depuis le 1er janvier 2019, qu’un demandeur peut être radié s’il refuse deux offres raisonnables sans motif légitime.

En matière de pouvoir d’achat, sa plus forte promesse était celle de la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des foyers, soit les classes moyennes et populaires. Elle a bien eu lieu : d’abord allégée de 30% en 2018, puis de 65% en 2019, la taxe a été totalement supprimée pour ces foyers en 2020. Depuis, elle a également baissé pour les ménages les plus aisés. À noter, également: la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 a supprimé les cotisations chômage et maladie pour une grande partie des salariés du secteur privé, par le jeu d’une hausse de la CSG. L’exonération des heures supplémentaires est entrée en vigueur au 1er janvier 2019.

Le quinquennat aura connu un point noir : celui de la réforme des retraites. En 2017, Emmanuel Macron voulait un système universel "où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut". Gilets jaunes et Covid-19 obligent, le projet n’a pas tenu, malgré une présentation en Conseil des ministres en janvier 2020. Le Président-candidat de 2022 assure qu’il ira jusqu’au bout de la réforme.

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Selon l'Ifop, Emmanuel Macron a séduit  25% des électeurs de François Fillon et 21% des électeurs de Benoît Hamon.

Société, bilan satisfaisant

Comme promis, Emmanuel Macron a fait adopter la PMA pour toutes, validée par la loi de bioéthique de l’été dernier. Autre engagement concrétisé : celui d’un meilleur remboursement des dépenses de santé pour les lunettes, prothèses dentaires et auditives. Grâce à la réforme “100% santé”, une prise en charge totale est possible, sur certains modèles, et à condition de bénéficier d’une complémentaire santé responsable.

Pour les jeunes, un Pass culture de 500 euros, répartis entre le collège et l’année de la majorité, a été mis en place. En REP et REP+, les effectifs des classes de CP et CE1 ont été progressivement divisés. Emmanuel Macron entendait aussi rétablir un service militaire d’un mois pour les jeunes. Une promesse qui n’a pas été tenue : seule une expérimentation a été mise en place, d’abord sur 2000 jeunes dans quelques départements, puis sur 15000, dans toute la France, pendant dix jours.

Demi-teinte pour la sécurité et la justice

Le candidat d’il y a cinq ans promettait de créer 10000 nouveaux postes dans les services de sécurité et de porter le budget de la défense à 2% du PIB. Ces deux points ont été respectés. L’objectif des 2% a été atteint en 2021, avec 47,7 milliards d’euros alloués à la défense par la loi de programmation militaire 2019-2025. Emmanuel Macron avait également annoncé la construction de 15000 places de prison. En réalité, seules 7000 seront "livrées ou à un stade avancé de construction" d’ici à la fin de l’année, selon le ministère de la Justice. Autre ambition : celle d’une réorganisation géographique de la justice. Le tribunal judiciaire, fusion des tribunaux d’instance et tribunaux de grande instance, ont vu le jour début 2020 dans l’espoir de "renforcer l’accessibilité de la justice pour les citoyens". Selon les avocats et les magistrats, l’idée a surtout créé des déserts judiciaires. Reste qu’en un quinquennat, le Président a essayé de paraître plus régalien. Un exemple? La dissolution du Collectif contre l’islamophobie et de Baraka City, prononcée par le gouvernement à la suite de l’assassinat de Samuel Paty, et validée ensuite par le Conseil d’État.

Le président a tâché de soigner sa posture régalienne, notamment en ordonnant la dissolution du CCIF ou de Baraka City

Institutions difficiles à changer

En 2017, Emmanuel Macron avait de nombreuses idées pour les institutions et la vie publique : interdiction du cumul de plus de trois mandats dans le temps, réduction d’un tiers du nombre de députés et sénateurs, encadrement des activités de conseil, etc. Cinq ans plus tard, une loi de moralisation de la vie publique a effectivement été élaborée. Les activités de conseil des parlementaires sont encadrées, ils n’ont plus la possibilité d’embaucher un membre de leur famille et n’ont plus leur régime spécial de retraite. Pour le reste, les promesses sont restées vaines : l’interdiction du cumul des mandats n’a pas eu lieu et le nombre de parlementaires n’a pas été réduit d’un tiers. Le texte a été présenté, mais jamais discuté. Même impasse au sujet de la suppression de 120000 postes d’agents publics, évoquée il y a cinq ans. L’objectif a été plusieurs fois revu à la baisse, d’abord pendant la crise des gilets jaunes, puis pendant celle de la Covid. Finalement, il y a eu des créations de postes "parce qu’il fallait répondre aux crises", et l’emploi dans les collectivités locales a également augmenté.

Environnement… oublié ?

Ce n’était pas forcément un point fort de sa campagne de 2017 mais, très vite, Emmanuel Macron a choisi de se positionner sur l’environnement. En juin 2017, après l’annonce du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, le Président a lancé l’initiative "Make our planet great again", un appel à la mobilisation des chercheurs, entrepreneurs, associations, ONG et, plus largement, à toute la société civile. Quelques promesses de son programme d’il y a cinq ans ont été tenues. Un plan de rénovation des bâtiments publics à 4 milliards d’euros a été mis en place, les produits bios ou issus de circuits courts représentent 50 % des menus des cantines. D’autres engagements n’ont, en revanche, pas été respectés. Emmanuel Macron avait annoncé la sortie des pesticides. Elle n’a pas eu lieu : il avait annoncé une interdiction "en trois ans" du glyphosate (classé comme cancérogène probable par l’OMS), avant de se rétracter en 2019. Les néonicotinoïdes  "tueurs d’abeilles" pour la filière de la betterave ont été réintroduits deux ans après leur interdiction.

Même constat pour les énergies renouvelables. Emmanuel Macron avait promis de doubler la capacité en éolien et solaire photovoltaïque d’ici à la fin de son quinquennat. Les chiffres montrent le contraire : fin décembre 2020, d’après RTE, la capacité du parc éolien représentait 17616 mégawatts contre 11761 en 2016. Pour le solaire, c’est 10387 mégawatts en 2020 contre 6773 quatre ans auparavant. Le candidat d’alors promettait aussi la hausse de la fiscalité du diesel, moins taxé que l’essence, mais a reculé face au mouvement des gilets jaunes.

D’autres mesures ont été mises en place au cours du quinquennat, bien que non promises dans le programme de 2017. L’exemple le plus récent? Celui du remboursement de huit séances chez le psychologue pour les troubles dépressifs et anxieux d’intensité "légère à modérée", dès ce mardi 5 avril. Une promesse faite aux Assises de la santé mentale en septembre dernier, face à l’explosion des troubles psychiques pendant la crise sanitaire. Il y a eu, aussi, l’allongement de la durée du congé de paternité et la réforme des pensions alimentaires, qui prévoit un versement par l’État en cas d’impayés.

Olivia Fuentes

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